En poussant la porte principale, on ne sait pas trop où l’on est arrivé. A gauche dans un hall immense, un Boxter Porsche, conduite à droite, est devenu bureau d’accueil. Au fond à droite trône un majestueux Transformers de deux mètres de haut (photo de une de ce numéro). Il ne dépareillerait pas dans un épisode de la Paramount. Entièrement réalisé en pièces Porsche, le bouclier de celui-ci est également un capot de Porsche. De-ci de-là, un œil connaisseur remarquera quelques éléments de mobilier peu habituels : un bahut buffet art déco, une statue sur une mezzanine. A gauche encore, un châssis d’une ERAD, une voiture française sans permis sortie en 1982, réplique de la MG Midget de 1936. Seulement 24 unités furent produites. Elle présente une particularité, celle d’être dotée d’une boîte 6 rapports, y compris en marche arrière puisque la boîte est dotée d’un inverseur. Alors, musée automobile, artiste œuvrant dans le champ automobile ou salon d’un marchand d’art ? Un peu de tout à la fois mais avant tout, le local d’un spécialiste automobile à la réputation plus qu’extra-régionale, Patrick Henri.
Comment devient-on réputé au point d’avoir des clients du Bénin au Canada ? « Un sacré hasard ! » raconte Patrick Henry. « Je n’étais pas très bahut, même pas le BEPC, rien. » Son rêve, c’est de « se carrer à l’autre bout du monde, voir par moi-même ». Pour cela, il faut un peu d’argent. Le jeune homme est travailleur et déterminé. Il enchaîne les années d’intérim et refuse tout fil à la patte, du genre contrat CDI qu’on lui propose souvent. Au terme de cinq années, il choisit de se mettre à son compte. Il opte pour le monde de l’art en s’associant à une relation. Le monde de l’art ? Oui, parce que dans la famille, l’art traîne un peu : une mère et une grand-mère sont dans la restauration. Patrick Henry et son associé sont rapidement bien réputés, grimpent vite dans le milieu, « un milieu très hiérarchisé » regrette cependant Patrick. Mais la crise internet du début des années 2000 vient semer le chaos sur le marché de l’art. « Un tsunami » résume-t-il. Il choisit de stopper là cette activité.
Originaire de Château-Thierry, il achète à Breny une « boîte d’allumettes » de quelques centaines de mètres carrés, comprendre un hangar le long de la D1, au sud d’Oulchy-le-Château. Il décide d’en faire un loft. Cette transformation prendra dix ans de sa vie. Quoique n’ayant aucune formation en architecture, l’homme imagine tout, dessine tout et gère tout. Parallèlement, il croise Vincent Bénard, originaire de Reims, « un gars qui tente des trucs de dingue, tout ce que j’adore ! » explique-t-il avec entrain. Il va bosser avec lui durant plusieurs années. Avec des projets extravagants mais réussis. Tel un silo transformé, sur des plans dessinés par Patrick sur papier millimétré et au crayon bois, en 26 appartements. Également un projet immobilier hors norme au Sénégal, villas de plusieurs centaines de m² non loin de l’océan. La première à sortir de terre sera sur la base des plans de Patrick. Mais la crise des subprimes de 2008 secoue sacrément le cocotier de l’immobilier, même au Sénégal. Il poursuit sans Vincent avec une dernière opération immobilière à Oulchy-le-Château. Le bénéfice lui permet de solder le crédit de sa « boîte d’allumettes » et de réfléchir à quoi faire car l’homme ne sait pas rester sans rien faire. Il imagine quelque chose « autour d’une bagnole un peu marrante, cabriolet ou petit roadster accessible à plein de gens ». Puis après un silence ajoute « J’ai vite compris que c’était incompatible ». Il s’essaye avec deux Mazda MX5 puis un Spitfire F1500 des années 70. Vient alors son premier Porsche Boxter 2.5L, première génération du modèle, dont il cède petit à petit toutes les pièces détachées. Puis à partir d’une simple étude du nombre de ventes sur le site LeBonCoin, soit 80 annonces/jour de véhicules complets pour seulement 11 annonces/jour de pièces détachées, il jette son dévolu sur la pièce détachée. En une décennie, il devient un grand spécialiste du Boxster 2,5 L. Il acquiert d’autres compétences : il crée un kit sur mesure de mousse THR (très haute résilience) pour les fauteuils, un défaut de jeunesse des premiers Boxters, qu’il cède pour 200 €, « garanti à vie ». La veille, un kit venait d’être expédié en Suède. Il s’intéresse aux problèmes des moteurs de la capote, sans fusibles sur la première génération de Boxter, démonte entièrement le système pour mieux réparer ses clients. Il propose également un remplacement, en travaillant avec un sellier local, pour 1200 € quand une capote chinoise non montée vaut déjà ce prix et que Porsche facture 7500 €. Forcément les clients affluent puisqu’il est le seul en France à proposer l’échange standard de ce type de capote. Autre compétence développée, une clinique du phare pour Boxter. D’origine la pièce est indémontable. Mais chez Pacific 986, le garage de Patrick Henri, le bloc optique est démonté, ce qui doit être réparé l’est et le phare repart pour une seconde vie. Forcément ce savoir-faire a fini par se savoir, surtout quand un YouTubeur un peu en vue, Piston Kirk, l’incontournable de la vidéo du Boxter, est venu faire une vidéo sur place. Aura internationale garantie.