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Le joli mois de mai au Canada

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L'art de vie au Canada

Au mois de mai, le Vase des Arts a relevé son train d’atterrissage et traversé les airs jusqu’au Canada. Première escale : Québec, avec son éblouissant patrimoine architectural, sa vigoureuse culture francophone – mais plus québécoise que française par son accent, ses locutions, ses préoccupations. Cependant les personnes à qui je suis présenté comme venant de Soissons connaissent cette ville, même jusqu’à savoir où elle se trouve (« Pres de Reims ? Ah oui, là je la situe mieux »). Toutes sont disposées à s’exprimer pour un lectorat soissonnais.

Seconde destination, à cinq heures de vol de la première mais toujours dans le même pays : Vancouver, les pieds dans le Pacifique, le dos aux montagnes qui s’étendent vers le Nord jusqu’à l’Alaska. Il y a cent ans c’était un avant-poste forestier, rude et pionnier. Tout en gardant son échelle humaine – pas d’autoroute urbaine, à la différence des grandes villes nord-américaines – le centre est devenu un amas de gratte-ciel, comme un gros cristal à facettes vu de loin. Un style de vie britannique y prévaut, jusqu’à dans le nom de la province, la Colombie britannique. Le français est absent sauf en bilingue pour les institutions fédérales – et sur les emballages (où « chips » est jumelé avec « croustilles »).

Evidemment, le foisonnant programme artistique et culturel de Soissons au mois de mai est négligé au bénéfice de cette vadrouille jusqu’à l’autre côté du monde. Mais il n’est pas oublié. « VO en Soissonnais » a choisi cette année, pour la restauration de son public, la méthode mobile du « food truck ». Les Québécois sont pointilleux sur tout ce qui concerne les anglicismes (« Arrêt » aux carrefours à la place du « Stop » hexagonal). Cela explique qu’un camion fournissant la nourriture aux passants dans la rue à Québec porte, en grands caractères qui serpentent à travers la carrosserie, la dénomination « Cuisine de rue ». Je propose cette gracieuse appellation aux organisateurs, pour l’année prochaine.

denis.mahaffey@levase.fr

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Un mystère pour l’été : La maison peinte en rouge

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L'art de la fiction

[Photo Internet]

Gertrud Penn (1925-2010)

Pour Tennessee Williams, Gertrud Penn était « l’auteur qui le mieux fait sentir le cauchemar meurtri et meurtrier » (« damaged and death-dealing ») derrière le rêve américain ». Elle est pourtant presque inconnue en France. Mary McCarthy, Toni Morrison, Joyce Carol Oates : elle a sa place parmi elles, mais son œuvre est restée inexplicablement écartée des collections de romans en traduction. Pourtant les lecteurs du pays du Nouveau Roman n’auraient guère été effarouchés par sa notoire austérité de langage, son refus de tout effet dramatique voire narratif. Sans doute le prix Nobel, une réelle possibilité dans les années 80, l’aurait parée de son prestige, les éditeurs se seraient bagarrés pour négocier les droits, faire traduire et éditer à la hâte ses livres, ornés du célèbre bandeau rouge.

Gertrud Penn était descendante en ligne directe de William Penn, fondateur de l’Etat de Pennsylvanie. Cette parenté expliquerait qu’en dépit de sa fameuse notion de l’« ailleurs nécessaire » pour un écrivain elle ait passé toute sa vie à Philadelphie. Elle porte le même prénom que sa mère, sœur du cinéaste Carl Dreyer. Malgré son insistance sur l’orthographe, certains critiques distraits l’écorchent en ajoutant un « e » final superfétatoire.

Seul un roman de jeunesse, Your ringlets on my cheek (« Tes boucles sur ma joue »), qui scandalisait les Etats du Sud dans les années 40, a été adapté en français, et il est épuisé depuis longtemps. La presse à gros titres et gros tirages le traitait de « sulfureux ». Il a disparu, même si une photocopie circulerait clandestinement, dit-on, parmi les Amies de Gertrud Penn, cercle féminin très fermé à Issoine « en Creuse », comme disent les Creusois.

Je l’ai rencontrée quand j’étais dans le Missouri où, chose exceptionnelle, elle passait des vacances chez une amie. Elle n’était ni accueillante ni inamicale, m’a proposé une infusion de pousses de peuplier, et ne m’a dit qu’une seule chose mémorable, en réponse à une innocente question personnelle : « J’ai tellement lutté, mon ami, pour atteindre l’indifférence que je ne vais certainement pas la mettre en péril en me confiant à vous. » Une perte de temps, alors. Non. Elle m’a décrit minutieusement la récente repeinture en rouge de sa maison, le ton exact (« rouge sang caillé »), les ouvriers qui faisaient le travail, le temps qu’il faisait chaque jour du chantier.

L’absence de plaisir comme de déplaisir à m’en parler m’a renvoyé à ses livres en rentrant. J’y ai trouvé la même neutralité insistante, des descriptions détaillées à devenir hypnotiques, surtout l’impression préoccupante que le style servait à dissimuler quelque chose. Parmi eux j’ai relu son chef d’œuvre Leaves and trees (« Feuilles et arbres »), avec le célèbre passage de quatre-vingts pages au sujet du bosquet derrière sa maison. Un corps y était-il enterré ? Des amis américains de passage chez moi à Paris se sont disputés sur la question au point d’abandonner leur projet de voyager ensemble en Europe. Le lendemain, les uns sont allés à la Cité de la Science, les autres à Giverny.

Epilogue

Frappé, voire paralysé par la relecture attentive de l’œuvre pennien, j’en ai parlé à une connaissance agent littéraire, sale type au fond. Nous dinions ensemble, avions assez bu pour que notre rivalité sournoise se dérapât. « Je viens de relire Gertrud Penn ; remarquable » ai-je annoncé en oubliant, à mon dépit, de maintenir le « g » dur danois de son prénom. « Qui ça ? » a-t-il éructé, pris au dépourvu, lui qui passait pour connaître le milieu de la littérature mondiale comme sa poche. Il ignorait jusqu’au nom de Gertrud Penn. J’ai parlé d’elle. Mais en analysant l’aridité voulue de son écriture j’ai vu son regard, déjà brouillé par l’alcool, s’embrumer davantage. Alors je me suis tourné vers ce roman de ses jeunes années. Sans doute influencé moi aussi par ce que j’avais bu, j’ai appuyé fortement, lourdement même, sur la réputation brûlante de cette histoire de femmes entre elles.

L’agent littéraire s’est réveillé, trépignant à l’idée de ressortir un livre non seulement savoureux mais transgressif. Avant de sauter dans le premier train pour Issoine, il a fait une recherche sur Yahoo. Ne trouvant pas l’édition française, il a consulté les archives de l’ancien éditeur américain, récemment numérisées. Imaginez sa déconvenue en découvrant non seulement que l’existence de ce livre était un fantasme aussi malsain que le livre lui-même, mais qu’Internet ne contenait aucune référence à son auteur. Encore un fantasme ? Mais alors qu’en est-il de sa maison, fraîchement peinte en rouge ?


Ce mystère – ou fumisterie – développe une contribution au blog Daily Fiction de Libération. Commentaires ou interrogations à denis.mahaffey@levase.fr

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Denis Lefèvre, mémorialiste du monde paysan

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L’auteur devant ses livres et ses objets à Breny.

L'art de raconter 14 000 ans d'histoire

“Soulever, pénétrer, déchirer la terre, écrit la romancière Colette, est un
labeur – un plaisir – qui ne va pas sans exaltation.” Racines et gènes

Racines et gènes, l’histoire de l’agriculture à travers le monde, commence par le récit d’une balade de l’auteur Denis Lefèvre avec son père autour de Breny, le village du sud de l’Aisne où il a grandi et qu’il habite encore, à quelques pas de la ferme de ses parents. Ils sont entourés des traces de l’évolution du monde rural qui sera abordée dans les 1152 pages suivantes.

Denis Lefèvre vit dans une maison en bois qui ne se remarque guère parmi les constructions traditionnelles de pierre, sauf que l’intérieur a des allures de chalet de montagne. Des livres remplissent les étagères, rangés par catégorie (paysannerie, écologie, Europe, Emmaüs, altermondialisme… et ses propres ouvrages) et avoisinent des objets accumulés en voyage, dont des jouets en bois. Il n’est pas collectionneur mais ramasseur, comme un enfant qui cherche des cailloux remarquables sur la plage. Pour rester dans le cadre agricole : il ne cultive pas, il cueille. Nous y parlons de son dernier livre.

Son histoire de l’agriculture débute il y a 14 millénaires en Galilée, quand la communauté des Natoufiens quitte ses grottes pour des villages. C’est le début de la « révolution néolithique » et, vu ses conséquences, de la civilisation. La culture des céréales a été à l’origine du commerce, de la mathématique, de l’écriture, et même de la religion : semer est un acte de foi.

Racines et gènes est volumineux. Mais il n’écrase pas le lecteur. Le ton est souple, l’expression éloquente, imagée. Il en fait une histoire saisissante, comme celles qui se racontaient dans les veillées. Plus qu’un long discours sur l’agriculture depuis ses débuts dans le Croissant Fertile, son livre est un éperon pour faire comprendre le monde paysan, ses origines, sa floraison, son déclin. Denis Lefèvre est à la fois savant et divertissant. Il se dit « éternel étudiant » mais c’est aussi un enseignant talentueux, transmettant son savoir avec engouement et humour. Ses informations peuvent être inattendues : des trois céréales de base, le blé, le maïs et le riz, seul ce dernier exige des infrastructures ; la Grande Muraille a-t-elle été construite pour protéger les rizières chinoises ?

Racines et gènes est une histoire, pas une étude. L’auteur entre dans le détail des transformations techniques et mondialistes, mais sans avoir recours à un seul tableau, camembert ou graphique.

Il admet avoir mis vingt ans à écrire son magnum opus. «J’ai obtenu une aide du Centre national du livre, qui m’a permis de passer trois mois par an sur le projet.» En parallèle il a publié de nombreux ouvrages sur le monde rural, mais aussi sur l’abbé Pierre et Emmaüs.

L’agriculture a initié un développement social, technique, financier sur le dos des paysans, toujours déconsidérés par ceux qui se sont nourris et enrichis du produit de leur labeur. Denis Lefèvre se fait mémorialiste de leur émergence, longue primauté et, depuis cent ans, rapide déclin devant la sur-technologisation. Mais il ne râle pas, il constate froidement. De ses parents il écrit «Nés paysans, ils sont devenus agriculteurs.»  Tout est dit.

C’est l’histoire. Et l’avenir ? Il relève les mêmes phénomènes qui ont déclenché la révolution néolithique, réchauffement climatique, pénurie d’eau, nomadisme (urbanisation, migration), accroissement de la population. Quelle révolution nous attend ?  

Racines et gènes, 2 volumes, Ecopoche 2018.


DM ajoute :  J’ai rencontré Denis Lefèvre pour la première fois en 2005 à une réunion du Comité de Jumelage des cantons français d’Oulchy-le-Château et allemand de Grasleben, dont il était président. L’année d’après, pour la rubrique Chemins de l’Engagement que je tenais dans le journal L’Union, il s’est confié sur sa voie dans la vie. Quinze ans et de nombreux livres plus tard, ses engagements, ses valeurs, ses combats gardent toute leur force. Voici l’article.

Ecrivain et paysan dans l’âme

A six ans, Denis Lefèvre était fasciné par Joseph Kessel et Albert Londres à la radio, et disait «Un jour je serai grand reporter comme eux.» Il ne l’est pas devenu, mais la force de cette vision l’a guidé dans ses choix pour devenir écrivain.

Né en 1955, il grandit sur une ferme à Breny, près d’Oulchy-le-Château. De son milieu catholique il dit avoir gardé une confiance « un peu boy scout » en la gentillesse des gens, qui l’a mal préparé pour le rude monde de l’édition.

Après son bac, il entre dans une école supérieure d’agriculture à Paris, et commence une carrière d’agronome, jusqu’à s’occuper de l’élevage à la Chambre d’agriculture de l’Aisne. Devenu écrivain nécessairement seul, il garde un bon souvenir des relations de travail.

L’idée du journalisme le reprend. Après une école de communication à Angers, il envoie son CV partout. Il remplace une journaliste de La Croix partie en congé de maternité, puis devient rédacteur en chef d’une revue des industries agroalimentaires, et de Agriculture magazine.

Il veut écrire un livre, et devient pigiste pour en avoir le temps. Le retour des paysans, qui reçoit un accueil dithyrambique, démontre que l’agriculture, même si elle est marginale, pose toutes les grandes questions de société. Suivent une dizaine de livres, dont une histoire des communautés d’Emmaüs. Son dernier projet, « Des racines et des gènes », est une somme de ses recherches, allant du néolithique, époque du début des civilisations, des guerres et des inégalités, à la mondialisation et le réchauffement planétaire. «Je suis paysan dans l’âme» : il explique ainsi ses préoccupations.

Depuis un stage à Bruxelles, son autre passion est l’Europe : «un empire qui se crée sans faire la guerre». En 1981 il établit un jumelage entre le canton d’Oulchy et un canton allemand, avec une idée simple : faire se rencontrer les citoyens de deux pays.

Sa conversation reflète sa démarche de journaliste, qui enquête plutôt que de redire des informations déjà formatées. Il se considère journaliste, pas écrivain. «Je m’occupe des faits, non pas d’imagination.» En doutant constamment de la valeur de ce qu’il produit, il évite l’écriture routinière, protège sa voix d’auteur.

Denis Lefèvre habite une maison tout en bois, derrière la ferme familiale à Breny. Il vit seul. Ce n’est pas un choix, dit-il. L’écriture est un travail solitaire, qui tend à isoler un auteur. Les éditeurs ne choient que les écrivains vedettes, et comment entretenir une famille avec de maigres droits d’auteur ?

«Je vois mal l’avenir» admet-il, déçu par la dérive des idéaux fondateurs de l’Europe, et troublé par une mondialisation «qui a tout cassé». Au moins, il admet «qu’un livre est comme un grand reportage». Modifié par la réalité, voilà le rêve qui se réalise.


[Mémorialiste du monde paysan paraît dans le Vase Communicant n°307.]

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Marque-pages Soissons… et le monde selon un chien

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L'art d'écrire

L’absence prolongée de spectacles publics laisse un vide à remplir « autrement ». A présent, retour sur une aventure locale en écriture. La veille culturelle du Vase des Arts se poursuivra tout de même : au sujet de Josquin Desprez, né à Beaurevoir en Thiérache, et dont un album des chansons sort au 500e anniversaire de sa mort ; portrait d’un clarinettiste-sculpteur ; entretien avec l’auteur d’une histoire mondiale de l’agriculture.

En 2006 quatre habitants de quatre villages du Soissonnais, Jeannine Haibe, Jean Sudarovich, Catherine Martinelli et Denis Mahaffey, ont formé un collectif d’écriture et créé un débouché en ligne, Marque-pages Soissons. Partis ensemble sur un rafiot pour faire le tour du monde des mots, pendant cinq ans ils proposaient tour à tour une image pour déclencher leurs écrits, toujours brefs, le cadre le voulait. En 2011 l’aventure a pris fin. Ayant cheminé avec les autres, chacun a repris ses propres voies, sans oublier l’intimité des partages.

En novembre 2010 Jean Sudarovich (*) a choisi une photo familiale : deux garçonnets s’apprêtent à partir en virée sur une auto-tamponneuse, sous les yeux d’une fillette et d’une femme qui se penche sur eux (**). Le texte tente d’interpréter le monde à travers les sens et la sensibilité du chien qui regarde, inquiet.

A ses pieds

Il a plu, et les vêtements sentent plus fort : la laine du manteau d’Elle prend une odeur âcre, le coton pourtant neuf du blouson de PetiteElle sent le pas lavé. Les étincelles tombent du plafond grillagé avec un parfum métallique fruité. PetitLui et PlusPetitLui, aux cheveux toujours odorants comme des marrons chauds, se mettent en piste. PetitLui se concentre sur son volant, PlusPetitLui sur son état de passager-spectateur. Elle se penche, maternante. Ce petit départ autonome présage de plus grands, où on ne voudra plus de ses conseils. PetiteElle joue les indifférentes devant leur audace. Lui, mon Maître, chef de cette meute familiale, nous prend en photo, pour dans vingt ans. Moi, je regarde, un lointain grognement d’inquiétude dans ma gorge. Je pourrais m’agiter, protester, énerver tout le monde, mais Lui me voit, et je tiens l’anxiété en laisse, comme il me tient souvent.

Je vois, mais avant tout je sens. Dans ma vie je sens qui c’est et où il a été. Je sais dans quels magasins Elle est allée faire ses courses. Ah, quand elle rapporte la boucherie à la maison sur ses pieds, j’en ai les pattes qui tremblotent.

« Tu m’aimes ? » me demande souvent PetiteElle, me tenant le nez à deux doigts du sien. Non, je suis un chien, je n’aime pas. J’idolâtre. Lorsque PetitsEux reviennent de l’école, mon corps entre en transe. Je suis derviche tourneur. A travers PetitsEux, je suis en présence du grand Sacré.

Le soir, Elle me caresse la tête sous le livre qu’elle lit, et je suis presque apaisé. La menace s’estompe. Avant de vivre ici, j’étais ailleurs. Les souvenirs, connais pas, mais ce pied qui me cognait, me soulevait en l’air, me tambourinait par terre, fait partie des circuits de mon cerveau. Toute la tendresse du monde ne l’extirpera pas. Parfois, seul, PetitLui lève le pied vers moi, rien de plus, pour le plaisir interdit de me voir m’aplatir, tête entre les pattes, un couinement aigu sortant de ma gueule. Puis il me gratte la tête, soulève mes oreilles pour faire de moi un toutou de dessin animé, les laisse tomber et met son visage, le savon du matin le parfumant encore, dans mes poils soyeux.

Quand je renifle, tout est sensible, aussi bien au présent qu’à l’avenir. Je hume PetitsEux grandis, chacun dans sa vie d’adulte. Les succès, des triomphes même, les échecs, cuisants même, les pâmoisons et les sècheresses. PetiteElle, ce ne sera pas facile, ses engagements intrépides qui vacilleront. PetitLui, oui, il restera l’aîné. PlusPetitLui, qui l’aurait crû, lui si réservé ? Lui et Elle, je les sens prendre la grâce et la charge des années, alors que je serai depuis longtemps enterré entre les racines du pommier.

Demain Lui et moi, rentrés de ces manèges de samedi, nous irons à la chasse. Fini de rigoler, je suis un professionnel. Je fais mon métier. PetitsEux et Elle ne sont plus dans mon paysage, leurs odeurs rangées jusqu’au lendemain. Car là, je ne suis plus animal domestique, je suis chien espagnol, conquistador sous les ordres de son Pizarro. Je suis obéissance. Je suis attention. Je suis assermenté.

Lui tire. De volant, l’oiseau devient tombant, puis couchant. J’attends, nerfs tendus, l’ordre de Lui. Et je pars, dans les herbes, dans la boue, dans l’eau. J’atteins la bête qui bat ses ailes couvertes de sang dans l’espoir de replaner en haut. Je ne m’excite que pour l’attraper, puis je le tiens avec la douceur pour laquelle je suis sélectionné depuis des siècles.

Je rapporte le gibier, traversé encore d’un spasme emplumé. Je le pose aux pieds de Lui. Je meurs, je renais.

Denis Mahaffey, nov. 2010


(*) Décédé en 2017.
(**) Les visages ont été floutés pour cette republication.

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