Les “Belles” Photo V.Deville
Chaque printemps depuis vingt ans la démarche est la même, mais elle crée toujours autant de vagues. Participante à l’action nationale « Le printemps des poètes », la compagnie de l’Arcade envoie ses « Brigades d’intervention poétique » dans les écoles de Soissons. Sans crier gare (mais avec la complicité des enseignants), deux comédiennes font irruption dans chaque classe, récitent quelques poèmes, en impliquant les élèves par le regard et le geste, et sortent aussi brusquement qu’elles étaient entrées. Le lendemain, elles reviennent avec d’autres poèmes. Cette fois les élèves reconnaissent la démarche. Reviendront-elles encore ? Non, c’est fini, sans explication. La poésie, qui n’obéit pas aux règles de la prose, n’obéit pas davantage aux règles de l’horaire scolaire.
L’action de l’Arcade durera deux semaines. Les brigadières sont Anne de Rocquigny et Virginie Deville (remplacée pour la seconde semaine par Nathalie Yanoz).
Le thème national cette année est « Beauté ». Le premier passage évoque l’existence de la beauté – accompagnée de deux « belles » en robe rouge et étole blanche (*) ; le second sa création et sa perception – surveillé par deux « gardiennes de musée » tout en noir.
Charles Cros, Beckett, Ronsard, Baudelaire, Basho : il ne s’agit point de « poèmes pour la jeunesse », mais de textes denses, subtiles, écrits par de grands poètes. Pourtant les élèves d’une classe de CP/CE1 de l’école Galilée les accueillent avec un grand enthousiasme, de la curiosité, de grands sourires. Le secret ? Les deux comédiennes livrent leurs secrets poétiques avec une intensité irrésistible, regardent les enfants dans les yeux, les interpellent en récitant. Dans le meilleur sens du terme, elles jouent la comédie.
Un oiseau au tableau
Après ces deux semaines, une cinquantaine de classes soissonnaises (**) auront touché des oreilles la poésie, conscients qu’ils n’ont pas besoin d’analyser et de comprendre chaque mot pour percevoir et créer la beauté.
Sur un poème d’Andrée Chedid, Les mouettes, elles distribuent des plumes, laissent les enfants les coller sur une feuille blanche, et mettent le résultat au tableau. Voilà un oiseau exotique, richement coloré et stylé – et qui vole, car il n’y a pas ni branche ni perchoir. « Pas question de capturer la beauté ! » : c’est ainsi que s’exprime le poète Françoise Lison-Leroy, et que se termine les deux incursions.
(*) Les écoliers visés par cette action n’étaient pas nés quand les Soissonnais ont vu ces mêmes robes sur les mêmes comédiennes dans le spectacle Reines perdues au Mail en 2009.
(**) Ailleurs l’Arcade facture ces interventions mais, grâce aux conditions de la résidence de la compagnie au Mail, elles sont gratuites pour les écoles de Soissons.