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Portrait

Une Québécoise à Neuilly Saint-Front

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L'art de la pédagogie québécoise

Nicole Dumont a cinq pieds. Comme en plus elle est québécoise, cela veut dire qu’elle mesure un mètre cinquante-deux, car le Canada, même francophone, continue à utiliser communément le système « impérial britannique » pour indiquer la taille.

Elle est donc petite. Cela rend d’autant plus évidente son énergie physique et verbale, si caractéristique des Canadiens et qu’il est tentant d’attacher à l’esprit des pionniers, obligés de se construire un environnement et une civilisation pour remplir leurs terres. Le pays est vaste : le traverser de l’Atlantique au Pacifique prend sept heures par avion et une semaine en train.

Dans un jardin à Chacrise

Nicole a passé l’année scolaire 2015-6 à l’école de Neuilly Saint-Front. De son école près de Montréal elle a pu faire un échange avec une institutrice par l’entremise de l’académie d’Amiens et l’association canadienne Education Internationale.

« Institutrice » ? L’écart entre ces deux nations francophones apparaît vite. « Nous ne disons pas « institutrice ». Nous sommes des « enseignants » dans le primaire que dans le secondaire. C’est à l’université qu’on parle de « professeurs ». Elle s’est étonnée de l’appellation « Maîtresse » : depuis la transformation de la société québécoise des années 70 les élèves tutoient leurs enseignants. A Neuilly elle est « Nicole » ou « Madame Nicole ».

En France, lui a-t-on intimé, « les élèves n’ont pas à être amis, sinon il n’y a pas d’autorité ». Paradoxalement, elle constate que le métier d’enseignant est moins respecté ici qu’au Québec.

Elle se rappelle son arrivée devant ses élèves de CE1. « Le premier jour ma classe était remuante, indisciplinée, presque violente. Je n’avais jamais vu cela. » Que faire ? « J’ai lancé des ateliers où les élèves travaillent ensemble à un projet, au lieu de faire du chacun pour soi. Cela correspond davantage aux méthodes québécoises. »

Elle s’élève fermement contre l’idée que « l’école ne doit pas être plaisante ».Comme dans d’autres domaines de la société, le Canada essaie des démarches moins lestées par le poids des attitudes traditionnelles. « Je donnais plusieurs sujets, et chaque enfant s’investissait selon son propre choix. »

Nicole parle avec un vocabulaire précis et explicatif ; mais un glissement sur certaines consonnes, un élargissement de certaines voyelles, font que parfois sa langue prend le large avec un roulis qui exige une grande attention chez l’auditeur européen.

Réciproquement, certaines tournures d’ici l’ont surprise. « Un élève m’a demandé s’il pouvait aller « boire un coup ». Or au Québec cela ne se dit que pour une boisson alcoolisée ! »

Le résultat de son approche coopérative ? « A la fin, ma classe se rangeait dans la cour et m’attendait pour entrer. » Elle ne le dit pas, mais un tel comportement serait inhabituel dans l’école.

Nicole avait eu d’autres métiers avant l’enseignement, comme la banque. Mais à quarante ans elle a passé son baccalauréat et est retournée en faculté à Québec. Vingt-cinq ans plus tard, Nicole termine sa carrière à Neuilly Saint-Front. Elle prendra sa retraite en rentrant au Québec.

denis.mahaffey@levase.fr

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