André Malraux et l’Indochine
A la suite des Journées du Patrimoine, l’Arsenal accueille un événement dédié, lui aussi, à la mise en valeur du patrimoine, local, national et même international. C’est l’exposition rétrospective de Christophe Guémy. Artiste « de rue », il est bien connu des Soissonnais pour avoir passé l’été à faire au pochoir le portraits d’une vingtaine de personnages liés à l’histoire de la ville, ici et là sur le mobilier urbain. Contrairement aux graphistes anonymes ou à Banksy la vedette invisible, il n’a pas travaillé à la va-vite ni sournoisement : C215 (c’est son nom d’artiste) avait été invité par la Ville à faire une « résidence » orientée vers des sujets qui auraient un sens pour les passants.
Ce travail en plein air s’accompagne à présent d’une exposition de ses œuvres antérieures, presque toutes orientées vers la même célébration des engagements individuels. L’inauguration a été fastueuse : accueil par des élèves du lycée Camille-Claudel, discours dans la grande salle du premier étage suivis d’un buffet dans le cellier sous le réfectoire de l’abbaye, sombre mais avec un éclairage sur autre série de portraits.
L’artiste Christophe Guémy (“C215”) avec Rosène Declementi, directrice du musée
En réponse au maire, Christian Guémy a parlé de son admiration pour l’histoire, le patrimoine et les grands hommes français, et de son affection pour la ville de Soissons, avec un appel à la reconnaissance des acquis et valeurs français. Réaction rare dans ces lieux : une longue ovation. Ces applaudissements soutenus, rythmés à la fin comme au théâtre, devaient s’adresser davantage à l’orateur Christian Guémy qu’à l’artiste C215.
Les œuvres, dans les rues ou à l’Arsenal/Saint-Jean-des-Vignes, confirment les talents graphique et de pochoiriste de C215, qui arrive à superposer plusieurs couches. Elles illustrent l’histoire et le patrimoine de la ville et du pays. C’est leur fonction. Elles ne tentent pas de dépasser cette fonction, restent consensuelles (*). Une œuvre d’art, en revanche, questionne le regard du spectateur, fait vibrer ce regard, le dirigeant vers une autre piste que celles qu’il fréquente d’habitude. La démocratisation de l’art ne doit pas revenir à faire une équivalence entre des illustrations valables et explicatives (comme celle de Malraux superposé par C215 sur une carte scolaire de l’Indochine), et une œuvre qui interroge, dérange même, qui ne se comprend pas tout de suite, qui fait travailler la créativité du spectateur. Le danger est de faire croire que l’art contemporain qui demande un effort d’imagination est réservé à une élite dédaigneuse de « l’art populaire ».
(*) On rapporte quand même un incident au Conseil municipal, lorsque le conseiller du Rassemblement National a demandé si le maire avait pu émettre un avis sur les choix des œuvres exposées. La question a étonné. L’élu a déclaré que représenter Saint Just, responsable des massacres de la Révolution, était inadmissible.
L’exposition est ouverte jusqu’au 13 janvier 2019.