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Théâtre

Une histoire d’histoires

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L'art du récit au théâtre

Nous sommes installés dans nos fauteuils rouges de la grande salle du Mail – rouges avec une pointe de rose vif qui évite la couleur lie-de-vin trop associé aux salles dix-neuvième. Mais quand les cinq comédiens, trois hommes, deux femmes, de « Le porteur d’histoire » d’Alexis Michalak prennent place sur la scène, vide à part cinq tabourets ornés, et que le feuilleton de la soirée s’annonce, il est tentant de s’imaginer la tête sur un oreiller, une couverture tirée jusqu’au menton, à écouter une longue, longue histoire qui durera jusqu’à l’aube.

Martin identifie le corps de son père dans les Ardennes.

Martin identifie le corps de son père dans les Ardennes.

C’est une histoire pour l’histoire, sans message ni effets spéciaux. Il y a une bibliothèque fabuleuse, un trésor qui l’est encore plus ; Marie-Antoinette et Alexandre Dumas interviennent. Cela commence en Algérie en 2001, remonte à 1988 dans les Ardennes, puis à 1832 en Algérie, à Villers-Cotterêts, la forêt de Versailles, le Canada, Marseille, Avignon en 1348 et les catacombes de Rome en 258. Le héros Martin, cherchant une place pour enterrer son père, trouve un cercueil plein de livres, en ouvre un et y trouve… un carnet.

Le rythme narratif est palpitant. Les comédiens endossent différents costumes accrochés à un portant pour jouer tous les personnages. Ils courent pour passer d’un épisode au suivant, en déplaçant les tabourets. Aucune scénographie, aucun accessoire n’encombre l’intrigue.

Panique dans l'avion.

Panique dans l’avion

Loin d’appauvrir l’impact visuel du spectacle, cette économie de moyens l’illumine. Le dépouillement fait de « Le porteur d’histoire » une expérience théâtrale qui remue. Les comédiens miment des gestes si minutieusement observés qu’ils interpellent les spectateurs. Martin lit son carnet en buvant un gobelet de café. Gobelet ? Il n’y a pas d’anse, les doigts de Martin l’entourent. Arrivé aux dernières gouttes, il les fait tourner au fond du gobelet et les avale. Ce petit mouvement rotatoire, qui ne l’a pas fait, ou vu faire, sans bien comprendre la raison – peut-être pour faire fondre les derniers grains de sucre ? Mais en l’absence d’accessoire l’œil du spectateur, au lieu de glisser sur le geste, le reconnaît et le meuble par sa propre imagination.

C’est un détail révélateur de la nature d’un spectacle qui ne s’embarrasse pas de naturalisme. Ce genre de théâtre ne crée pas l’illusion : c’est le spectateur qui la crée lui-même à partir de ce qu’il voit sur scène.

denis.mahaffey@levase.fr

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