Chrystelle, infirmière libérale, membre de la brigade blanche : « J’aimerais parler d’une journée type pour nous, les infirmières libérales. Déjà, avant même de commencer notre journée, nous avons les mains gercées par les procédures qui nécessitent un nettoyage permanent et efficace avant et après chaque soin. Notre visage est également abîmé par les masques que nous portons à longueur de journée et qui ne sont vraiment pas agréables à supporter. De plus, chaque jour nous devons porter notre tenue hospitalière par-dessus nos vêtements de ville, nettoyer nos voitures, laver tous nos vêtements, nous laver le corps et les cheveux plus qu’habituellement pour réduire le risque d’infection pour nous, nos patients, mais également nos familles.
Mais au final, ce n’est pas ce qui est le plus difficile. En réalité, ce qui est vraiment désagréable est de croiser, chaque matin, des promeneurs de chien ou des personnes qui sortent seulement pour chercher une baguette de pain alors que nous, tout ce que nous désirons, c’est de pouvoir être chez nous avec notre famille, et de pouvoir les approcher. Cela est difficile pour nous d’accepter que les gens ne prennent pas ce confinement au sérieux. Il est également très compliqué pour nous d’effectuer un soin en entendant des paroles dégradantes à longueur de journée telles que : « Ce n’est pas bientôt fini votre déguisement ? »
Il est fatiguant pour nous de devoir dire et répéter les consignes du gouvernement aux soignés et à leur entourage car cela n’est pas respecté. Cela est également attristant pour nous d’assister à la pharmacie à des réclamations violentes et inutiles de masques pour des sorties non nécessaires alors que nous, étant en contact constant avec des personnes possiblement infectées, nous sommes obligés de nous rationner en masques pour pouvoir tenir la journée. Car oui, nous n’avons pas assez de masques, nous sommes plus que sous-équipés. C’est pour cela que parfois, nous ne pouvons pas boire de la journée car nous ne pouvons pas nous permettre de toucher notre masque, de possiblement l’infecter, et de ne pas pouvoir le changer.
Après notre journée difficile, nous rentrons chez nous, avec notre famille pour les plus chanceux, ou les plus malchanceux, car nous sommes possiblement porteurs, étant mal équipés, c’est pour cela que nous sommes obligés de vivre à l’écart des personnes que nous aimons. Mentalement, c’est très compliqué de se sentir isolé, de ne plus avoir de contact physique avec quiconque, parce que nous voulons les protéger. Chaque jour, pendant que nous allons de patients en patients, nous croisons sur la voie publique des gants et des masques jetés n’importe où et cela nous démoralise.
Nous ressentons une grande solitude face à cette pandémie, heureusement que des groupes sur les réseaux sociaux tels que WhatsApp ou Facebook se sont créés pour que les professionnels soignants puissent se soutenir mutuellement étant délaissés du gouvernement qui ne prend aucune mesure de sécurité pour nous. Nous sommes chaque jour en première ligne, et chaque jour nous nous sentons un peu plus seuls et à l’écart, impuissants face à toute cette fatalité. »