Anne Leroy prépare un plomb.
Quand la place devant l’église de Manosque en Provence est ensoleillée et qu’une brise agite les platanes, les fidèles à l’intérieur peuvent croire que la colombe du Saint Esprit dans un vitrail en rosace volète sur le feuillage. C’est un exemple singulier de la capacité du verre translucide ou transparent à jouer de la lumière qui le traverse.
En ouvrant son atelier de Septmonts pour les Journées européennes des métiers d’art, la vitrailliste Anne Leroy fait entrer les visiteurs dans les coulisses obscures de son art. Obscures ? Démonté et étalé sur une table, un vitrail perd son attrait lumineux.
Celui qu’elle restaure représente Saint Hubert, patron des chasseurs. Avec le doigt elle aide à distinguer le chevalier agenouillé, son épée à côté, un cerf qui se cabre. Rien n’est évident sans la lumière de jour derrière.
Le plomb est inséré autour d’un morceau de verre.
Anne a fait un grand calque montrant l’emplacement de chaque morceau de verre. A droite, les pièces sont assemblées comme un puzzle. A gauche, elle place déjà les « plombs », chacun tordu pour épouser les contours. L’« âme » du plomb remplit l’espace entre les morceaux, et les « ailes » les tiennent devant et derrière. « Ensuite je fais les soudures » explique Anne, en montrant les points, chacun à l’intersection de deux plombs. Le verre ne se casse pas ? « Le point de fusion du plomb est plus bas que celui du verre. » Les morceaux cassés ? Elle montre un fragment coloré et recollé.
Les points de soudure sont brillants, mais un produit sera appliqué au vitrail pour égaliser l’aspect.
Anne Leroy, originaire de Nantes, est vitrailliste depuis dix-huit ans. « J’ai voulu faire un apprentissage à la sortie du lycée, et je suis allée au Centre européen de recherches et de formation aux arts verriers, près de Nancy. »
Le chevalier agenouillé. Les plombs n’ont pas encore été placés.
Elle a longtemps été salariée, mais est devenue indépendante il y a trois ans. Elle crée et restaure des vitraux. « Le Saint Hubert appartient à un particulier, qui l’a installé dans sa salle de bains. »
Sur une autre table elle termine une de ses propres créations, un vitrail aux tons très clairs, commandé par une cliente qui l’installera entre la cuisine et le salon, d’où le choix d’une relative transparence.
Elle fait voir ses outils, dont des ciseaux curieux à trois lames. « Quand j’ai fini de dessiner sur le calque, je le découpe. » Elle montre sur un bout de papier la fonction des ciseaux, qui enlèvent une fine bande de papier entre les morceaux. « Cette bande correspond à l’épaisseur du plomb. »
Une image se répète : une feuille de ginkgo, l’« arbre aux mille écus » dont un spécimen altier côtoie le donjon de Septmonts. Anne détaille la peinture de cette feuille, couche après couche de couleur appliquée avant la cuisson.
Elle reconnaît le manque d’éclat d’un vitrail démonté. « Ce n’est qu’une fois mis en place qu’il prendra vraiment son ampleur; la lumière lui donnera vie et les reflets sur le sol animeront la pièce. Sans parler des changements de luminosité en fonction des heures et de la météo qui modifient avec subtilité les reflets des verres ! »
L’artiste qui peint un tableau sait qu’il restera toujours pareil. Le vitrailliste dépend du temps. Son métier d’art consiste en quelque sorte à peindre sur la lumière.
Vitrail et Couleur. 9 rue des allées, Septmonts. Tél. 06 52 66 40 26.
Site : www.vitrailetcouleur.com
denis.mahaffey@levase.fr