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Exposition

Une mise en beauté à la cathédrale : l’armoire à reliquaires

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L'art de la restauration

L’armoire des reliquaires en cours de restauration

Les travaux à la cathédrale de Soissons ne se limitent pas à la reconstruction de la grande rosace détruite par les vents violents de janvier 2017 : la conservation du patrimoine va au-delà de cette urgence.

Depuis octobre une équipe de restauration remet en beauté l’armoire à reliquaires, un meuble où sont entreposés les objets faits pour contenir les reliques de saints que viennent vénérer des fidèles.

Claire Dard dirige l’équipe de quatre restauratrices. Un échafaudage de six mètres de haut a été dressé devant l’armoire, qui occupe toute la largeur de la troisième chapelle nord du chœur. Les membres de l’équipe utilisent une échelle, en passant chaque fois par une trappe. Comme il fait sombre à cet endroit de la cathédrale, le site doit être éclairé par des projecteurs.

Leur travail n’a-t-il pas dérangé les offices ? « Nous faisons très attention » explique Claire. « Le curé est même venu nous féliciter du peu de bruit que nous faisions. »

Elles travaillent emmitouflés dans des manteaux, bérets de laine et cache-nez. « Il fait toujours froid quand nous travaillons dans les églises – sauf quand il fait très chaud dehors. »

Dans un premier temps, les portes sont démontées et le nettoyage des encadrements est entrepris. Les deux plus jeunes membres de l’équipe travaillent avec de petites brosses, à dépoussiérer minutieusement chaque centimètre carré de la surface.

Les portes sont transportées à Nantes par Julia Becker, spécialisée en restauration d’objets en bois, alors que Claire Dard est spécialiste des sculptures.

Lisa nettoie les nuées du fronton. Noter le faux-bois de palissandre.

Une inscription latine disparue, mais visible sur des photos antérieures à 1914, donc avant la destruction partielle de la cathédrale, est repeinte sur le panneau central de l’entablement, « Nomen eorum vivit » (« Leur nom est vivant ») vient de la Bible, livre d’Ecclésiastique Si.44 14.

Les portes sont ramenées et remontées.

Chaque détail du reliquaire est traité, en terminant cette étape par la pose de feuille d’or sur toutes les moulures. Claire s’en charge, puis repasse sur son travail, pour enlever les fragments qui dépassent.

A la mi-décembre l’échafaudage est démonté par des échafaudagistes – même si les restauratrices sont qualifiées pour le faire. Le lendemain les conservateurs concernés viennent inspecter le travail. Claire et Julia redoutent-elles cette visite ? « Oh, un peu, c’est normal » admet Claire. Tout est bien, à part quelques détails minimes.

Il reste à ajouter quelques éléments perdus, découverts au cours d’une recherche documentaire. Une tête d’angelot sera placé sur le fronton au-dessus des anges, qui recevront chacune une palme dans sa main.

Le projet coûte €277m, financé par le Ministère de la Culture, avec la DRAC Hauts de France en maître d’ouvrage. La rosace n’a pas mangé tout le budget ? « Je le craignais » dit Claire Dard « mais ce sont deux budgets distinct, l’immobilier et le mobilier. »

L’armoire a été construite en 1687 (la date est gravée sur la traverse supérieure à l’intérieur de l’armoire), en bois de chêne non peint. Elle a été remontée en 1771 à son emplacement actuel avec des modifications. Notamment le bois a été peint, pour simuler une marqueterie de bois de palissandre rehaussée de dorure, et le grand fronton semi-circulaire a été ajouté.

Elle a été restaurée après la Grande Guerre, mais ensuite s’est dégradée, au point de ne plus être remarquée par la plupart des passants, malgré sa hauteur de 5,5m et sa largeur de 4,2m, ses portes et le fronton somptueusement sculptés. Cette nouvelle restauration lui rend tout son éclat.

L’armoire de Soissons est décrite dans l’Inventaire Général du Patrimoine Culturel de la région Hauts-de-France :

« La façade est cantonnée par deux pilastres cannelés et rudentés, surmontés d’un chapiteau corinthien. Sur les vantaux, les panneaux du niveau inférieur sont ornés de palmes nouées par un ruban plissé, symboles du martyre. Les panneaux du niveau supérieur sont occupés par des couronnes de laurier, également nouées par des rubans plissés, symboles de gloire. Le niveau médian est réservé à la représentation des diacres Saint Gervais et Saint Protais, encadrés par Saint Rufin et Saint Valère. Les quatre personnages, placés de face sur des monticules et porteurs de la palme du martyre, sont inspirés par les statues des mêmes saints, sculptées dans les années 1660 par Gilles Guérin pour le deuxième jubé de la cathédrale. Un bandeau d’enroulements de feuillages et de fleurs et des frises de denticules et d’oves sont réservés à l’entablement. Sur le fronton, bordé de denticules, d’oves et de dards, des anges en vol dans des nuées. »

Ce n’est pas la première fois que Claire Dard travaille ici. C’est elle qui a restauré la « Vierge romane » dans la chapelle ronde du croisillon sud. « J’ai enlevé les couches rajoutées, pour retrouver la polychromie originale. » Deux photos devant la vitrine montrent la différence. En passant, elle indique le grand lustre étincelant, qui donne au croisillon nord en hémicycle avec ses quatre étages un air de salle de bal, les danseurs attendant d’entrer en scène. « Il a été démonté pour le nettoyage par un spécialiste. »

De dr. à g. Claire Dard, Julia Becker et Lisa.

Comment est-elle devenue restauratrice ? « Ma famille avait une maison en Charente Maritime, et quand nous y allions en vacances j’étais fascinée par les églises romanes locales. Ma première idée a été de devenir architecte du patrimoine, mais je voulais travailler avec les mains, et j’ai abandonné ce projet. Un stage chez un luthier puis des visites dans des ateliers de restauration par l’intermédiaire de restaurateurs m’ont fait connaître cette profession. Je suis diplômée de l’Institut National du Patrimoine (INP) en spécialité sculptures. Je travaille régulièrement avec Julia Becker sur des objets entre mobilier et sculptures, tels des armoires à reliquaires, chaires, maîtres autels, tabernacles et boiseries. Julia a fait ses études à Cologne, et elle a un Master of Arts in European Cultural Heritage. »

Claire Dard pourra être appelée à restaurer les châsses reliquaires. Des travaux sur d’autres éléments, en particulier pour la chapelle axiale derrière le maître autel, seraient nécessaires. La restauration et la conservation d’une cathédrale comme celle de Soissons ne seront jamais terminées, pour maintenir sa splendeur pendant les siècles à venir.

[Une version abrégée de cet article paraît dans le Vase Communicant n°242]

denis.mahaffey@levase.fr

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Exposition

Kim KototamaLune : la lumière piégée

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L'art du verre

Le grand espace d’exposition de l’Arsenal est plongé dans une pénombre déroutante, brisée seulement par des taches de lumière éclairant les œuvres en verre de Kim KototamaLune. Cette artiste d’origine vietnamienne est accompagnée de son collectif Bones and Clouds (Jean-Benoist Sallé et Stéphane Baz) pour l’exposition 3.5, qui passera l’été au musée.

Après avoir travaillé des matériaux plus traditionnels, l’artiste a choisi le verre, filé au chalumeau, thermoformé ou soufflé.  Sa spécialité est de le filer sans matrice, par le vide, minuscule soudure après soudure, réseau après réseau, pour créer des filets qu’elle utilise pour créer toutes les formes qui l’inspirent. Le sommet d’une structure en forme d’obus est recouvert ainsi par une résille qui ressemble à une écharpe abandonnée, ou de l’eau savonneuse : quelque soit l’interprétation du visiteur, il voit d’abord, non pas la matière de la sculpture, mais la lumière qu’elle piège dans l’éclairage.

Kim KototamaLuneau au vernissage

Dans la petite salle de l’espace, un balancier muni d’un rocher arrondi (en réalité fait de polymère) suit son mouvement de va-et-vient au dessus d’une longue table. Y sont empilés de petits objets d’une grande délicatesse, comme des récipients, flacons, bols, mais dont les formes de base s’entourent d’un nuage de petites branches, comme si la matière se dissipait sous la menace du rocher.

L’exposition fait suite à Deus ex machina de 2021 et le commissaire scientifique reste Clément Thibault, spécialiste de l’art numérique. Pour lui, le titre se réfère au fait que, au lieu des trois dimensions familières, il y en a sans doute plus – ou moins. Il est possible de suivre ses raisonnements sur la virtualité ; ou bien plonger le regard, sans arrière-pensée, dans ces œuvres diaphanes, délicates, ravissantes, qui reflètent la lumière tout en paraissant la consommer, la devenir.


“3.5”, musée de l’Arsenal jusqu’au 3 sept.

[Cet article paraît dans le Vase Communicant n°357.]

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Exposition

Purevbaatar Tumurchudur, peintre et musicien mongol : première exposition en France

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L'art de la peinture et de la flûte

Une amulette de protection

Le café associatif Au Bon Coin fait connaître de nombreux peintres, sculpteurs, graveurs, photographes, en leur ouvrant sa petite galerie, de la taille d’une chambre à coucher, Il a réussi un coup en y hébergeant la première exposition en France de l’artiste et musicien mongol Purevbaatar Tumurchudur (« Puugii » pour son entourage).

Le cerf rouge

La Mongolie appartient a ces quelques pays qui mettent le feu à l’imagination par leur taille (1 500 000 kilomètres carrés pour les trois millions de Mongols), leur histoire tumultueuse (le Mongol Genghis Khan a créé le plus grand empire contigu qui a jamais existé – mais qui s’est presque aussitôt évanoui), et surtout parce que peu de gens savent, sans aller chercher un atlas, où ils se trouvent (la Mongolie est entre la Russie au Nord et la Chine au Sud).

Puugii est né en 1976 à Oulan Bator, capitale de la Mongolie. Lourdement handicapé de naissance, à cause d’un médicament prescrit à sa mère, il aurait pu rester à l’écart de la vie active. Mais il avait une telle force de caractère qu’il a fait la grève de la faim pour aller à l’école « Mon père m’y portait sur le dos, et mes camarades de classe me montaient jusqu’au 4e étage. »

Après avoir gagné un prix à quinze ans dans un concours national de dessin, il a participé à de nombreuses expositions, puis étudié aux Beaux-Arts. Sa première exposition individuelle a eu lieu en 2013 dans une galerie de la capitale.

Puugii est arrivé en France en 2017 avec sa femme « Muugii » (« Papa » et « Maman » en langue mongole) et leurs quatre enfants. Ils vivent à Compiègne. Ayant obtenu ses « papiers », comme on dit, il s’est trouvé dans l’obligation administrative d’apprendre le français. Il est entré ainsi en relation avec l’association Solidarité et Jalons pour le Travail, dont la professeure de français, Annie Molina, venue au vernissage de son exposition pour l’accompagner et raconter son histoire. L’association humanitaire soissonnaise Yo Contigo l’a connu à travers son atelier hebdomadaire à Compiègne. Anne Miranda, à la fois présidente du Bon Coin et bénévole à Yo Contigo, lui a proposé une exposition à Soissons.

Malgré les obstacles que la vie a posés sur son chemin – ou peut-être à force de les franchir – Puugii est un homme affable, souriant, avec un regard espiègle. Il parle français, certes avec quelques trous (qu’Annie Molina est toujours prête à combler à sa place).

Avant de montrer ses toiles, Puugii a donné la preuve d’un autre talent, en jouant une flute mongole. L’instrument a été adapté pour lui permettre d’accéder aux deux dernières notes du bas avec le moignon de son bras droit. Cette musique donne déjà un avant-goût du pays, loin par la distance, mais dont la musique est presque familière, dont un air qu’il a composé en hommage à sa femme.

Pour voir la vidéo, cliquer sur le lien.

La galerie offre un concentré de l’art de Puugii, qui reproduit non pas les paysages de steppes et montagnes, mais les contes, les images icônes, un monde qui est vaste aussi, à l’échelle du pays. Comment trouve-t-il ses sujets ? « Je forme des projets dans ma tête et puis je peins. » Les images traduisent un monde inconnu à l’Occident, mais possèdent l’universalité des légendes et mythes, un langage accessible à tout spectateur prêt à laisser éveiller son l’imagination.


Exposition ouverte jusqu’au 3 juin, les mardi, mercredi et jeudi de 10h à 14h, et le samedi de 9h30 à 12h.

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Exposition

André Kertész : la vérité graphique du monde

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L'art de la photo

Au milieu du grand hall d’entrée du lycée Léonard-de-Vinci de Soissons il y a un bassin circulaire carrelé, de la taille d’une généreuse piscine de jardin, mais en plus profonde. Il ressemble à une petite piscine, mais sans eau. Il y a des marches pour descendre à l’intérieur, et le fond est entouré d’un rebord comme un banc pour s’asseoir, lui donnant un air de mini-amphithéâtre.

Treize grands panneaux contenant des photos prises par André Kertész, le photographe franco-hongrois, sont accrochées en haut, autour du bassin, sur les deux tiers de sa circonférence.

La galerie d’art du lycée étant temporairement indisponible, Hortense Garapon, professeur et responsable des expositions, a pu utiliser cet autre endroit pour accrocher les images du photographe. Comme le souligne le proviseur Dominique Haraut, un lycée général, technologique et professionnel s’occuper aussi de sensibiliser ses élèves aux arts, d’où le riche programme d’expositions qui s’y succèdent. Les classes les visitent en compagnie d’enseignants aptes à enrichir leur perception de ce qu’ils voient.

En photographiant, Kertész n’a pas les mêmes objectifs que ses trois grands contemporains, Doisneau, Willy Ronis ou Cartier-Bresson. Eux excellent à saisir un regard, un geste, un mouvement qui révèlent la nature humaine de ses sujets, souvent jeunes, souvent dans la rue. Les images de Kertész sont fréquemment vides, ou bien les êtres humains sont photographiés sous un angle qui les cache, ou en silhouette, ou dominés par leur propre ombre.

Son propos n’est pas de créer une émotion par une vision de l’humanité. D’ailleurs, il y renonce clairement : « Ce n’est pas le sujet qui fait une photographie, mais le point de vue du photographe. »

Ce qu’il explore et découvre et illustre est la nature graphique de ce qui est photographié. Que ce soit une foule en file indienne autour d’une église, ou son autoportrait, dans lequel il est derrière un verre cathédrale qui l’obscurcit, ou, dans sa série Distorsions, un corps de femme nue déformée par un effet optique, Kertesz dégage, dans chacune de ses images, les schémas graphiques, lignes, objets, ombres, par lesquels le monde se dessine – « la mécanique du monde ».

Kertesz choisit souvent une vue en plongée, ce qui l’éloigne suffisamment de ce qu’il photographie pour révéler les formes qui nous entourent et dans/par lesquelles nous vivons. De trois enfants côte à côte on ne voit que les têtes d’en haut, le détail des corps n’apparaissant que dans les ombres projetées par terre. Le point de vue éloigne les enfants vivants pour révéler la disposition des formes qu’ils créent.

Un homme se cabre, son corps, noir dans la lumière du fond, devenant un élément presque imaginaire. L’œil du visiteur remarque, non pas la nature de l’homme, mais le fait que la végétation, dressée derrière son dos, paraît se plier devant son approche. La nature devient graphique.

Une autre photo montre l’entrée de la maison du peintre Mondrian. Un regard rapide ferait penser à un tableau de Bonnard, auquel il ne manquerait que la couleur, la femme et peut-être la baignoire. En l’absence de ces éléments l’œil se met à percevoir les formes que montre l’image, le cadre de la porte laissant voir le palier éclairé, l’escalier qui monte, la rampe. Il y a aussi la courbe qui fait, non pas voir mais deviner l’escalier qui continue de descendre. L’avant-plan est plus sombre, jusqu’à cacher le détail de certains éléments, mais, au milieu, une plante est éclairée par la lumière entrant par la porte et créant, en contrepartie, l’ombre portée par la plante et son pot sur la table.

L’image montre, non pas les personnes qui monteraient et descendraient les marches, qui passeraient par la porte, qui regarderaient la plante, mais l’assemblage graphique de ce qui entoure leur vie. C’est, comme il l’a dit, non pas le sujet de la photo qui compte, qui innove, mais le point de vue choisi par celui qui photographie.


L’exposition Kertész, organisée en commun avec Diaphane, pôle photographique de la région des Hauts-de-France, avec des photographies venues de la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, est ouverte jusqu’au 13 mars.

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