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Le Vase des Arts

L’art du piano de Gabriela Montero

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La pianiste vénézuélienne Gabriela Montero avait choisi un programme – techniquement redoutable – d’œuvres peu familières de Prokoviev, Rachmaninov, Stravinsky, pour la première partie de son concert à la CMD de Soissons. Ecouter de la musique russe au moment même où des Russes attaquent l’Ukraine ?

Gabriela Montero joue Prokofiev.

Il n’a pas été question d’indignation, ni de protestations, ni de boycott. Seulement une sensibilité accrue dans la salle, à la capacité parallèle des sociétés humaines à créer et à détruire. Le sublime voisine l’atroce.

L’écoute de la musique en est affectée, des auditeurs pouvant chercher à mieux sentir ce clivage et, le faisant, avoir une perception plus large.

Prokofiev, dont la pianiste a joué les Sarcasmes et la Sonate n°2, affiche une énergie bruyante et entraînante, une inventivité sans fin ; derrière, à moitié entendu, mais émergeant parfois, un lyrisme qui sous-tend le bruit, poignant et triste, un écho qui lutte pour se faire entendre, de la vaste Russie qui inspire et écrase ses peuples.

Le grand écran derrière le piano s’est éclairé, et Gabriela Montero a improvisé l’accompagnement d’un petit film muet sur l’arrivée de Charlot l’immigrant en Amérique. Le héros maladroit, malin au cœur d’artichaut, fait face à plusieurs poids lourds méchants, reconnaissables à leurs sourcils noirs sur-broussailleux.

L’annonce du concert avait fait référence à l’habitude de la pianiste d’improviser sur des thèmes proposés par le public. Nous allions voir.

Elle invite le public à proposer des thèmes d’improvisation.

Un spectateur a marmonné le thème du Concerto n°21 de Mozart. Gabriela Montero a commencé comme dans la partition, puis a lancé un développement qui a abandonné le style mozartien pour faire du Chopin – mais du Chopin enveloppé, charnu.

Après une improvisation personnelle, une autre suggestion a été faite, The Entertainer, ragtime de Scott Joplin. A nouveau la version originale, mais qui a soudain adopté le style et les caractéristiques de Bach – Bach moins la transcendance spirituelle.

L’autre, la personnelle ? Gabriela Montero a pris son micro pour dire, en un français qu’elle a admis être approximatif, que, consciente des « choses difficiles en ce moment », elle voulait y réagir. « How I feel » a-t-elle conclu.

Avec la main gauche elle a accompagné, avec de l’urgence dans le rythme, la ligne mélodique de la main droite, comme un oiseau qui chante. Quel message tirer de cet intermède ? Qu’un pays peut être attaqué, bombardé, que ses villes peuvent être aplaties, mais qu’après, dans un calme même momentané, un oiseau chantera. Personne ne fera taire le chant d’oiseaux.

Commentaires : denis.mahaffey@levase.fr

[Modifié le 01/03/22 pour tenir compte de la situation actuelle.]

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