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Théâtre

CHAT 3èmes – Dernières !

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L'art des "classes théâtre"

« Antigone(s) » dans la petite salle du Mail

« CHAT » ? Il y a quatre ans, une nouvelle appellation est apparue au collège Saint-Just. En écartant le sens félin, qu’est-ce cela pouvait signifier, sinon quelque forum de bavardage en ligne ? En fait c’était un sigle : « Classes à horaires aménagés théâtre », dit « chatte » ou devenu, pour les récalcitrants au jargon Education nationale, « classes théâtre ». Chaque semaine, des cours seraient réservés aux arts du théâtre.

Les petits Sixièmes ont commencé l’apprentissage : non pas pour déclamer des tirades ni adopter d’autres personnalités, mais pour être présents sur scène sans cachotterie, c’est à dire à être pleinement eux-mêmes sous le regard du public. A la fin de chaque trimestre ils « présentaient leurs travaux » selon le coordonnateur Philippe Chatton, qui refusait le terme de « spectacle ».

A présent, le cycle est complet : ces premiers élèves sont arrivés à la fin de leur Troisième, suivis de trois autres CHAT. Ils quittent le collège, se dispersent. Alors il a été décidé de démontrer leurs acquis en produisant un vrai spectacle, à deux volets : « Antigone » de Sophocle et d’Anouilh. Pas de vedettariat : les rôles principaux, c’est devenu une tradition, seraient tenus par plusieurs comédiens alternant de scène en scène. L’acte d’Antigone qui enfreint l’interdiction de son oncle de roi d’enterrer décemment son frère mort est présenté sous deux angles.

Jérôme Wacquiez de la compagnie des Lucioles a fait la mise en scène. Il a choisi de démarquer les deux pièces. Pour Anouilh le ton est intime, les gestes quotidiens, et le tragique destin d’Antigone émerge de ce cadre presque banal. Pour Sophocle, la mise en scène est plus hiératique, avec d’impressionnants mouvements d’ensemble : quand quatre Antigone laissent tomber de leurs mains un filet de sable sur le plateau, il y a un frisson dans la salle.

Il reconnaît l’évolution des élèves : « Ils ont changé depuis quatre ans ! Plus de maturité, de réflexion. » Les débats autour du thème ont été animés. « Sur le sujet de l’injustice, les filles avaient beaucoup à dire ! »

DM ajoute :
Je fréquente ces élèves depuis le début, les voyant répéter et jouer, intervenant dans leur classe sur le rôle du critique de théâtre. Plus encore que leur capacité à jouer la comédie, c’est l’effet de ces cours sur leur savoir-vivre qui frappe. Loin du mélange de timidité et d’insolence qui peut rendre les contacts avec un adulte difficile, ils savent accueillir, prennent l’initiative pour saluer. Leur aplomb est remarquable. Ils ont appris à avoir confiance en eux, à se respecter et à respecter les autres. C’est un bel acquis à emporter de leurs années de collège.

Comme à chaque fin d’année, il y a eu trois représentations, permettant aux acteurs de gérer différents publics, et creuser leur travail. A la deuxième représentation, la maîtrise du texte, des mouvements et des interactions était évidente. Plus que cela, ces jeunes comédiens laissaient voir leur bonheur à jouer.

 

Qui veut gagner des œufs Kinder ?

Le club de théâtre du collège Lamartine.

Le club de théâtre du collège Lamartine.

Le Mail bourdonnait ces jours-là. La classe théâtre de Saint-Just répétait en bas, le club théâtre du collège Lamartine en haut. Dans la grande salle une foule d’élèves, de la Sixième à la Troisième, préparaient le spectacle de fin d’année, un joyeux carnaval dans lequel des personnages émergés d’œufs Kinder viennent dérégler le sommeil d’un garçon qui en a trop mangé : Robin des Bois, un léopard, Peter Pan et le capitaine Crochet et, pour finir, des lapins qui se ruent sur le pauvre insomniaque. Tout finit dans la chanson.

Sous la direction de Marie-Christine Bairros, la mise en scène définitive se faisait collectivement sur scène. C’était exubérant, mais jamais anarchique : l’investissement était évident. Le comique était bien maîtrisé pour le rendre efficace.

Je demande le titre. Hésitations, rires, puis on hasarde « Qui veut gagner des Kinder ? » Eh bien, ce sera ça.

denis.mahaffey@levase.fr

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Le Finistère se donne en spectacles

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L'art de l'été breton

[Photo fournie par Capriol]

Un récit de voyage culturel en Bretagne qui ne s’impose pas la concision habituelle aux chroniques du Vase des Arts. Il est divisé en trois épisodes, pour ceux qui préfèrent ne pas trâiner trop longuement devant leur écran.  

Le Finistère, là où l’Europe prend fin sur les plages, rochers, baies et promontoires de la Bretagne, est semé de petites églises, village par village, sans parler de chapelles isolées vouées à tel saint. Bâties de granit, elles constituent chacune une anthologie de détails architecturaux, flèches, frontons et piliers hérités de temples grecs, tourelles dont des marins auraient pu rapporter les formes de pays lointains.

A l’intérieur l’espace nécessairement réduit est partagé par la nef, les bas-côtés, le chœur, l’abside, les chapelles particulières, parfois une salle du « trésor » où les objets liturgiques sont exposés, le tout dans une pénombre apaisante.

On a appelé ces églises « les boudoirs de Dieu », où on imagine le Tout-Puissant, las de vastes cathédrales, basiliques et églises surdimensionnées, Se refugiant pour être reçu en petit comité.

Même les cathédrales sont compactes. Celle de Tréguier, derrière sa petite place, a du mal à contenir l’assemblage de volumes nécessaires à ses fonctions épiscopales.

Presque toutes les églises du pays témoignent encore d’une vie paroissiale. Par ailleurs, dans une région où les touristes cherchent moins des plages à rangées de transats, ou des rues bordées de bout en bout de bars et boîtes, que des sorties culturelles, ces églises, à côté de leur rôle religieux, accueillent des spectacles, avec une prépondérance de musique classique ou bretonne traditionnelle. Le rock se niche ailleurs, dans les festivals par exemple.

Mais il y a d’autres formes de spectacle. Parfois l’extérieur d’une église sert de toile de fond. C’est sur la place devant Saint-Pierre de Plougasnou que des vacanciers, les enfants aux premiers rangs, attendaient Street coffee, un spectacle du clown italien Claudio Mutazzi.

Claudio le clown avec son adjointe du jour

Il arrive, tirant derrière lui un petit chariot, qui lui servira de boîte content ses équipements et un amplificateur pour de soudaines illustrations musicales.

Il suit un scénario, les fragments reliés par un clap en bois, comme pour des prises de vue ; mais à chaque instant Claudio adhère aux principes classiques en s’adaptant à ce qui se passe autour de lui. Voyant un passant qui n’assiste pas au spectacle, il le suit comme une ombre malicieuse. En singeant sa démarche, ses gestes, il les rend comiques. S’en apercevant, le passant, de bonne humeur, devient spectateur.

Claudio interpelle ses spectateurs, les faisant participer, parfois malgré eux mais de bon cœur (surtout les enfants). En vrai clown il reproduit, grossit, prolonge, élargit les comportements, créant une marge entre la réalité de la personne et le clownesque. Ce qui semblait ordinaire, banal, quotidien vire au bouffon. Il établit une complicité avec les enfants qu’il choisit pour l’aider, les ragaillardissant pour qu’ils se prêtent avec enthousiasme au jeu.

Le bouquet final de Street coffee est un mariage, mis en scène avec la participation de quatre spectateurs. Claudio dirige tout, même les gestes de séduction échangés. Est-ce à dessein ou par confusion que l’union du couple heureux se trouve être entre les deux hommes, les femmes étant réduites au rôle de demoiselles d’honneur ?

°o0o°

Le lendemain soir, pour changer, l’ensemble Capriol & Cie venu de Lannion a donné un récital de musique de la Renaissance à Primel-Trégastel, près de Plougasnou, dans la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes. Bâtie en pierre du pays en 1927 mais avec une flèche en béton, la façade un peu comme une fusée sur sa rampe de lancement, c’est une singularité à côté des églises médiévales. Depuis sa restauration en 2010, une association y organise des événements, dont plusieurs concerts de Capriol.

Les cinq membres de ce groupe, spécialistes du répertoire Renaissance, sont Isabelle Diverchy, soprano et épinette, Ingrid Blasco, vielles à roue, Nathalie Le Gaouyat, viole de gambe et vielle, Martine Meunier, contralto, et Mathias Mantello, percussions. Ils ont choisi un programme avec une vingtaine de compositions, intitulé Va voir si la rose. A part six danses instrumentales, toutes les autres mettent en musique des poèmes de Ronsard car, après avoir été poète de renom de son vivant, Ronsard a eu une seconde carrière posthume en tant que parolier. C’est un face à face entre l’inspiration du poète de la sensibilité, du lyrisme et des amours, et la grande diversité des accompagnements, avec des compositeurs célèbres comme Clément Janequin et Josquin des Prés, ou moins connus, Pierre Claireau ou Guillaume Boni. Seule apparition d’un autre poète : Mille regrets de Clément Marot.

Mathias Mantello le percussionniste de Capriol

Dans la musique de la Renaissance, instruments et voix s’interpellent, s’intercalent, s’interrogent, comme des fils de couleur d’une tapisserie, émergeant, disparaissant, créant une image en avançant. Une musique distante de nous, qui nous atteint encore.

Isabelle Diverchy est aussi le porte-parole de Capriol, présentant et accompagnant le programme avec de précieux commentaires sur les œuvres, les compositeurs, et parfois les instruments et le déroulement de la soirée, une autre façon d’ancrer la musique dans la réalité de son exécution. « C’est merveilleux, ce qu’on peut faire avec des bouts de bois. »

Le récital ne s’est pas déroulé sans incident. Ingrid Blasco a dû expliquer les arrêts fréquents pour accorder sa vielle à roue. « C’est trop humide ici pour les cordes. » La vielle y serait particulièrement sensible. Au milieu d’une musique détachée de tout matérialisme, la réalité matérielle.

Les chansons de la Renaissance peuvent paraître loin des préoccupations modernes. Mais J’espère et crains de Ronsard, mis en musique par Pierre Certon et interprété par Capriol, met chaque auditeur devant ses propres contradictions intimes.

J’espère et crains, je me tais et supplie,
Or je suis glace, et ores un feu chaud,
J’admire tout, et de rien ne me chaut,
Je me délace, et puis je me relie.

°o0o°

La veille du départ du Finistère, passage par Saint-Jean-du Doigt, voisin de Plougasnou, et visite, comme à chaque séjour, de son église, exception frappante aux boudoirs exigus. Quand un natif du village de Traou Meriadec y est revenu avec le bout de l’index de Saint Jean Baptiste, qui l’avait levé pour indiquer le Christ (« Ecce homo ! »), la relique a eu un tel succès pour traiter les maladies des yeux que le village a changé de nom. La Reine Anne de Bretagne est venue et, guérie, a fait des dons permettant l’érection d’une grande église pour accueillir les pèlerins (*). Ses dimensions sont d’autant plus appréciables qu’un incendie en 1955 a détruit presque tout le mobilier, dégageant l’espace entier.

L'église de Saint-Jean-du DoigtDevant l’autel, dans l’église vide, un homme essaie quelques passages de jazz sur son saxophone, puis une femme chante une toute autre musique, plus ancienne, plus mystérieuse. Entre ces extraits ils se parlent de ce qu’ils préparent.

Abordés, Baptiste Boiron et Marthe Vassalo expliquent qu’ils donneront un concert le lendemain soir, mélangeant du jazz à des chants bretons anciens.

Derrière un clown et la Renaissance, voilà quelques enchaînements de notes qui réunissent la musique contemporaine et une autre musique, venue du granit dont le Finistère est fait, comme un bruit mystérieux et archaïque émergé de ces terres, avant de se fondre, comme elles, dans l’Océan.


(*) Est-ce vrai ? Les Bretons, comme d’autres Celtes, fusionnent volontiers la légende et la réalité historique, et il n’est même pas sûr qu’Anne soit venue pendant sa tournée du royaume de Trégor.

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Le Vase des Arts

La douleur de Dominique Blanc

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L'art de jouer

Une femme, l’air abandonnée par elle-même, est assise à une table. Elle parle. « Face à la cheminée, le téléphone, il est à côté de moi. À droite, la porte du salon et le couloir. Au fond du couloir, la porte d’entrée. Il pourrait revenir directement, il sonnerait à la porte d’entrée : “Qui est là — C’est moi”. »

A travers La Douleur, la comédienne Dominique Blanc vit depuis plus de dix ans avec la douleur en tant que comédienne. En 2010, elle a d’abord fait une lecture du texte de Marguerite Duras, puis l’a joué dans un spectacle mis en scène par Patrice Chéreau. C’est dans cette même mise en scène, revue par Thierry Thieû Niang, qu’elle a repris le rôle, d’abord à Paris, ensuite pour une tournée qui l’a amenée au théâtre du Mail à Soissons.

Le texte relate l’attente fébrile d’une femme dont le mari a été déporté dans un camp de concentration allemand en 1944, et son retour. La situation reflète celle de l’auteure elle-même, face à la déportation de son mari Robert Anthelme, et le texte de la nouvelle est adapté d’un journal intime qu’elle aurait gardé pendant cette période d’attente.

La femme sur scène subit l’attente insoutenable, dans une impuissance qui n’est pas exceptionnelle mais celle « de tous les temps, celle des femmes de tous les temps, de tous les lieux du monde : celle des hommes au retour de la guerre  »

Etant donné la matière du texte, le public pouvait s’attendre à une performance, dans le sens d’un déploiement de sentiments extrêmes, des crises d’angoisse, des larmes ; un corps à l’agonie, des émotions qui débordent.

Dominique Blanc choisit une autre approche, qui est un défi aux conventions du théâtre. C’est celle de la transparence. Comédienne, elle transmet ce qui se passe, mais sans jamais forcer le trait. La douleur passe par son corps et sa voix sans jamais devenir paroxysme : ils servent de messagers entre le plateau et la salle, sans rien ajouter. C’est au spectateur, pourrait-on dire, de faire ce qu’il veut, ou peut, de ce qu’il voit et entend.

L’aspect physique de la comédienne contribue à cette transmission, son corps en retrait, son regard légèrement tombant, son grand front comme un écran blanc. Dominique Blanc établit une sorte de vide que chaque spectateur remplit par son accueil de ce qu’elle dit et fait.

Pour ceux dans la salle qui ne la connaissaient que par le cinéma, la rencontre en chair et en os a pu confirmer que c’est une artiste dont la force est d’autant plus étonnante qu’elle ne la met pas en avant. Tout est réserve, tout est transparence. Dans La douleur, au lieu de faire voir sa douleur, elle la laisse voir.


Un commentaire ? denis.mahaffey@levase.fr

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Le Vase des Arts

La sociologie des banlieues au théâtre

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L'art du théâtre appliqué

Sortis à peine de Les Coquettes (titre laconique et même coquet pour trois humoristes débordant d’énergie et d’à propos sur les sujets qui préoccupent et fâchent les femmes), les spectateurs du Mail – certes peut-être pas les mêmes, et en moins grand nombre – ont pris place dans la même grande salle pour un spectacle de la compagnie Légendes Urbaines : Et c’est un sentiment qu’il faut déjà que nous combattions je crois. Comme, Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse, venue à Soissons en 2021 (*), le titre est tout un programme, un brin provocateur, une façon d’éviter de coller une étiquette rapide sur le sujet abordé.

Le sujet, une constante pour la compagnie, est l’environnement urbain, celui des « quartiers », des « banlieues » populaires. Il s’agit de repérer, derrière les représentations courantes de ces milieux, la vie de ceux qui y trouvent ou ne trouvent pas leur épanouissement, et les raisons matérielles – la conception des grands ensembles – des ratés sociaux.

Le point de départ de la nouvelle pièce est un reportage sensationnel diffusé à la télévision, montrant entre autres l’absence générale de femmes dans certains quartiers, dans les rues et de façon encore plus flagrante dans les cafés. La pièce examine l’origine du reportage, son degré de vérité ou de manipulation, et démonte les mythes autour de tels quartiers portés par les média.

Une question purement théâtrale se pose aussitôt : comment rendre « dramatique » un tel thème, éviter une étude sociologique qui n’accrochera pas le public dans la salle ?

David Farjon est David Pujadas.

La réponse est aussi théâtrale : utiliser tous les ressorts dramatiques pour illustrer les propos. Les six  acteurs maîtrisent parfaitement un style naturaliste pour changer de rôles, multiplier les personnages. Ils font des numéros époustouflants, tel le rappeur qui se raconte, ou David Farjon, fondateur de Légendes Urbaines, en parfait interprète du présentateur David Pujadas, dans les coulisses de son émission.

Il y a des mises en abyme, comme quand les journalistes, assis autour d’une table pour discuter, apparaissent en même temps sur un grand écran.

L’imagination est illimitée : pour revenir dans le montage de la discussion filmée, les comédiens se lèvent et font marche arrière en accéléré jusqu’au point à éditer.

Ainsi, même un spectateur peu concerné par le sujet de l’environnement urbain est attiré en impliqué par les astuces du théâtre. A nouveau, Légendes Urbaines met en scène une étude sociologique en la rendant fascinante et inattendue. Un acteur « interprète » un texte ; Et c’est un sentiment qu’il faut que nous combattions je crois interprète la vie des quartiers qu’il met en scène.


(*) Jouée dans la petite salle du Mail, qui a l’avantage de la proximité entre acteurs et spectateurs, et le désavantage d’imposer à presque tout le monde de voir seule une partie de la scène entre les deux têtes devant.

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