« Hullu » au Mail
Un être étrange, de soixante-quinze centimètres de haut, à la conformation plus ou moins humaine, et avec un museau pointu, transbahute un gros carton sur la scène du Mail. Théâtre de marionnettes, certes, mais ne serait-ce tout de même pas un automate télécommandé ? C’est le talent époustouflant des marionnettistes de « Hullu » qui fait que la question se pose. Evidemment, c’est une marionnette « habitée » : au-dessus des genoux le manipulateur est caché à l’intérieur du carton, et le reste du petit personnage est fixé à l’extérieur.
Mais commençons au commencement, comme dans les contes. Une femme est assise entre deux hommes, qui tentent de maîtriser ses moindres mouvements, comme si elle était une marionnette elle-même. Puis l’une après l’autre de bizarres créatures apparaissent, derrière une épaule ou un mur, ou portant des cartons, avec un air mi-moqueur, mi-menaçant. La femme se refugie dans ce monde alternatif, les hommes n’y sont pas les bienvenus.
Il y a des moments ou la bizarrerie des créatures frise le cauchemar : l’une d’elles s’arraché la tête pour découvrir… une plus petite tête, puis une autre, puis… une main qui gesticule. Cela devient de plus en plus éblouissant, désorientant même, comme lorsque deux personnages ligotent et luttent avec un des hommes – pourtant seul manipulateur à bord.
« Hullu » est un spectacle poétique : non pas dans le sens d’un lyrisme romantique, mais parce que, comme dans la poésie, la logique prosaïque y est priée de faire place aux images et leurs associations. Chacun compose son spectacle intime à partir des étranges rencontres sur la scène.
denis.mahaffey@levase.fr
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