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Théâtre

Une bulle de bonheur

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L'art du cirque alternatif

Parfois, au théâtre, quelque chose de sublime a lieu. Cela dépasse le plaisir intellectuel, esthétique, la beauté d’un texte ou le tableau que composent les acteurs : il s’agit plutôt d’une rencontre entre scène et salle, un moment où l’imagination sur scène, une fantaisie, une vision remuent le spectateur, qui sent alors une bulle de bonheur lui remplir la poitrine.

Il y a eu un tel moment pendant « Réversible », spectacle de cirque donné au Mail par la compagnie de cirque québécoise Les Sept Doigts de la Main. Cette troupe avait déjà dynamisé le Salon du Blog Culinaire 2015 avec « Cuisine et Confessions », mêlant les histoires personnelles racontées par ses artistes à des tours de cirque – et à la cuisson de plats servis au public à la fin.

Julien Silliau sur la roue allemande

« Réversible » est une production de la même compagnie, mais les artistes sont tous différents, ce qui donne une idée du puits de talent – international, c’est le propre du cirque – à la disposition des Sept Doigts.

Spectacle de cirque, mais l’esbroufe conventionnelle est absente de cette rêverie sur la transmission entre les générations. Devant un micro, chacun des huit artistes dit une phrase ou deux sur ce qui lui est venu de ses anciens, et le spectacle montre ce que chacun en fait. Selon la compagnie « Réversible » inverse la marche du monde afin d’en inventer d’autres, plus beaux. Car il n’est jamais trop tard pour changer, encore et encore… »

Trois pans de mur amovibles, chacun avec sa porte et sa fenêtre, représentent les lieux des histoires, façades ou intérieurs. Le spectacle commence par des passages de plus en plus rapides et bizarres à travers ces ouvertures. Glissants, sautants, tirés ou poussés, ils font irruption ou s’engouffrent.

De tels déplacements collectifs ponctuent le spectacle, rythmés, chorégraphiés, acrobatiques. Les mouvements ressemblent souvent à ceux du hip-hop, mais au ralenti ; ce n’est pas de la danse.

Dans ce travail d’ensemble, chacun a son temps individuel pour briller. Acrobaties, jonglage, travail sur élingue, roue allemande ou, le plus spectaculaire, balançoire à bascule. Deux des hommes, plutôt en concurrence, apparaissent d’abord au dessus du mur en alternance, soulevés, pouvait-on penser, comme un rugbyman par ses coéquipiers. Puis les pans de murs sont enlevés, et la balançoire est visible. La compétition continue, chacun catapulté par l’autre, de plus en plus haut, tournoyant, changeant constamment de forme de saut périlleux. Le plus léger des deux monte jusqu’à huit ou neuf mètres. Cela fait un peu peur, comme dans tout cirque tant si peu efficace.

Et le moment sublime ? Un rideau blanc qui fait toute la hauteur de la scène est tiré en avant par les membres de la troupe jusqu’à couvrir le plateau. Ils passent en dessous, font bouger ce rideau comme une mer blanche. Une machine à vent se met en route, et les vagues montent de plus en plus haut. Plusieurs personnes, seules ou en couple, marchent sur cette mer en émeute. Tout est simple, mais l’effet est époustouflant de simplicité, de beauté et de sens.

Le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine a déjà utilisé cette astuce pour simuler une mer houleuse. Mais ici il n’y a pas d’intrigue, seulement un effet théâtral. Les artistes se donnent la main, comme le font les générations qu’ils évoquent. Visuellement, c’est sublime.

Ce n’est pas la finale. Un jongleur finit le spectacle avec ses balles. Il sait tout en faire, mais surtout il sait faire revenir sur terre le public embarqué sur la mer.

denis.mahaffey@levase.fr

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