Comment choisir les poètes ? La question est précise, la réponse ne peut qu’être fragmentaire, tant l’indéfinissable gouverne un tel choix. « Je regarde l’écriture, l’originalité, le thème – il ne faut pas des sujets interchangeable de poète en poète. Il y a la maîtrise de l’écriture. » Au fond, elle fait confiance à son flair.
Quand un manuscrit est accepté, Christine garde le droit d’éditer son contenu. Ses techniques d’impression permettent une relecture redoutable. Placer les caractères un à un lui permet de détecter une faiblesse, un mot qui sonne faux ou ne porte pas sa charge de sens. Et les poètes ? « Parfois ils n’aiment pas. Alors ils peuvent repartir avec leurs poèmes. »
Elle admet que l’activité d’édition ne suffit pas pour vivre. « C’est plutôt les animations, les ateliers. » Dans les écoles, centres de formation, prisons même, elle encourage les participants à trouver des mots, à en faire des phrases individuelles ou collectives, puis à les composer et imprimer sur une presse portable. C’est le moyen de les amener à s’exprimer, et à voir leur expression anoblie par le texte imprimé.
Elle fait visiter l’atelier. La presse est comme un gros félin noir et luisant tapi dans un coin. A la différence de la machinerie moderne aérodynamisée sous des carters émaillés, elle exhibe ses leviers, poulies, courroies, goujons. Mise en route, elle montre sa force et son ingénuité : une fois une page imprimée, un système de bras la prend et la pose sur le tas à côté, comme un prof qui ramasse et empile les copies après un contrôle.
Une autre machine insère allègrement des fils de coton dans les assemblages de pages, pour faire les cahiers qui constitueront le livre fini.
Dans cet atelier l’édition d’un livre est un travail manuel venu d’un passé lointain. Le papier, l’encre, les caractères confèrent cette même qualité artisanale aux poèmes qu’ils enchâssent.
Les nouvelles sorties sont rares. C’est un besoin fort de « faire quelque chose » en confinement qui a décidé Christine Brisset à reprendre des poèmes qu’elle avait écrits, et les publier. Le recueil s’appelle Celui qui marche. Editrice indépendante, poète.