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Musique

Orchestre de Lille : Haydn, Beethoven et un serpent

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L'art de l'orchestre et ses solistes

Alexandre Bloch, directeur musical de l’Orchestre National de Lille

Le public de la CMD a fait la connaissance du nouveau directeur musical de l’Orchestre National de Lille. En 2016 Alexandre Bloch avait succédé à Jean-Claude Casadesus, chef de cet ensemble depuis quarante ans et dont les concerts à Soissons avaient lieu à la cathédrale.

Le nouveau chef a pris connaissance à son tour de la salle de concert de la CMD, et s’en est félicité. Il a trente-deux ans, et est entré sur le plateau en courant, laissant entendre qu’un vent de jeunesse allait souffler sur le répertoire. Au cours du concert, tous les signes indiquait une bonne entente avec les membres de l’orchestre. Pendant la symphonie de Beethoven qui a terminé le programme, il est même resté immobile plusieurs fois, les mains jointes devant lui, comme s’il faisait confiance aux musiciens.

En contrepoint à la nuit trempée dehors, le programme a commencé par la symphonie ensoleillée « Le midi » de Haydn, dont les trois mouvements comprennent une extraordinaire série de solos accompagnés par le reste de l’orchestre, rappelant l’ancienne catégorie de concerto grosso ou symphonie concertante. Violon, violoncelle, flûte, hautbois et enfin contrebasse : chacun à son tour est sorti de l’ensemble puis y est retourné.

L’orchestre de Lille a une tradition de « résidences musicales ». Le compositeur d’origine libanaise Benjamin Attahir y participe, et son « Adh-dhohr » pour serpent et orchestre a été joué en création. Le serpent, instrument datant de la Renaissance, est l’ancêtre du tuba. Il a une embouchure de cornet ou de trompette, et ses volutes caractéristiques sont en bois.

Patrick Wibart et le serpent

Le soliste Patrick Wibart s’est installé sur une chaise et l’a pris dans les mains. L’instrument ressemblait terriblement à… un gros serpent, dont le dernier anneau encerclait le genou du musicien, alors que la bouche remontait vers le haut comme si, charmé, il regardait son maître.

L’effet auditif était intrigant, voire déroutant. Le son est celui d’un instrument d’accompagnement, et il servait en effet à cela dans les églises. Tout en tenant le rôle principal dans ce concerto, il se faisait parfois entendre en fond sonore riche et profond pour les autres instruments. Même en solo il tendait à rester en retrait.

Selon les notes du programme, cette œuvre évoque « le salâh (rythme de prière musulmane) mis en conversation avec l’ordinaire chrétien et quelques éléments de la culture hébraïque ». Une seule audition ne permet guère d’identifier tous ces aspects ; ce qui s’entend est une constante urgence ; pourrait-elle être celle de la foi ?

Le concert s’est terminé par une lumineuse interprétation de la cinquième Symphonie de Beethoven, éclairant dans chaque détail les raisons de sa célébrité, de son statut de « tube » accessible à tout le monde, partout.

Il n’était pas utile, semblait entendre Alexandre Bloch, d’insister sur la nature iconique du motif à quatre notes, trois courtes suivies d’une longue, par lequel la symphonie commence (rythme qui revient à la fin). Il a bondi sur l’estrade et, sans attendre un silence recueilli dans la salle, a lancé la musique.

Ensuite et jusqu’à la fin, l’orchestre a révélé ce qui justifie la réputation de la Cinquième : une richesse d’invention, des trouvailles de composition dont chacune pouvait suffire à un morceau de musique, et une accessibilité totale, sans complication ni temps mort. A la fin de la marche triomphale qui conclut la symphonie le public, qui n’avait pas dépassé la politesse dans son accueil jusqu’’alors, s’est mis a applaudir longuement et solidement, beaucoup de spectateurs se mettant debout pour mieux témoigner de leur enthousiasme et leur reconnaissance.

denis.mahaffey@levase.fr

L’incident     Au milieu de la Cinquième symphonie, les risques de la musique en direct se sont révélés, quand une corde de l’instrument d’Ayako Tanaka, violon solo, s’est cassée. Elle a échangé son violon contre celui de sa voisine puis, comme « cela n’a pas marché », selon un commentaire après le concert, l’a repris. Visiblement, Ayako Tanaka en a été éprouvée. Le plus étonnant est qu’Alexandre Bloch, tout pris qu’il était par la direction de tout l’orchestre, a eu la disponibilité d’esprit pour se tourner vers les deux musiciennes et faire un petit geste croisé avec les index, leur suggérant l’échange.

 

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La musique Romantique poursuit son chemin à la Cité : Mendelssohn et Grieg

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L'art de la musique Romantique

La dominante Romantique de la saison musicale 2023-24 à la Cité de la Musique de Soissons, illustrée par le concert de l’Orchestre Nationale de Lille en septembre, avec Grieg et Tchaïkovski, est confirmé par celui de l’Orchestre de Chambre de Nouvelle Aquitaine, avec Mendelssohn et, encore, Grieg.

La soliste Manon Galy et le chef d’orchestre Mark Coppey

Comme pour marquer quand même une parenthèse entre les deux programmes Romantiques, et rappeler que les silences peuvent, non pas interrompre la musique mais créer des respirations dans l’écoute, le concert a commencé par Words, une très courte œuvre de la compositrice allemande contemporaine Isabel Mundry.

Ensuite, la très jeune violoniste Manon Galy, lauréate aux Victoires de la musique 2022, a remplacé Alexandra Soumm comme soliste dans trois concerts avec ce même programme, sous la direction de Mark Coppey.

Il s’agit d’un des défis auquel doit faire face tout violoniste. Le concerto de Mendelssohn met à l’épreuve sa virtuosité et sa sensibilité.

Ce qui s’est passé a été une sorte d’histoire… romantique. Manon Galy est arrivée sur scène, étincelante en lamé argent, l’air fragile, le visage fermé. Après les quelques notes qui précédent l’entrée du violon au début – une nouveauté par rapport au schéma Classique, qui veut que l’orchestre joue une introduction, comme une mini-ouverture, elle a attaqué. La cadence vers la fin du premier mouvement a été brillante, le basson et la flûte ont fait le pont et elle s’est lancée dans le mouvement lent, exaltant, contemplatif et parfois déchirant. Son visage a changé, elle s’est détendue, et avec le troisième mouvement furieusement énergétique, elle a confirmé sa maîtrise. Une réussite, et elle le savait car elle était souriante en saluant la salle et l’orchestre.

En bis, elle a osé affronter la Méditation de Thaïs de Massenet, piège pour tout musicien susceptible d’être tenté de faire pâmer la salle. Manon Galy est restée ferme, évitant toute sentimentalité, tout…romantisme, et a ému. Encore une Victoire, que le public a semblé reconnaître par son accueil.

Avant le concert la harpiste Iris Torossian prépare son instrument, noir comme sa robe.

Ce grand moment passé, les auditeurs ont pu se laisser divertir et charmer par les deux suites Peer Gynt de Grieg. Les trois « tubes » font toujours plaisir, à écouter et, dans une salle de concert, à voir, et les cinq autres pièces, moins familières, se laissent davantage connaître.

Ce double événement, et les autres concerts programmés pour la saison, proposent un long regard vers l’ère Romantique, dont les compositeurs, laissant leur inspiration, les mouvements de leurs émotions, générer les formes de leur art, bousculaient les structures plus ou moins strictes de composition des époques Baroque et Classique.(*)

(*) Admettons que les amateurs du Baroque et du Classique défendent ces structures (comme ceux qui, en poésie, préfèrent le sonnet et l’alexandrin au vers libres) en pensant qu’au lieu d’entraver la créativité elles l’éperonnent, posent un défi fécondateur au compositeur (comme au poète).

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Concerto et symphonie d’amis : Grieg et Tchaïkovski

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L'art de la musique Romantique

Alice Sara Ott au piano, Alexandre Bloch à la baguette, attentif l'un à l'autre

Les programmes papier de la Cité de la Musique accordent une place prépondérante à la carrière des solistes et du chef. Les œuvres font de temps de temps l’objet des excellents « guides d’écoute » rédigés par la Classe d’Analyse de Christine Paquelet au Conservatoire. Mais parfois ils contiennent une petite mise en contexte des œuvres, toujours brève, profonde, instructive – et anonyme. Pour le concert de l’Orchestre National de Lille à la Cité de la Musique, la feuille distribuée à l’entrée, à côté des noms des musiciens d’orchestre, ce qui est rare, commentent les deux œuvres à jouer, le Concerto pour piano de Grieg et la 5e Symphonie de Tchaïkovski.

Les spectateurs y apprennent que les deux compositeurs se connaissaient et s’appréciaient. Cela éveille l’oreille à une communauté d’approche entre les deux – un exercice enrichissant quand il s’agit de « tubes » classiques, si souvent entendus qu’ils risquent de devenir une musique de fond.

Soliste et chef devant le public

Ainsi, les deux œuvres ont un côté spectaculaire, en faisant pleinement appel aux capacités des musiciens. Pour le concerto, cela inclut l’exploit technique de la soliste, Alice Sara Ott, jeune et presque frêle devant son clavier. Il s’agit de l’aspect visuel d’un concert, de la possibilité pour les auditeurs de « voir » la structure d’une œuvre, à travers les gestes des musiciens, et d’apprécier leurs capacité physique à mettre en sons l’inspiration du compositeur. Le début du concerto est comme toujours extraordinaire, les percussions précédant l’entrée fracassante du piano seul.

La 5e de Tchaïkovski s’engage dans le lent passage de l’inquiétude du début, du doute, vers leur résolution finale dans la certitude.

Par ailleurs, Grieg et Tchaïkovski partagent la capacité, au milieu de passages d’intensité prodigieuse, d’inclure des thèmes capables d’inspirer chez les auditeurs un sentiment si profond que la joie et la tristesse ne s’y distinguent plus.

Après le concerto, et avant la symphonie, Alice Sara Ott a pris la parole pour présenter son « bis ». Elle a parlé du nouveau piano de la Cité, en admettant qu’il lui fallait le temps de s’y habituer, et proposant, après Grieg, « quelque chose de plus intime » : Pour Alina d’Arvo Pärt, œuvre clef de ce compositeur estonien sur son chemin du minimalisme. L’effet dans la salle a été de marquer un interlude dans une soirée de vastes mouvements et de grandes émotions et parfois, dans le cas de Tchaïkovski, admettons-le, d’emphases théâtrales. Le morceau prend quelques minutes, mais il peut durer jusqu’à dix, selon l’interprète : Alice Sara Ott a choisi la brièveté, d’autant plus éloquente dans un océan de Romantisme.


La musique de l’époque Romantique a les faveurs de la Cité de la Musique cette saison, parfois de façon rapprochée : le concert de l’Orchestre National de Lille, avec Grieg et Tchaïkovski, est suivi quinze jours après par un autre, consacré à Mendelssohn et, à nouveau, Grieg.

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Anatole Jazz Club : s’ouvrir à l’inattendu

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L'art du jazz

Né à Soissons, parti dix ans en Angleterre où il a été professeur de français, de retour juste avant le confinement Covid, Nawfel Hermi a ouvert depuis un an Platinorama, magasin de disques spécialisant dans les années ‘60 à ’80. Guitariste autodidacte, il marque une nouvelle étape en inaugurant l’Anatole Jazz Club au théâtre Saint-Médard le 5 octobre avec son quatuor, Philippe Rak au vibraphone, Stéphane Belloir batterie, Rémi Gadret basse et contrebasse.

Le jazz pour Nawfel ? « L’improvisation. Il faut s’ouvrir à l’inattendu. Il faut connaître les règles, puis se lancer. »

Rémi Gadret, responsable pour ce projet avec la compagnie Acaly, prévoit d’ici juin 2023 9 concerts, conférences et sessions jam (où les jazzmen peuvent faire connaissance et expérimenter sans cérémonie), fondant ainsi un vrai lieu où le jazz peut s’établir, s’enrichir – et enrichir la vie musicale à Soissons.

Pour Rémi comme pour Nawfel, l’improvisation, la spontanéité sont au cœur du jazz. « Mais Bach aussi était un grand improvisateur. L’écrit n’a pris tant d’importance qu’avec les grands compositeurs classiques. »

Enfin, pourquoi « Anatole » ?  C’est un code de structure (comme le « blues »), 32 mesures de type AABA, une grille basée sur « I got rhythm » de Gershwin.  Il suffit de signaler « une anatole en si bémol » et c’est parti.


Nawfel Quartet, théâtre Saint-Médard, 5 oct. Dîners-concerts à 19 et 21h.

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