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Théâtre

Une Reine parmi les hommes

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L'art du théâtre de Hugo

Marie avec Fabiano

Marie avec Fabiano

Cela avait presque des allures de devoir culturel : aller écouter pendant des heures la prose trop souvent ronflante de Victor Hugo, pour une obscure histoire de reine et de courtisans au 16e siècle. Même pas celle d’événements historiques, mais une intrigue fictive autour de la reine anglaise Marie Tudor (dont les portraits révèlent le manque de séduction). Un Italien, favori et amant de cette Reine, séduit une jeune fille pauvre – mais qui s’avère être en réalité une riche noble possédant de vastes terres. Un jeune ouvrier l’aime aussi. Lequel choisira-t-elle ? Que fera la Reine trompée ? Voilà les enjeux plutôt ringards.

C’était oublier le pouvoir du théâtre, du récit, d’une mise en scène bien pensée, d’une scénographie et de costumes formant un cadre sombre et austère pour la fleur flamboyante qu’est cette Reine, jouée fastueusement par Cristiana Reali.

Dans « Marie Tudor » Hugo montre, plus qu’une intrigue à dormir debout, la situation politique dans laquelle un pouvoir souverain s’exerce. Loin de peser ses paroles, de veiller à garder une gravité royale, Marie ne se refuse aucune caprice, dans ses mots, ses gestes, ses décisions. Comme son pouvoir est censé venir de Dieu, elle n’a aucun compte à rendre. Personne ne peut la critiquer. La démesure est son ordinaire.

Les nobles mettent Fabiano à genoux devant la Reine.

Les nobles mettent Fabiano à genoux devant la Reine.

Cristiana Reali, dont la beauté radieuse est d’autant plus touchante qu’elle est fragilisée par le passage de la vie, joue Marie en riant, en pleurant, en flirtant, en se mettant en colère, en pardonnant ; elle humilie puis s’abaisse devant son amant.

Les despotes peuvent tuer par milliers sur un coup de tête. D’ailleurs la vraie Marie la Sanglante a gagné son surnom par sa persécution des Protestants anglais. Mais dans cette pièce elle n’exerce son pouvoir de vie ou de mort qu’une fois, entendant sacrifier le jeune ouvrier afin de sauver la tête de son amant. Elle échoue, face aux pairs courtisans intrigants, déterminés à détruire l’intrus italien.

Ces nobles, dont les costumes ne les attachent à aucune époque précise, sont un peu fades, interchangeables, mais ils démontrent que le monde des hommes peut braver le pouvoir, même absolu, dès qu’il est exercé par une femme. Seul à porter des habits d’époque est Pierre Estorges, acteur de petite taille qui joue un Maître Aenéas inquiétant, plein de bonhomie et de menace. Ses chaussures à talon cliquètent sur le plateau comme un « tic tac » scandant le passage du temps.

Jean-Philippe Ricci est Fabiano Fabiani, homme sensuel et conquérant, défi ambulant à l’autorité des pairs, qui l’abattent par un stratagème. Marie, piégée comme la Tosca de Puccini, croit l’avoir sauvé alors que le bourreau lui coupe la tête.

denis.mahaffey@levase.fr

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