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Théâtre

Prochainement / L’Homme Semence : le théâtre collectif

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L'art de faire un spectacle

De g. à dr. : Caroline Varlet, Ghislaine Ferrer, Camille Dupond, Valérie De Priester et Lou Miracco

Encore une grande semaine, et c’est la première. La compagnie Art et Nuits Blanches jouera son spectacle L’homme semence devant le public du Mail. Les mois de préparatifs méticuleux, de la prise en main du texte aux répétitions scène par scène, puis les filages par lesquels la pièce est répétée du début à la fin, pour lui donner sa cohérence, seront terminés, et les acteurs, costumés et maquillés, viendront sur scène, diront les premières répliques, feront les premiers gestes et mouvements d’ensemble devant les spectateurs et, c’est inévitable, guetteront leurs réactions. L’étrange relation entre artistes et spectateurs, qui joue dans les deux sens, sera créée.

Le Jean (Sébastien Lalu) rencontre Violette (Lou Miracco.

Après Nomades en 2016, Acaly en 2017 et Milempart en 2018, c’est la compagnie Art et Nuits Blanches qui a été choisie cette année pour une « résidence de création » au Mail Scène culturelle. Ainsi la compagnie a bénéficié de plusieurs séjours au théâtre pour les répétitions de son spectacle et de l’aide des services techniques. Le résultat est une coproduction entre le Mail et la compagnie.

Fernand Mendez, un des quatre fondateurs de la compagnie avec Valérie Priester, Ghislaine Ferrer et Sébastien Lalu, avait proposé une adaptation du livre de Violette Ailhaud, L’homme semence. « Je l’ai trouvé chez un bouquiniste en Provence. » C’est le récit de la vie d’un village provençal dont tous les hommes ont été arrêtés après le coup d’état de Louis-Napoléon en 1851. Laissées seules, les femmes s’organisent collectivement. Pas d’hommes ? Pas de naissances ? Elles s’engagent à être solidaires si un homme arrivait au village, à refuser l’exclusivité de ses attentions. Un maréchal-ferrant itinérant, « le Jean », atteint le village, tombe amoureux de Violette – et s’efforce de combler l’attente collective.(*) Lorsque d’autres habitants reviennent, il s’en va.

Le livre reste énigmatique : est-ce une nouvelle moderne ou, comme l’éditeur prétend, le récit véridique par une femme âgée d’événements dans un village de Provence ? Il y a même des efforts en ligne d’identifier un autre auteur. Ce qui frappe le lecteur est le ton, les cadences modernes de la prose, une façon de décrire le désir, par exemple, qui enfreint les conventions qu’observerait sans doute un auteur d’un autre âge (tout en transmettant aussi éloquemment le sens de ce désir).

C’est un beau texte lyrique, social, féministe et érotique. Fernand Mendez y voit « une parabole humaniste, traitant d’une pulsion vitale, sans jalousie. L’engagement collectif qui y est raconté correspond justement aux principes défendus par les membres d’Art et Nuits Blanches, ceux d’une démarche collective. Selon Sylvie Heyvaerts, adaptatrice du texte, « Je l’ai écrit, mais nous en discutons à chaque fois, et souvent un autre choix que le mien est fait. »

Après un filage, les comédiens reviennent sur la mise en scène.

L’adaptation et sa mise en scène en font un chant théâtral. La communauté des femmes devient une parabole ; le présent, le passé se mêlent dans une chorégraphie complexe, le quotidien du travail alterne avec les rêves de jeunes femmes.

La décision d’attribuer plusieurs rôles à chaque acteur – à l’exception de Lou Miracco qui est Violette – créé d’autres résonances. Sébastien Lalu joue son fiancé tué en essayant de fuir, et le forgeron qu’elle aimera à nouveau. La prose du livre devient de la poésie au théâtre.

La compagnie est soissonnaise, mais ses acteurs viennent de toute la région des Hauts de France. Lou Miracco, Camille Dupond et Rémi Laverseyn viennent de Lille, Ghislaine Ferrer et Sébastien Lalu de Saintines près de Compiègne, Caroline Varlet de Fressancourt près de Saint-Gobain et Valerie Priester de Gauchy. Seul Cyril Roche, qui joue le maire du village et père de Violette, réside en région parisienne.

Le montage du spectacle, vu à plusieurs moments du travail, a révélé une histoire apte à intéresser, faire réfléchir et émouvoir son futur public. Après chaque répétition les participants se sont retrouvés pour en parler, en vertu du principe de la mise en scène collective. Chacun commente, propose, argumente.

La première d’un spectacle ressemble au lancement d’un navire, lorsque les aussières sont coupées et il commence à glisser inexorablement vers la mer ; ou à une naissance, dont aucun préparatif ne fait face à la réalité d’une nouvelle vie qui émerge.

(*) Idée triviale : si « le Jean » a été père de tous les nouveau-nés du village, ils ont tous été demi-frères et demi-sœurs.

[Des éléments de cet article ont été publiés dans le Vase Communicant au cours du montage du spectacle.
17/05/19 : Modifié pour corriger des coquilles.]

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