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Exposition

“Que les gens s’emballent !”

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L'art ailleurs

Comme les Soissonnais eux-mêmes, le Vase des Arts ira parfois « ailleurs ». Cette fois, le sculpteur soissonnais Carlo Wieland avait chaudement recommandé une exposition de Ramuntcho Matta à Laon.
« Chemin de faire », Bibliothèque Suzanne Martinet jusqu’au 29 novembre. 

Ramuntcho Matta : "C'est quoi, l'art ?"

Ramuntcho Matta : “C’est quoi, l’art ?”

Le temps des travaux de mise aux normes de la galerie de la Maison des Arts de Laon (MAL), l’ancienne salle de prêt de la Bibliothèque de Laon sert d’espace d’exposition.     Actuellement, elle est fractionnée par une série de double cloisons, trouées ici et là de petites ouvertures éclairées comme des fenêtres. A l’intérieur de chacune, suspendus et éclairés, des dessins colorés faits sur des emballages. L’artiste Ramuntcho Matta a une explication cocasse de ces supports : « Je veux que les gens s’emballent ! »
    Il accompagne un groupe d’élèves de CM1 venus pour un atelier. En effet, il leur proposera des cartons d’emballage aplatis pour s’exercer, en cherchant avant tout de faire partager l’aventure de la création. Qu’ils s’emballent pour l’art.
    OLYMPUS DIGITAL CAMERAIl explique pourquoi ses œuvres sont exposées ainsi. « Normalement, les tableaux sont fixés aux murs. Moi, je veux que le mur s’ouvre, pour que vous regardiez dedans. Cela s’appelle l’in-tér-io-ri té’. » Il enchaîne : « C’est quoi, l’art ? » Il écoute les réponses, puis ajoute « Un artiste fait des propositions. » Ce serait une vision personnelle des choses, qui ne reproduit pas ce qui se voit en surface. « Imagine, si tu avais devant toi un miroir qui montre, non pas ton apparence, mais ce que tu es vraiment. » Les enfants sont attentifs à ce discours à leur portée. Quand ils partent en courant pour retrouver parmi les œuvres exposées des détails précisés par l’artiste, ils ont bien l’air d’être emballés. Ils profitent des ouvertures comme n’osent pas le faire les adultes, y mettent la main, la tête et même, pour les trous en bas, le moitié du corps.  

L'oiseau à bras.

L’oiseau à bras.

    Comme les jeunes spectateurs, les tableaux débordent d’énergie : des personnages courent, sautent, se regardent. Un petit oiseau tend les bras (eh oui !) vers une mère qui tient un bébé – mais il faut tendre le cou pour la voir, au-dessus de l’ouverture. Un homme dévale en se regardant dans un masque. Le spectateur est en constante découverte de nouveaux éléments. Disparates ? Non, cette foule de petites histoires participe à un discours qui structure l’ensemble.
    Ramuntcho Matta n’a aucune condescendance envers les jeunes, et arrive, directement et avec humour, à les faire s’engager eux-mêmes. « Commencez par une tache » il suggère, en les amenant vers un espace où ils pourront peindre. « Une grosse tache, sans réfléchir, comme ça ! Ainsi, elle montrera qui tu es. »

denis.mahaffey@levase.fr

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Exposition

Kim KototamaLune : la lumière piégée

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L'art du verre

Le grand espace d’exposition de l’Arsenal est plongé dans une pénombre déroutante, brisée seulement par des taches de lumière éclairant les œuvres en verre de Kim KototamaLune. Cette artiste d’origine vietnamienne est accompagnée de son collectif Bones and Clouds (Jean-Benoist Sallé et Stéphane Baz) pour l’exposition 3.5, qui passera l’été au musée.

Après avoir travaillé des matériaux plus traditionnels, l’artiste a choisi le verre, filé au chalumeau, thermoformé ou soufflé.  Sa spécialité est de le filer sans matrice, par le vide, minuscule soudure après soudure, réseau après réseau, pour créer des filets qu’elle utilise pour créer toutes les formes qui l’inspirent. Le sommet d’une structure en forme d’obus est recouvert ainsi par une résille qui ressemble à une écharpe abandonnée, ou de l’eau savonneuse : quelque soit l’interprétation du visiteur, il voit d’abord, non pas la matière de la sculpture, mais la lumière qu’elle piège dans l’éclairage.

Kim KototamaLuneau au vernissage

Dans la petite salle de l’espace, un balancier muni d’un rocher arrondi (en réalité fait de polymère) suit son mouvement de va-et-vient au dessus d’une longue table. Y sont empilés de petits objets d’une grande délicatesse, comme des récipients, flacons, bols, mais dont les formes de base s’entourent d’un nuage de petites branches, comme si la matière se dissipait sous la menace du rocher.

L’exposition fait suite à Deus ex machina de 2021 et le commissaire scientifique reste Clément Thibault, spécialiste de l’art numérique. Pour lui, le titre se réfère au fait que, au lieu des trois dimensions familières, il y en a sans doute plus – ou moins. Il est possible de suivre ses raisonnements sur la virtualité ; ou bien plonger le regard, sans arrière-pensée, dans ces œuvres diaphanes, délicates, ravissantes, qui reflètent la lumière tout en paraissant la consommer, la devenir.


“3.5”, musée de l’Arsenal jusqu’au 3 sept.

[Cet article paraît dans le Vase Communicant n°357.]

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Exposition

Purevbaatar Tumurchudur, peintre et musicien mongol : première exposition en France

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L'art de la peinture et de la flûte

Une amulette de protection

Le café associatif Au Bon Coin fait connaître de nombreux peintres, sculpteurs, graveurs, photographes, en leur ouvrant sa petite galerie, de la taille d’une chambre à coucher, Il a réussi un coup en y hébergeant la première exposition en France de l’artiste et musicien mongol Purevbaatar Tumurchudur (« Puugii » pour son entourage).

Le cerf rouge

La Mongolie appartient a ces quelques pays qui mettent le feu à l’imagination par leur taille (1 500 000 kilomètres carrés pour les trois millions de Mongols), leur histoire tumultueuse (le Mongol Genghis Khan a créé le plus grand empire contigu qui a jamais existé – mais qui s’est presque aussitôt évanoui), et surtout parce que peu de gens savent, sans aller chercher un atlas, où ils se trouvent (la Mongolie est entre la Russie au Nord et la Chine au Sud).

Puugii est né en 1976 à Oulan Bator, capitale de la Mongolie. Lourdement handicapé de naissance, à cause d’un médicament prescrit à sa mère, il aurait pu rester à l’écart de la vie active. Mais il avait une telle force de caractère qu’il a fait la grève de la faim pour aller à l’école « Mon père m’y portait sur le dos, et mes camarades de classe me montaient jusqu’au 4e étage. »

Après avoir gagné un prix à quinze ans dans un concours national de dessin, il a participé à de nombreuses expositions, puis étudié aux Beaux-Arts. Sa première exposition individuelle a eu lieu en 2013 dans une galerie de la capitale.

Puugii est arrivé en France en 2017 avec sa femme « Muugii » (« Papa » et « Maman » en langue mongole) et leurs quatre enfants. Ils vivent à Compiègne. Ayant obtenu ses « papiers », comme on dit, il s’est trouvé dans l’obligation administrative d’apprendre le français. Il est entré ainsi en relation avec l’association Solidarité et Jalons pour le Travail, dont la professeure de français, Annie Molina, venue au vernissage de son exposition pour l’accompagner et raconter son histoire. L’association humanitaire soissonnaise Yo Contigo l’a connu à travers son atelier hebdomadaire à Compiègne. Anne Miranda, à la fois présidente du Bon Coin et bénévole à Yo Contigo, lui a proposé une exposition à Soissons.

Malgré les obstacles que la vie a posés sur son chemin – ou peut-être à force de les franchir – Puugii est un homme affable, souriant, avec un regard espiègle. Il parle français, certes avec quelques trous (qu’Annie Molina est toujours prête à combler à sa place).

Avant de montrer ses toiles, Puugii a donné la preuve d’un autre talent, en jouant une flute mongole. L’instrument a été adapté pour lui permettre d’accéder aux deux dernières notes du bas avec le moignon de son bras droit. Cette musique donne déjà un avant-goût du pays, loin par la distance, mais dont la musique est presque familière, dont un air qu’il a composé en hommage à sa femme.

Pour voir la vidéo, cliquer sur le lien.

La galerie offre un concentré de l’art de Puugii, qui reproduit non pas les paysages de steppes et montagnes, mais les contes, les images icônes, un monde qui est vaste aussi, à l’échelle du pays. Comment trouve-t-il ses sujets ? « Je forme des projets dans ma tête et puis je peins. » Les images traduisent un monde inconnu à l’Occident, mais possèdent l’universalité des légendes et mythes, un langage accessible à tout spectateur prêt à laisser éveiller son l’imagination.


Exposition ouverte jusqu’au 3 juin, les mardi, mercredi et jeudi de 10h à 14h, et le samedi de 9h30 à 12h.

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Exposition

André Kertész : la vérité graphique du monde

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L'art de la photo

Au milieu du grand hall d’entrée du lycée Léonard-de-Vinci de Soissons il y a un bassin circulaire carrelé, de la taille d’une généreuse piscine de jardin, mais en plus profonde. Il ressemble à une petite piscine, mais sans eau. Il y a des marches pour descendre à l’intérieur, et le fond est entouré d’un rebord comme un banc pour s’asseoir, lui donnant un air de mini-amphithéâtre.

Treize grands panneaux contenant des photos prises par André Kertész, le photographe franco-hongrois, sont accrochées en haut, autour du bassin, sur les deux tiers de sa circonférence.

La galerie d’art du lycée étant temporairement indisponible, Hortense Garapon, professeur et responsable des expositions, a pu utiliser cet autre endroit pour accrocher les images du photographe. Comme le souligne le proviseur Dominique Haraut, un lycée général, technologique et professionnel s’occuper aussi de sensibiliser ses élèves aux arts, d’où le riche programme d’expositions qui s’y succèdent. Les classes les visitent en compagnie d’enseignants aptes à enrichir leur perception de ce qu’ils voient.

En photographiant, Kertész n’a pas les mêmes objectifs que ses trois grands contemporains, Doisneau, Willy Ronis ou Cartier-Bresson. Eux excellent à saisir un regard, un geste, un mouvement qui révèlent la nature humaine de ses sujets, souvent jeunes, souvent dans la rue. Les images de Kertész sont fréquemment vides, ou bien les êtres humains sont photographiés sous un angle qui les cache, ou en silhouette, ou dominés par leur propre ombre.

Son propos n’est pas de créer une émotion par une vision de l’humanité. D’ailleurs, il y renonce clairement : « Ce n’est pas le sujet qui fait une photographie, mais le point de vue du photographe. »

Ce qu’il explore et découvre et illustre est la nature graphique de ce qui est photographié. Que ce soit une foule en file indienne autour d’une église, ou son autoportrait, dans lequel il est derrière un verre cathédrale qui l’obscurcit, ou, dans sa série Distorsions, un corps de femme nue déformée par un effet optique, Kertesz dégage, dans chacune de ses images, les schémas graphiques, lignes, objets, ombres, par lesquels le monde se dessine – « la mécanique du monde ».

Kertesz choisit souvent une vue en plongée, ce qui l’éloigne suffisamment de ce qu’il photographie pour révéler les formes qui nous entourent et dans/par lesquelles nous vivons. De trois enfants côte à côte on ne voit que les têtes d’en haut, le détail des corps n’apparaissant que dans les ombres projetées par terre. Le point de vue éloigne les enfants vivants pour révéler la disposition des formes qu’ils créent.

Un homme se cabre, son corps, noir dans la lumière du fond, devenant un élément presque imaginaire. L’œil du visiteur remarque, non pas la nature de l’homme, mais le fait que la végétation, dressée derrière son dos, paraît se plier devant son approche. La nature devient graphique.

Une autre photo montre l’entrée de la maison du peintre Mondrian. Un regard rapide ferait penser à un tableau de Bonnard, auquel il ne manquerait que la couleur, la femme et peut-être la baignoire. En l’absence de ces éléments l’œil se met à percevoir les formes que montre l’image, le cadre de la porte laissant voir le palier éclairé, l’escalier qui monte, la rampe. Il y a aussi la courbe qui fait, non pas voir mais deviner l’escalier qui continue de descendre. L’avant-plan est plus sombre, jusqu’à cacher le détail de certains éléments, mais, au milieu, une plante est éclairée par la lumière entrant par la porte et créant, en contrepartie, l’ombre portée par la plante et son pot sur la table.

L’image montre, non pas les personnes qui monteraient et descendraient les marches, qui passeraient par la porte, qui regarderaient la plante, mais l’assemblage graphique de ce qui entoure leur vie. C’est, comme il l’a dit, non pas le sujet de la photo qui compte, qui innove, mais le point de vue choisi par celui qui photographie.


L’exposition Kertész, organisée en commun avec Diaphane, pôle photographique de la région des Hauts-de-France, avec des photographies venues de la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, est ouverte jusqu’au 13 mars.

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