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Prochainement / Lettres de Guerre : “Et c’est fini…”

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L'art des lettres

« Et c’est fini. » Quand Nicolas Pierson lira ces mots à Soissons le 11 novembre, exactement cent ans se seront écoulés depuis l’événement qu’ils commentent : l’armistice qui a mis fin au conflit de la Première Guerre Mondiale 1914-1918 le 11 novembre 1918.

Nicolas Pierson fixe Arnaud Duminil qui lit. [Photo PChandellier]

Les deux représentations de Lettres de guerre/Letters from the War/Feldpostbriefe dans la salle Simone-Veil marqueront également la fin de l’aventure de la lecture-spectacle dont la phrase est tirée.

Ce qui n’était pas prévu au tout début de ce projet en juillet 2015 a été la profondeur de l’impact de ces lettres sur les milliers de personnes qui les ont entendues, comme sur les lecteurs eux-mêmes, conscients à chaque représentation de réveiller les émotions et les souffrances vécues par les hommes dans les tranchées.

L’histoire de ce projet sera aussi un récit personnel : j’y pris part. C’est Jacques Delorme, directeur artistique de la compagnie L’Art et la Manière, qui avait depuis longtemps l’idée de faire lire des lettres écrites par des soldats français et britanniques alliés. Il avait déjà mis en voix Interrompre le silence, une lecture que j’avais faite avec Martine Besset. J’ai adhéré à ce nouveau projet d’autant plus volontiers que j’ai vu comment il savait insuffler de l’intensité dans la présentation d’un texte.

Soyons modestes : j’ai compris aussi qu’il pensait que mon accent irlandais indécrottable en français donnerait de l’authenticité aux lettres traduites de l’anglais.

Nicolas Pierson, du Théâtre du Grenier, a accepté de prendre en charge les lettres écrites en français, et nous avons commencé nos recherches en octobre 2015. Les lettres de militaires français sont accessibles dans des publications et livres ; pour les lettres en anglais il a fallu de longues recherches sur internet, suivi du travail de traduction. A la fin de l’année nous en avions rassemblé un nombre impressionnant. En le faisant, nous commencions à nous rendre compte de la puissance émotionnelle et historique de ce que nous allions lire.

Le projet a changé décisivement avec l’arrivée en janvier 2016 d’Arnaud Duminil, professeur d’allemand à Laon. En retrouvant et en traduisant des lettres en allemand, il a ajouté une autre dimension au projet, et qui lui a donné son caractère inhabituel dans le genre : en faisant connaître l’expérience de soldats alliés et ennemis, français, allemands, prussiens, bavarois, autrichiens, anglais, écossais, irlandais et américains, les lettres montrent combien, à côté des différences individuelles et de contexte, les soldats partageaient les mêmes préoccupations et soucis, espoirs et désespoirs. D’ailleurs le titre en trois langues annonçait ce partage.

Le choix d’une vingtaine de lettres, qui prendraient une cinquantaine de minutes à lire, a émergé d’échanges entre les participants. Le travail a été constamment collectif. Les répétitions ont été longues, chaque détail et chaque mot ont été pesés, élaborés, discutés. Notre metteur en voix y a mis de la cohérence, nous a poussés à trouver en nous les ressources pour assumer les lourdes expériences vécues par « nos soldats ». Car le long de ces préparatifs nous trois lecteurs nous sommes en quelque sorte entrés en relation avec ceux qui avaient écrit les lettres. Si le spectacle gagne en intensité à chaque représentation, c’est que nous nous connaissons mieux, eux et nous-mêmes.

Un soldat français, condamné à mort presque par tirage au sort, écrit à sa femme la veille de l’exécution ; un Allemand raconte l’horreur d’une attaque de tranchée avec des lance-flammes ; un sergent écossais mettra sa dernière lettre dans sa poche avant d’enjamber le parapet ; un Américain rigole, excité de monter enfin au Front.

Avec le soutien de la Ligue de l’Enseignement, la première représentation publique de Lettres de Guerre a eu lieu le 23 septembre 2016, dans le cadre militaire du fort de Condé. Cette séance nous a valu d’être invités à donner le spectacle à Craonne en avril 2017 et dans la grande salle d’exposition de l’Arsenal en mai. La réaction du public a dépassé nos attentes. Des larmes aux yeux, la poitrine oppressée, le trouble, la colère : des spectateurs nous faisaient part de leur réaction.

Lecture au collège de Cuffies avec Philippe Chandellier                [PhotoPChandellier]

Arnaud Duminil a quitté l’équipe pour s’installer dans le Sud. Il a été remplacé par Philippe Chandellier, ce qui nous a fait reprendre les répétitions pour qu’il s’intègre, reprise qui nous a fait encore mieux saisir le sens de ce que nous lisions.

Nous avons continué à Pargny-Filain, à Saconin-et-Breuil, et dans différents établissements scolaires. Chaque fois nous nous sommes sentis plus près de ceux qui écrivaient, plus à même de traduire (de « jouer » donc) l’horreur de ce qu’ils vivaient dans les tranchées ou ailleurs sur le Front. Nous n’allions plus être les mêmes, tout en restant nous-mêmes, c’est l’expérience de l’acteur.

Notre aventure se devait de prendre fin avec la fin des événements terribles qu’il concerne. Il va falloir prendre congé de nos auteurs, Léon, Wilbert, Henry, le soldat Augellgen, dont nous n’avons jamais connu le prénom, Laurie, Gaston, Hermann, Jim, Louis, Mathias, Chester, Johannes, Liam, Léon, Waldo – et Eugène, qui a écrit la dernière lettre à ses parents le 13 novembre 1918. Il y raconte le soudain silence à 11 heures, et puis « nous sommes relevés à deux heures et c’est fini ».

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Lettres de guerre/Letters from the War/Feldpostbriefe, dimanche 11 novembre à 15h et 17h dans la salle Simone-Veil. Entrée gratuite.

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