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L’amour de la vie devant la mort

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L'art d'aimer la vie

Bertrand Vergely au Mail

Bertrand Vergely au Mail

Avant même le début de la conférence du philosophe Bertrand Vergely au Mail, la soirée était déjà un succès. Organisé par l’association Jusqu’à la Mort Accompagner la Vie (“Jalmalv en Soissonnais”), l’événement avait assuré une salle pas loin d’être pleine, preuve du rayonnement de cette équipe de bénévoles dont le rôle est d’accompagner les personnes gravement malades ou en fin de vie. Preuve aussi que l’approche de la mort n’est pas un sujet tabou à Soissons.

Une fois par an Jalmalv propose une conférence publique. Cette année, Bertrand Vergely a été invité à aborder le sujet « Aimer la vie ». Répondant à la question « Pourquoi avez-vous appelé votre conférence « Aimer la vie » et non pas « Aimer l’amour » ? » il a répondu en souriant « Ce n’est pas moi qui ai choisi le titre, c’est Philippe Fontaine » – président de Jalmalv.

Pourtant son engagement à cette formule était clair et évident. Il aime la vie, chaque jour et à tout moment. Il y a les plaisirs de la vie, mais dont l’absence n’entame pas son amour ; il y a les souffrances, mais dont la présence ne l’entame pas non plus. Il faut surtout éviter de laisser se diluer le statut de « personne » dans celui de « consommateur ».

Et la source de cet amour ? Il parle de ses parents qui le lui ont inculqué, et l’assimile à l’amour maternel. Né avec une grave déficience visuelle, il a failli être classé parmi les handicapés, « mais mes parents ont décidé que je serais élevé comme quelqu’un de « normal ». La faiblesse de sa vue est évidente : il avait du mal à distinguer les auditeurs individuels, et se penchait de près sur les livres qu’il dédicaçait après la conférence. Ce qui importait était qu’il assumât cette difficulté, en se réjouissant de ne pas l’avoir laissé le vaincre. « Je me demandais si je pourrais écrire un livre : eh bien, j’en ai écrit quarante-quatre ! Et je parle devant vous, c’est un tel plaisir. » C’était la meilleure illustration de son propos.

Universitaire, il doit avoir l’habitude des amphis, dans sa façon de faire référence à quelque chose, puis de poser la question « Qu’est-ce qu’est…. ? ». D’anciens étudiants se seront rappelé que cette approche donne le temps de prendre ses notes sans précipitation.

Philippe Fontaine, président de Jalmalv en Soissonnais

Philippe Fontaine, président de Jalmalv en Soissonnais

«Il y a la beauté de la vie. C’est quoi, la beauté ? » Il la trouve dans « l’harmonie et la dysharmonie ». Cette dysharmonie peut être transformée, comme dans un tableau « de toute beauté » qu’il a vu, montrant de vieux posters déchirés. Entendrait-il que c’est l’art qui crée la beauté dans ces cas ?

Il perçoit derrière tout plaisir et toute souffrance un esprit qui les dépasse, qui englobe tout. Il n’est pas allé jusqu’à nommer cet esprit, peut-être pour laisser chacun l’identifier comme il veut.

Ses remarques peuvent sonner comme une sommation à aimer la vie. « Qu’est que j’ai été bête » : voilà la réaction qu’il suppose suivre une incapacité à reconnaître que la vie est « aimable ». Le jugement moral derrière une telle remarque peut offusquer des auditeurs. Pas seulement nous pourrions aimer la vie, nous le devrions.

« Je me lève chaque matin, j’ouvre la fenêtre et je vois la beauté du soleil. » Un auditeur pointilleux pourrait objecter que le soleil est plus ou moins beau selon le temps, la saison, la couverture nuageuse. Mais pour Bertrand Vergely cette beauté quotidienne est aussi immanente que celle de la vie. En cela il rejoint les visionnaires orientaux pour lesquels le soleil n’est ni beau ni laid. Il est là, dans sa plénitude, comme la vie, cela suffit.

Denis Mahaffey
denis.mahaffey@levase.fr

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Le Café-psychanalyse reprend la parole

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L'art de la psychanalyse sociale

Lancé à Soissons en 2018, le Café-psychanalyse a subi le même long silence que d’autres activités depuis mars 2020, d’autant plus lourd que la matière même de la psychanalyse est la parole.

Il reprend voix au Petit Bouffon, avec l’espoir de maintenir un rythme bimestriel. Son objectif reste le même : mettre au service de la société les méthodes et le vocabulaire de la psychanalyse, cette science méconnue, objet de nombreux préjugés et malentendus.

Le premier sujet est Corps, parole et normes, vu par rapport aux modifications actuelles des liens sociaux, et à ce que la psychanalyse peut en dire. Pourquoi un café psychanalyse?  Il ne s’agit pas d’assister à un cours, mais de trouver des outils pour mieux comprendre ce qui se passe au fond de chacun, et dans les liens avec les autres.

La psychanalyste Catherine Stef

Pour la psychanalyste laonnoise Catherine Stef, une des organisatrices du Café,« la parole est mise à mal ». La précipitation de la vie, le raccourcissement du temps donné pour comprendre la parole conduisent à des solutions « prêt-à-porter » qui nient l’inconscient. L’examen minutieux de ce qui est dit, pour démêler son sens intime, est remplacé par des thérapies courtes qui expédient les symptômes du malaise sans s’occuper de ce qui est tapi au fond d’une personne et qui l’empêche de vivre pleinement. La science, comme le capitalisme, refuse de reconnaître l’impossible et l’impossible à dire, d’admettre qu’il y a des limites à respecter.

Cette première réunion se tient en introduction aux Journées annuelles de l’Ecole de la Cause Freudienne fondée par Jacques Lacan, sous le titre « Norme mâle ». Mais le thème est élargi au Café-psychanalyse pour permettre de parler de ce que la psychanalyse permet dans notre époque troublée”.

Lacan a souvent parlé de « l’impossible à dire », cette part de vérité qui reste inaccessible, barré par le trauma de chacun dans sa rencontre avec la réalité. C’est en reconnaissant cette impossibilité que la psychanalyse peut servir à l’individu comme à la société.

Lacan cite un poème d’Antoine Tudal dans l’allocution qu’il a prononcée à l’hôpital Sainte-Anne en 1971 :

Entre l’homme et la femme, il y a l’amour
Entre l’homme et l’amour, il y a un monde
Entre l’homme et le monde, il y a un mur

Le titre qu’il a donné à son allocution ? Je parle aux murs.


Café-psychanalyse, Petit Bouffon le 28 sept. 20h30. Masque et passe sanitaire obligatoires.

 

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Les soldats qui dansent

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L'art de la danse... militaire

Les brevets de danse du XIXe siècle par Didier Lhotte, Ed. Chants et Danses de France

Sur les images, où seuls des détails diffèrent, un militaire est entouré par des participants à un bal, dames en crinoline, certaines assises, et hommes en uniforme d’apparat ou en civil, debout. Un orchestre militaire joue. L’homme au milieu danse, les autres le regardent.

 

Didier Lhotte devant sa collection de brevets à Ressons

L’auteur Didier Lhotte, de Ressons-le-Long, qui a fondé l’antenne picarde de l’association Chants et Danses de France en 1984, présente ses recherches sur l’enseignement militaire de la danse dans ce livre; il constitue aussi une riche iconographie, haute en couleurs, reproduisant un grand nombre des diplômes livrés aux candidats. Ce sont des Brevets de danse, certifiant que le soldat désigné est « Prévôt de danse » et ensuite « Maître ».

Le livre retrace l’histoire de cet enseignement, proposé par Louis XIV. Réservé aux officiers, il a été étendu aux hommes de troupe à la Révolution. Enseignée comme l’escrime, la canne, le bâton, la boxe, elle devait augmenter la force, l’adresse et la grâce militaire du soldat, tout en étant un avantage en société et un plaisir, bons pour le moral des troupes.

Après la défaite de Sedan en 1870, les salles de danse de l’armée ont disparu progressivement. Mais le retour d’anciens combattants chez eux a donné une nouvelle impulsion à la danse villageoise régionale, au point qu’on a parlé de « dansomanie ».

Chants et Danses de France est affiliée à une fédération nationale, mais Didier Lhotte admet que seule l’antenne aisnoise poursuit un véritable programme de stages (suivis à chaque fois par « un petit bal folk ») et de spectacles. Lui-même, inspiré par le premier spectacle de danse qu’il a vu en 1969, avait commencé à danser dans une troupe parisienne. Devenu psychologue à Soissons, «chaque soir pendant trois mois j’allais après mon travail danser à Paris. On se maquillait dans la voiture

Brevet d’un soldat du 67e régiment, longtemps en garnison à Soissons

Il parle modestement de ses connaissances, mais Didier Lhotte jouit d’un renom national dans la promotion des traditions de la France dansante et du vaste répertoire de bourrées, farandoles, pas d’été, anglaises. Il regrette seulement l’image d’enthousiasme brouillon du mot « folklorique » en français. La danse est une affaire de précision, un exercice intensif de la mémoire corporelle.

Parmi les 63 brevets du 19e siècle reproduits, beaucoup appartiennent à la collection de l’auteur, débordant du petit bureau chez lui, déjà rempli d’archives et de publications de l’association.

Un brevet livré à Nîmes le 3 septembre 1865 aura un intérêt particulier pour les lecteurs locaux. Sous l’image il y a les mots suivants :

Nous soussignés Maîtres et Professeurs déclarons nous être réunis aujourd’hui à l’effet de reconnaître Mr Fumat André Clerc, Elève de Mr Lasserre, en qualité de Prévôt, et après nous être assurés de ses talents et connaissances nous lui avons livré le présent. Nous engageons nos Amis et frères à lui prêter le secours de leurs Conseils, leur promettant au besoin réciprocité de notre part.

Au-dessus, encadrant le titre, les mots manuscrits « 67e régiment d’infanterie ». Or le 67e a été longuement « le régiment de Soissons » et sa dissolution en 1993 a été une épreuve pour la population. Sa caserne est devenue le Parc Gouraud.

Le livre rappelle l’importance capitale de la danse ; mais l’association a dû renoncer à ses stages jusqu’au printemps prochain à cause du Covid-19.

[Cet article paraît dans le Vase Communicant N° 298.]

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Des images aux mots, des mots aux images

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L'art de la peinture abstraite

Laurence Potié à dr., Jany Haibe à g.

Laurence Potié et Jany Haibe se sont rencontrées au Salon d’artistes amateurs à Belleu il y a trois ans. Elles ont découvert qu’elles puisaient toutes les deux leur inspiration dans l’art non-figuratif.

Ayant suivi chacune son chemin, elles ont décidé d’initier un projet commun et de créer un collectif d’artistes, peintres, modeleurs, sculpteurs et graveurs qui partageraient la volonté de ne pas représenter le « réel » avec tous ses détails.

Laurence Potié

Elles lancent ce projet en exposant toutes les deux leurs œuvres au café associatif Le Bon Coin, qui depuis peu a lancé un programme d’activités culturelles, artistiques et autres.

Sous le titre Inspir’, ces deux peintres ont accroché leurs tableaux dans la pièce derrière la salle de restauration. Pour Laurence Potié, ce sont des représentations de ce qu’elle a ressenti pendant le confinement ; Jany Haibe a consacré un mois d’août intensif à préparer ses toiles. Celles de Laurence Potié restent purement abstraites, des formes souvent saupoudrées d’or qui les illumine ; Jany Haibe inclut des éléments figuratifs, mais toujours énigmatiques, jamais réalistes. Emotions, intuitions, ce sont ces mots qu’elles utilisent pour caractériser leur travail.

Chaque tableau est accompagné d’un cartel blanc contenant, non pas une légende, ni une description, mais quelques mots qui amènent le spectateur à regarder autrement l’image qu’il vient de découvrir. En retour, l’image renvoie aux mots, module leur sens.

Jany Haibe

« Oser réveiller notre âme d’enfant est notre fil conducteur. C’est un moyens de lâcher prise pour se ressourcer au quotidien » ont-elles expliqué aux invités du vernissage.

Un formulaire est disponible à l’exposition pour inviter ceux qui seraient intéressés par le nouveau collectif à laisser leurs coordonnés. Cela permettra que le courant établi entre Jany Haibe et Laurence Potié soit partagé avec d’autres.

Inspir’ jusqu’au 31 octobre au Bon Coin, 2 rue du Pot d’Etain, Soissons

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