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Le Vase des Arts

Le pommier, la chanson et l’or (*)

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L'art du baroque et du chant liturgique

Les choristes néerlandais dans l'église franciscaine d'Überlingen

Les vacanciers en tenue d’été passent et repassent le long du quai face à l’eau, accompagnés d’enfants sautillants ou traînants, ou s’assoient aux terrasses de café. Le soleil brille… trop.

Überlingen a tout d’une petite station de bord de mer – sauf la mer. Il se trouve sur les rives allemandes du lac Constance, en face de la Suisse et l’Autriche. Dans ce pays de pâturages verts qui ont survécu à la sécheresse, de collines douces et de volcans éteints rocheux, et où des pommiers s’éparpillent partout, dans les champs, les jardins, le long des routes, Überlingen est une ville de maisons à colombages et de tours moyenâgeuses.

Le maître-autel

L’église Saint-Nicolas du 14e siècle a été modifiée plusieurs fois et, en 1753, « baroquée » (« barockisiert »). Ainsi les lignes de l’architecture sont sobres, presque sévères, alors que la décoration intérieure est d’une richesse et d’une abondance luxuriantes. Pas un pan de mur ni de plafond qui n’ait son rinceau de stuc ; pas une attitude de saint personnage qui ne soit déhanchée ; surtout, pas un chapiteau de colonne, ni un grillage, ni un élément de l’autel, ni un cadre d’image, ni un bord de robe de statue, ni une auréole sur une tête, ni la couronne monumentale qui surmonte le retable, qui ne soit doré. Au dessus de la chaire, deux chérubins tiennent les tablettes des Dix Commandements – et en cachent certains…

L’effet est exubérant. Quand le style baroque, venu d’Italie et utilisé dans tous les domaines de l’architecture, est appliqué à une église, il paraît avoir pour objectif l’éblouissement des fidèles, pour ouvrir leur âme à la splendeur spirituelle du Catholicisme.

C’est l’après-midi, l’église est ouverte, comme le sont la plupart des églises de la région, même dans les villages de la Forêt Noire voisine.

Un groupe d’une douzaine de vacanciers entre, regarde ; plusieurs s’agenouillent pour prier. Un organiste répète dans la tribune au-dessus. Quand il a terminé, il fait signe aux visiteurs, qui se regroupent dans la nef près de l’entrée principale. Ils sont habillés en shorts fluo, sandales, débardeurs, robes d’été. L’homme qui se met devant marmonne quatre notes, pour les sopranos, les altos, les ténors et les basses, puis lève le doigt.

Ils commencent à chanter. D’abord Ave Maria de Frère Jean-Baptiste de la Sainte Famille (né en 1974), suivi de Laudamus te de Dmitri Bortnianski (1751-1825).

La chaire de l’église

Peu importe l’aspect des choristes et leur informalité : leur chant est complexe en termes d’harmonies, différentes voix se suivant, se croisant, mais c’est sa pureté qui saisit l’auditeur. Il est impossible d’imaginer que leur chant ne soit pas une composante de leur foi. Il montre la transcendance dont les humains sont capables, leur aspiration vers ce qui dépasse le quotidien, le matériel. Dieu, ou une autre vision, quelle qu’elle soit, quelque soit la forme qu’elle prend.

Ces chanteurs forment partie de Schola Cantorum Sainte-Cécile, une chorale de la ville de Leyde aux Pays-Bas qui pratique également le chant grégorien, venue en Allemagne accompagner la messe de l’Assomption dans le village de Schramberg et la messe de dimanche dans une chapelle en haut de la ville d’Überlingen.

Le chant dans le cadre baroque avait une qualité unique, par sa simplicité sublime dans un cadre qui entend nourrir la foi, tout en flirtant avec l’excès. En Allemagne, qui a vécu le double drame religieux de la Réforme et de la Contre-Réforme dans son passé, y aurait-il aussi dans le Baroque une réaction catholique à la sobriété protestante au Nord : « La retenue ? Et v’là, pan ! »


Note explicative : l’un des ténors a le même nom de famille que le chroniqueur.

(*)Euripide, Hippolyte, v. 788

[Modifié le 28/08/20 pour ajouter un lien au répertoire de la chorale sur Youtube]

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Exposition

Les paysages en miniature des tilleuls du bd Victor Hugo

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L'art de la photo

Comme un glacier entre deux pentes boisées

Après avoir rempli la chapelle Saint-Charles l’été dernier de photos de la guerre en Ukraine, villes dévastées, visages hantés, vies en suspens, le photographe Thierry Birrer se tourne vers d’autres vies, celles des mousses, brins d’herbe et insectes qui, inaperçus des passants pressés, occupent les tilleuls le long de l’avenue Victor-Hugo à Soissons.

Des montagnes et falaises rocheuses, fleuves, glaciers, nus ou couverts d’excroissances, d’arbustes, de forêts et fleurs, de créatures vivantes, parfois sous l’eau : c’est ce que perçoit l’œil du visiteur entrant dans la salle d’exposition du café associatif Au Bon Coin. Il faut connaître le vrai sujet pour faire le point avec le regard, se rendre compte de la réalité de son titre : Le Minuscule en Géant.

Des cherche-midi, ainsi désignés pour leur amour du soleil.

Thierry Birrer a photographié en gros plan la surface de troncs de tilleul : les surfaces rocheuses ne sont que leur écorce, la végétation consiste en petites parcelles de mousses vertes, taches créées par d’autres champignons et moisissures, brins d’herbe, de lieux de vie d’insectes. De géologiques les paysages deviennent botaniques.

Son objectif en choisissant les tilleuls de l’avenue Victor-Hugo était de montrer une vie foisonnante ignorée, selon lui, par les foules qui sont intervenues pour protester contre l’abattage de ces arbres dans le cadre d’un projet de développement municipal.

Il voyait autant les avantages de la biodiversité obtenue en plantant diverses essences d’arbre, au lieu de la monoculture du tilleul. « Certains arbres étaient malades » explique-t-il, « d’autres, on le voit, mourants. »

« J’étais choqué par la violence des propos de ceux qui voulaient protéger les tilleuls, sans avoir bien regardé ce qu’ils protégeaient. »  De petites pancartes ont été posées sur tel tronc : « J’aime mon arbre », sans que le protecteur sache en profondeur ce qu’il prétendait aimer. Alors il a pris les photos, sur lesquelles les arbres révèlent le riche habitat qu’ils constituent, comme un geste pédagogique.

Comme sous l’eau : anémone de mer et algues

L’exposition est un voyage de découverte de la vie qui se cache dans le minuscule. C’est un voyage que Thierry Birrer a pris depuis de longues années.

La Ville envisage déjà de transférer l’exposition vers le centre social Saint Crépin, avec 15 images, alors que seules 12 ont trouvé place au Bon Coin. Un autre projet est d’imprimer les photos sur de l’aluminium laqué et de les exposer pour la Fête du Quartier le 24 juin. « Comme ça elles peuvent rester dehors. » Comme les arbres auxquels elles rendent hommage.

Le minuscule en géant, Bon Coin jusqu’au 31 mars.


Paroles d’Ukraine, l’exposition de Saint-Charles, agrandie en nombre de photos et de tableaux de l’artiste Lesia Babliak, est installée dans l’église Saint-Bernard de Reims jusqu’au 15 avril.

[Cet article paraît dans le n°352 du Vase Communicant.]

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Le Vase des Arts

Boieldieu et Mozart : les deux parties d’un concert

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L'art de la harpe et de la flûte

Il n’est jamais facile de faire la première partie d’un concert, rock, chanson ou baroque, peu importe, quand une superstar est programmée après l’entracte. Celui qui le précède aura beau avoir du talent, être un honnête créateur, posséder son propre charisme, le public attendra la tête d’affiche pour être époustouflé et ému.

Réuni chaque année pour un concert à la Cité de la Musique à Soissons, l’Ensemble Orchestral de la Cité comprend des professeurs de Conservatoire et d’Ecoles de Musique départementales jouant aux côtés de musiciens de l’orchestre Les Siècles, cette fois sous la direction du chef anglais Harry Ogg. Rappelons que cette disposition reflète l’intention du Département de nourrir des échanges transversaux dans la vie musicale publique.

Au programme, quatre œuvres par deux compositeurs, une ouverture et un concerto de chacun.

D’abord, l’ouverture du Calife de Baghdad et le Concerto pour harpe et orchestre de François-Adrien Boieldieu, un compositeur que le public de la CMD aura eu peu d’occasions d’entendre. Sa musique est irréprochable, tout en étant plus révélatrice des styles, structures et caractéristiques musicaux de son époque que d’une capacité créatrice unique.

Le concerto offre cependant un plaisir particulier, intense et inhabituel, en faisant de la harpe l’instrument soliste, au lieu de la reléguer à son rôle souvent décoratif, réduit à de brefs passages pour ajouter ses tintements en cascade à ce qui se joue ailleurs. La harpiste Valeria Kafelnikov se charge de ce rôle de vedette de son instrument, de passages complexes en cadences éblouissantes. C’est un exploit, de dominer à tout un orchestre avec un instrument connu surtout pour sa délicatesse discrète.

Après l’entracte, l’Ensemble passe à Mozart, avec l’ouverture de l’Enlèvement au sérail et le Concerto pour harpe et flûte, et la différence entre l’artisan et l’artiste, entre l’application et l’envol, apparaît. Mozart est de vingt ans l’aîné de Boieldieu, mais a des airs de jeune rebelle à ses côtés.

Il ne bouscule pas les usages du Classique, il les détourne à sa convenance. Jamais une tournure n’évolue comme l’oreille l’attend, Il se lance dans une mélodie comme une comptine d’enfant, mais l’élabore, la complexifie, crée la surprise en partant sur une voie inattendue. Inattendue ? Une spécialité de Mozart est d’introduire une tournure surprenante mais dont les notes sonnent aussitôt comme inévitables.

Après l’ouverture, pleine d’entrain et de trouvailles, Valeria Kafelnikov est rejointe devant l’orchestre par Gionata Sgambaro, qui se trouve être – à la surprise de ceux qui ne connaissaient pas sa carrière de soliste – un des flûtistes des Siècles.

Le Concerto est très connu mais, comme toujours, l’entendre en direct et en regardant les instrumentistes aiguise l’écoute, révèle l’orchestration par la simple vue des musiciens prenant et déposant leurs instruments. Le mouvement lent, avec sa conversation entre harpe et flûte, n’est jamais moins que sublime, et offre le spectacle fascinant des deux solistes réagissant l’un à l’autre, se retrouvant, se séparant, se fondant.

 

Les solistes partis au milieu des applaudissements, le jeune chef Harry Ogg propose, en bis, la simple reprise de l’ouverture de l’Enlèvement au sérail. L’Ensemble Orchestral de la Cité a pu montrer son homogénéité et c’est, après tout, l’objectif recherché.

Un commentaire ? : denis.mahaffey@levase.com

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Histoire

Auguste Hiolin, sculpteur soissonnais

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L'art du statuaire

Monument de la pl. de la République à Soissons (photo de P. Ponsart-Ponsart)

L’homme de lettres Pascal Ponsart-Ponsart, de la Société Régionale Historique de Villers-Cotterêts, donnera une conférence sur le sculpteur Louis-Auguste Hiolin au Musée de Soissons le 1er mars.

Louis-Auguste Hiolin est né en 1846 à Septmonts, est mort à Silly-la-Poterie près de La Ferté-Milon en 1910, et est enterré à Septmonts. La conférence de Pascal Ponsart-Ponsart présente sa vie, ses études, sa carrière, ses succès, ses contemporains.

Artisan compétent et appliqué, sa période de célébrité a été brève, et il tient peu de place dans l’histoire de l’art. Cependant, les habitants de Soissons et de ses alentours peuvent croiser ses œuvres tous les jours, sans pouvoir identifier leur auteur. Voici l’occasion de le connaître.

Auguste Hiolin avec la maquette de la statue de Jean Racine enfant

Devenu maçon comme son père à la carrière Lévêque sur les hauteurs de son village natal, il a montré des dons pour le travail de la pierre, a étudié aux Beaux-Arts, et a eu une carrière de « statuaire », c’est-à-dire de sculpteur de statues pour les monuments et bâtiments.

Il n’a pas connu la gloire des grands sculpteurs comme Rodin ou David d’Anger, qui ont atteint une vision plus profonde de leurs sujets ; l’œuvre de Hiolin serait, selon le conférencier, trop académique, trop « Troisième République » ; mais sa « sobriété austère » a été admirée, et il a été très sollicité.

Il a réalisé la statue de Jean Racine enfant au chevet de l’église de La Ferté-Milon, celle de Viollet-le-Duc habillé en Saint Jacques à l’entrée de la chapelle du château de Pierrefonds, et surtout les statues pour le monument de la Défense Nationale sur la place de la République à Soissons : la Génie de la Patrie en bronze au sommet, la figure allégorique de la Ville, et le Défenseur mourant en pierre.

Il était spécialiste de portraits sur médaillons, en a même réalisé un pour orner la tombe de son père à Septmonts. En s’y rendant, Pascal Ponsart-Ponsart s’est aperçu que le médaillon a disparu.

La conférence aidera à comprendre l’empreinte laissée par Hiolin sur la vie publique, de Soissons et ailleurs.


Louis-Auguste Hiolin, sculpteur soissonnais (1846-1910), conférence de Pascal Ponsart-Ponsart. 1er mars à 18h au Musée Saint-Léger. Renseignements et inscriptions : 03 23 59 91 20 ou musee@ville-soissons.fr

Pascal Ponsart-Ponsart, né à Charleville-Mézières, a été marionnettiste, formé au métier des « comédiens de chiffon » à Prague, avant de faire carrière dans la fonction publique à Paris, tout en gardant son intérêt pour le théâtre.
En achetant une maison de campagne dans l’Aisne en 1994, il a été sollicité par les habitants de son village pour les faire jouer. Le Petit Théâtre de Montgobert a été fondé en 2013. Il y est metteur en scène, acteur, et il a écrit plusieurs pièces, notamment pour une collaboration avec le musée Racine de La Ferté-Milon, dont il a été vice-président.
Depuis la retraite il vit à Saint-Pierre-Aigle, où il prépare à présent deux livres d’histoire locale.

[Une version abrégée de cet article paraît dans le Vase Communicant n° 350.]

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