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Le jongleur à vélo

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OLYMPUS DIGITAL CAMERAEn marge du spectacle d’acrobates pour « Jardins en scène » donné en bas du donjon de Septmonts, un jongleur plutôt débutant fait valser trois balles vertes. Deux fillettes s’approchent. « Vous voyez, ça attire toujours les enfants. »

Jean-Michel Tallet, infirmier à l’hôpital de Soissons, veut utiliser le jonglage pour communiquer en voyageant à vélo. « J’avais une flûte, mais pendant mon dernier voyage on me demandait tout le temps de la leur donner. » Il s’agit de sa flûte en bois de cerise. « J’ai fâché pas mal de gens en refusant. » La réaction des deux enfants à Septmonts le rassure. Le jonglage remplacera la musique.

Depuis bien des années Jean-Michel fait de longs voyages intrépides à vélo – une fois avec sa fille – dans des pays que ne fréquentent pas les touristes, tels l’Iran et l’Afghanistan. Deux jours après notre rencontre à Septmonts, il part pour la Syrie. « Je fais de l’autostop dans un camion – c’est déjà prévu – jusqu’à Gaziantep en Turquie, puis 600 kilomètres à vélo pour arriver à la ville de Kobané en Syrie. » Il sera de retour à Soissons exactement 31 jours plus tard.

Ses bagages ? « J’apporte de moins en moins de choses, deux teeshirts, par exemple… J’ai une remorque, mais je ne prends même plus de tente, seulement un duvet et un petit matelas. »

Pourquoi entreprend-il ce voyage plutôt périlleux ? « Pour m’aérer. » La réponse peut sembler évasive, mais il semble évident que le ton léger sert à alléger une attitude plutôt fataliste.

Son itinéraire passe par des endroits où la violence règne. Gaziantep a subi un attentat des jihadistes de Daech en août dernier. La Turquie a riposté en pilonnant des positions Daech mais aussi kurdes en Syrie. Quant à Kobané*, passée sous le contrôle des forces kurdes en 2012 au cours de la guerre civile, elle a été attaquée par les jihadistes en 2014 et 2015. Elle a été entièrement reprise par les Kurdes, mais 75 pour cent de la ville avaient été détruits.

« C’est un tas de pierres » déclare Jean-Michel Tallet. « Ils se sont fait massacrer, ils se feront à nouveau massacrer, je serai peut-être massacré aussi. » Le ton est moins résigné que désabusé. Etre là, c’est tout ce qu’il peut faire.

denis.mahaffey@levase.fr

 

* Le nom de la ville est une déformation de « Company Bahn », la société ferroviaire allemande qui, en 1912, y a construit une gare sur sa ligne Berlin-Baghdad. C’était une autre époque au Moyen Orient…

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