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Théâtre

Marivaux : la surface et le fond

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L'art du théâtre de Marivaux

Dorante et Silvia se méprennent l'un sur l'autre.

Dorante et Silvia se méprennent l’un sur l’autre.

« Quelle merveille, ce “Jeu de l’amour et du hasard” hier soir ! » Ce premier commentaire arrive par messagerie le lendemain du spectacle au Mail.

En effet. Il y a d’abord la pièce de Marivaux, avec son quadruple travestissement. La noble Silvia change de place avec sa soubrette Lisette, afin d’étudier son nouveau soupirant Dorante sans dévoiler son identité. Bon. Mais Dorante a pensé à adopter la même astuce pour la même raison, en changeant de rôle avec son valet Arlequin, et en prenant le nom de Bourguignon. Bon. Par ailleurs Orgon et Mario, père et frère de Silvia, sont au courant de ce double artifice, ce qui en fait des observateurs friands, espiègles et esclaffeurs.

Les dialogues scintillent d’intelligence, d’à-propos et d’humour, avec une pointe de cynisme pour permettre d’en apprécier pleinement la saveur. Ils sont dits par de jeunes comédiens – sauf Georges Bigot, Orgon dans la force de l’âge. Ils ont la voix souple et le corps agile. Ils murmurent et crient, sautent et tombent et se relèvent. De jolies filles et de jolis garçons, en vêtements d’aujourd’hui, jouant dans un formidable dispositif scénographique qui tourne dans les deux sens. Les personnages se croisent et se dépassent chaque fois que la structure se met en branle, reflet de la danse identitaire que raconte la pièce.

Orgon écoute Lisette désemparée.

Orgon écoute Lisette désemparée.

Le « marivaudage » parfait, alors, empreint de la galanterie et la délicatesse qu’on entend par ce mot ? En réalité, et comme toujours chez Marivaux, la surface aérienne recouvre des situations féroces et souvent cruelles (dans la production au Mail de « La fausse suivante » mise en scène par Agnès Renaud de l’Arcade, l’héroïne reçoit un coup de pied à la tête pour avoir voulu passer pour un homme). Ici, le trouble des quatre amants vient, moins des émois de l’amour que les submerge que du piège de la mésalliance qu’ils craignent de voir se refermer sur eux.

Avec une belle économie de moyens, la pirouette qui les libèrera est dans l’intrigue. Les vraies identités révélées, les nobles peuvent s’aimer sans devoir s’encanailler, et les domestiques peuvent continuer à les servir, mais en couple marié.

Cette production, mise en scène par Laurent Laffargue, vient du Théâtre de l’Ouest parisien. A côte de Georges Bigot et Maxime Dambrin qui est Mario, Clara Ponsot est Silvia et Mathurin Voltz Dorante, Manon Kneusé est Lisette et Julien Barret Arlequin.

Quelle merveille, en effet.

denis.mahaffey@levase.fr

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