Les secrets d’une exposition

Le salon de coiffure de la place Saint-Christophe vu par Migas Chelsky.

« Vue d’ensemble », exposition à la galerie du Mail jusqu’au 13 juin   

Le visiteur a toujours un premier coup d’œil en descendant dans la galerie du Mail, avant de regarder individuellement les œuvres exposées. Un mot qui peut venir à l’esprit en se rendant à « Vue d’ensemble » est « secret ». Non pas que les tableaux de Michel Gasqui (sous le nom Migas Chelsky), les photos de Jean Maffioletti, et les photomontages des deux sous le nom collectif de Gasma cacheraient leurs propres secrets, plutôt qu’ils auraient choisi des sujets qui ont à faire au secret. Même sur l’affiche de l’exposition deux femmes tournent le dos au spectateur : que se disent-elles à son insu ?

Michel Gasqui avait déjà exposé ses maisons vides, collages faits de carton ondulé, ici et à la Bibliothèque. Mais cette fois elles sont abandonnées et barricadées, comme si les habitants avaient voulu y enfermer de tristes passés. Le petit magasin de coiffure art nouveau de la place Saint-Christophe est un des sujets, mais des stores métalliques sont baissés sur la vitrine et la porte – alors qu’en réalité il n’y en a pas. L’art les rend aveugles. Que se trouve-t-il derrière ?

Ses toiles montrent des paysages, classiques presque jusqu’à l’abstraction : deux tiers ciel sur un tiers terre, le tout plombé comme par quelque phénomène qui va se déclencher.

Les photomontages de Gasma sont aussi énigmatiques que les illustrations pour leur récent livre. Le spectateur peut scruter, analyser, conclure ; il peut aussi accepter l’énigme, rester dans une incertitude imaginative.

Comment travaillent-ils ensemble ? Jean réfléchit : « Je ne peux rien dire. C’est comme ça. » Si c’est un secret, il leur est caché autant.

Les duellistes de Jean Maffioletti, d’après Callot.

Jean Maffioletti expose six photos inspirées des duellistes et autres sujets du graveur Jacques Callot. Devant une tenture blanche, deux femmes s’affrontent. A part leurs couvre-chefs à plumes et becs d’oiseau, et les accoutrements martiaux, notamment le sabre au clair, elles sont nues. Photos retouchées ? Jean Maffioletti répond : « Non. Seulement, il y a un montage. J’ai utilisé le même modèle, une danseuse qui savait faire ces mouvements, pour les deux personnes. »

Ces personnages pourraient alléger l’ambiance plutôt sombre de l’exposition, mais leur bellicisme coquin interpelle autant qu’il amuse. « Vue d’ensemble » n’essaie pas de séduire avec de jolies images. L’art de ses deux artistes vise un autre niveau de la conscience. Un pessimisme philosophique n’est pas loin.

denis.mahaffey@levase.fr