La voix de l’engagement
Nous poursuivons notre série retraçant un engagement fort dans une cause ou activité.
« J’avais tellement peur de la mort. » Dans le salon de sa maison sous les murs d’enceinte de l’Arsenal, Philippe Fontaine aborde ainsi le sujet de son action dans l’association « Jalmalv en Soissonnais ». Les membres de cette antenne locale de « Jusqu’à la Mort Accompagner la Vie » se rendent disponibles pour les personnes en fin de vie ou gravement malades, et leurs familles.
Alors comment a-t-il pu s’engager jusqu’à accompagner des personnes qui avoisinent la mort ? « Je rendais visite à un ami à l’hôpital. Je travaillais à La Capelle, et en rentrant je passais le voir. » Il s’est peu à peu aperçu de la profondeur de leurs échanges : loin d’alourdir leurs relations, la maladie y a introduit l’aisance, la sincérité.
Né à Béthune et ayant fait ses études à Valenciennes, Philippe se dit « un gars du Nord », avec le petit sourire fier des natifs d’une région qui fait s’éveiller en sueur les fonctionnaires en danger de mutation. Son grand-père était mineur, son père directeur de centre de formation de mineurs. Il a pris lui-même un autre chemin, en devenant un « commercial ». Mais loin de s’acharner pour vendre, vendre, vendre, il y a vu surtout la nécessité d’être « créatif et disponible ». Il a le goût du « commerce » dans le vieux sens d’échange. Il a travaillé à Villers-Cotterêts puis à La Capelle – et chaque fois il est parti parce qu’il ne supportait pas la rupture d’harmonie suite à un changement de direction.
Il était ami avec Evelyne Huber, première présidente de Jalmalv. Philippe rit en racontant. « Elle m’a demandé d’aider. » Il a accepté seulement de s’occuper de la bibliothèque, c’est tout. Mais les membres, accompagnants ou non, c’est la règle, suivent des formations. Cet apprentissage a suffi pour que Philippe veuille devenir accompagnant. « C’était une ouverture de sensibilité. »
Quand la maladie force Evelyne à se retirer, Philippe est élu président. Depuis, son objectif stratégique est d’assurer la force et l’avenir de Jalmalv par le recrutement de nouveaux accompagnants. Il admet, clame même la riche diversité des bénévoles, anciens et nouveaux, l’absence d’uniformité. « Chacun fait sa part. Comme dans la fable du feu de forêt, où l’éléphant en fait des tonnes d’eau avec sa trompe et rit des gouttelettes du colibri. « Je fais ma part » répond l’oiseau. »
Au lieu d’enseigner un tas de techniques, la formation des membres consiste plutôt à apprendre à faire le moins possible, à écouter plutôt que parler, à attendre, à mettre de côté ses propres préoccupations, à être présent le plus simplement possible. « Nous encourageons les personnes qui vont mourir, qui sont en grande difficulté, à réfléchir, à voir la beauté de notre humanité. » C’est un mot qu’il aime. Au fond, l’accompagnant partage l’humanité de l’accompagnée, ce qui, derrière les différences, unit tous les humains. C’est la simplicité de ce lien qui fait que l’accompagnement est un enrichissement pour chacun, face à l’autre.
denis.mahaffey@levase.fr
[Ce portrait paraît dans Le Vase Communicant n° 234 du 2 octobre.]