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Quand les médias nationaux s’arrêtent dans l’Aisne

En deux jours, l’Aisne et Soissons se sont retrouvés à la une des médias, avec la diffusion d’un documentaire sur LCP et la journée spéciale de RTL délocalisée dans la cité du Vase. Si la programmation de la première radio de France en terme d’auditeurs a, de l’avis général, renvoyé une image positive de la ville, il n’en est pas de même pour le reportage télévisé. Un média national qui se joue des clichés pour décrire le territoire, c’est devenu une mauvaise habitude.

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Les médias nationaux viennent-ils dans l’Aisne comme ils prendraient un billet pour visiter le « zoo de la misère » ? C’est pratique : c’est pas loin, c’est pas cher et on peut faire de belles images misérabilistes… C’est du moins ce qu’ont laissé à voir les derniers reportages sur le territoire. Certains restent encore choqués du traitement local des Municipales 2014 par les télés nationales. Pas de souvenir en revanche sur un reportage citant en exemple l’Aisne qui se bouge et qui veut se reconstruire. Peut-être était-ce le sujet du documentaire diffusé sur La Chaîne Parlementaire, et cela sans passer par les caricatures devenues habituelles des Axonais ? « J’ai conscience que les personnages de mon documentaire peuvent apparaître comme des clichés » a déclaré Ludivine Tomasi, la journaliste de LCP… Évidemment, cela n’annonce pas un instantané photographique du territoire très positif.

Le sujet de ce reportage de 53 mn : « Cette France qui n’attendait pas Macron ». Alors oui, le département de l’Aisne avait mis Marine Le Pen en tête dès le premier tour avec 36 % des voix, devant Emmanuel Macron à 18 %. Vote confirmé au second tour pour la candidate du Front National à 53 %, le futur président à 47 %, le tout avec une forte abstention de 24 %. Il n’en faut pas plus pour qu’une rédaction parisienne vienne une nouvelle fois chercher ici le témoignage du fameux électeur frontiste. Ou non… le seul fait d’entrer dans l’Aisne en devient l’aventure d’une avancée en territoire hostile. Dès ses premiers commentaires, la journaliste pose le décor : « Faut dire que je ne suis pas n’importe où. Ici, c’est l’Aisne… » Par ces mots et le ton employé, on ne peut s’empêcher d’entendre Michel Galabru dans « Bienvenue chez les ch’tis » : « Ici, c’est le Noorrrd… ». A ceci près qu’on est ici dans une comédie potache.

Mais pas d’effets comiques dans ce documentaire, non c’est bien un drame, une tragédie qui se trame. La réalisation enchaîne en effet sur l’image d’un panneau « rue des pauvres », tout en évoquant bien sûr l’illettrisme des Axonais : « On reprend du départ, l’alphabet, les chiffres… » Cela continue par « Ici, le malaise est profond » illustré par un autre panneau « La désolation » ! Pour remettre les choses à leur place, ce panneau du lieu-dit « La désolation » que la rédaction de LCP a réussi à trouver se situe à Flavigny-le-Petit, à la sortie de Guise. Il marque le champ de bataille où 2 643 combattants français ont été tués en août 1914 et octobre 1918. C’est aujourd’hui une nécropole nationale qui fait penser qu’avec ce raccourci imagé le malaise est bien profond.

L’Aisne est décidément le lieu de tous les maux : « Les fermetures d’usines poussent à la déprime », ceci tout en montrant La Sucrerie de Bucy-le-Long, pourtant en pleine activité soit dit en passant. Ludivine Tomasi témoigne qu’elle « a rencontré des citoyens perdus » et qu’elle « n’a pas eu à aller bien loin dans la banlieue de Soissons » pour trouver « Dédé le roi de la casse ». Elle qui cherchait l’électeur du Front National pur et dur, il faut bien avouer qu’elle l’a trouvé en Dédé, adepte en toute franchise de « la France aux Français ».

Puis comme dans un bon film dramatique où le héros poursuit sa descente en enfer, voilà que la journaliste a la folle idée de prendre la route vers… la Thiérache : « Dans la nuit, commente-t-elle, on m’invite à m’enfoncer davantage dans la campagne picarde, au fin fond du nord de l’Aisne… Le pays du Maroilles… » Comme si le Maroilles était en soi un signe de régression. Alors évidemment, quand Jean-Pierre trempe sa tartine de Maroilles dans son café à 7h du matin après la première traite, il donne aussi de l’eau à son moulin.

Mais au-delà des clichés, l’équipe de LCP a réussi à réaliser des portraits très touchants, des témoignages tous très poignants sur leurs conditions de vie. C’est aussi le cas pour le jeune Laonnois Jordan et l’équipe médicale de l’hôpital de Prémontré. On n’échappe pas malgré tout à de nouveaux lieux communs qui enfoncent bien le territoire : « La psychiatrie c’est l’oublié des oubliés de la santé en France, alors la psychiatrie dans l’Aisne… » Ludivine Tomasi a de plus voulu conclure son reportage par une note positive, « une lumière dans l’obscurité » comme elle le voit : celle d’Aurélie et Olivier, un couple vivant à Bucy-le-Long avec leurs deux enfants. Un couple moderne et actif dont le papa est au foyer, cultive son jardin potager, s’occupe des enfants au quotidien, et dont la maman travaille à Paris. Un témoignage positif certes, mais qui dans l’autre sens n’est pas représentatif non plus de l’Axonais moyen.

Voilà ce qu’aimerait voir l’habitant de l’Aisne dans les reportages qui lui sont consacrés : l’Axonais moyen, celui qui vit comme tout autre Français, celui qui s’engage et qui agit aussi pour son territoire, et surtout celui qui n’est pas systématiquement dépressif ou extrémiste. Mais les clichés ont la vie dure, et il est probable que les médias nationaux mettent encore la « misère » axonaise en exemple. Bien sûr, il faut aussi être conscient que ce ne sont pas les trains qui arrivent à l’heure qui suscitent l’intérêt.

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