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Musique

Chanter Noël à l’hôpital

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L'art du chant à l'hôpital

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Trois chorales sont venues avant Noël dans une Unité locale de soins palliatifs. Convient-il de chanter l’Incarnation, la naissance, le début d’une vie, pour des patients qui sont proches de la mort ? « Ici, c’est un lieu de fin de vie » explique une soignante. « Nous nous y occupons de la vie ; la mort reste un grand mystère. » Aucune anomalie, alors, à célébrer la source de cette vie.

Les chorales avaient en partie le même répertoire, mais chacune possédait son style, son approche, sa relation aux patients.

« La Musarelle », chorale soissonnaise établie, s’est installée dans le couloir principal comme dans une salle de concert, avec les patients dans leur lits occupant les fauteuils d’orchestre.

Le deuxième chœur, composé de bénévoles des Visiteurs des malades en établissement hospitalier (VMEH), avait une autre démarche. Habitués à se rapprocher des patients, ils sont allés à deux ou trois dans plusieurs chambres, chanter devant le lit.

La troisième, venue déjà l’année dernière sous l’appellation « chorale sans nom », originaire d’Anizy et de ses environs, a été baptisée en cours d’année : « Bouquet des chants ».
    OLYMPUS DIGITAL CAMERASes chanteurs ont pu insinuer les sons dans les couloirs et les chambres, sans les imposer. Pas seulement dans les lieux, mais dans les cœurs : les accompagnateurs, infirmières et bénévoles, avaient soudain les yeux mouillés, et des mouchoirs en papier ont circulé, quand la chorale chantait « Petit papa Noël ». Eculé peut-être, mais cet air évoque les enfants qui croient à un personnage magique, n’ont encore perdu cette innocence-là, ne s’occupent pas des noirceurs de la vie.
   

L’organisatrice de la chorale est amenée voir une patiente, qui avait « demandé à être euthanasiée en début d’après-midi, tant elle souffrait » admet la même soignante. « Nous avons plutôt donné le traitement qu’il fallait, nous sommes restés avec elle, et voilà qu’elle veut dire merci pour les chants. »

Alors, chanter Noël ferait du bien à tout le monde ? Une infirmière ferme une porte de chambre en face de la chorale : parfois, même la musique apporte trop de peine.

denis.mahaffey@levase.fr

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Danse

La Passion selon Piazzolla

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L'art du tango

[Photo Axonance]

Le compositeur argentin Astor Piazzolla, déjà célèbre pour son œuvre inspiré par les rythmes du tango, passe à un autre niveau de renommée en devenant le sujet d’une composition d’un autre compositeur, argentin aussi. Martin Palmeri a écrit la Pasíon segun Astor qui sera chanté et joué au concert donné par l’ensemble choral Axonance à la Cité de la Musique de Soissons le 27 mai. Avec le compositeur au piano, Axonance et son directeur Stéphane Candat seront accompagnés par le quintette à cordes’ensemble de chambre Ad Libitum, le bandonéoniste Jeremy Vannereau, et même deux danseurs du tango. Il y aura des pièces et chants solos du compositeur, dont Libertango et Adios Nonino, adieu déchirant à son père.

Stéphane Cantat, fondateur et directeur d’Axonance [Photo Axonance]

Axonance a été créé en 2017 pour pallier à la disparition du Studio choral de l’Aisne, privée de sa subvention départementale. Il a commencé à se faire une réputation par ses récitals et concerts, dont celui du Nouvel An dans le cellier nouvellement aménagé de l’abbaye Saint-Jean-des-Vignes. Il vise à donner trois ou quatre concerts par an – financés, il faut dire, par les recettes et les cotisations des membres.

Même dans les chorales où les membres chantent surtout pour le plaisir, ils s’impliquent beaucoup. Axonance visant une qualité quasi-professionnelle, avec des choristes déjà de bon niveau, l’engagement doit être soutenu et fort. Chaque choriste vise à travailler la pratique chorale dans un environnement vocal réduit, pour assurer une homogénéité et un son adapté à chaque esthétique musicale. Ils se retrouvent deux demi-journées par mois et le répertoire s’étend des débuts du Baroque au XXIe siècle. L’ensemble se dirige vers des programmes chambristes, à capella ou accompagné de l’orgue ou du piano. Le concert Piazzolla est donc exceptionnel.

Axonance recrute des chanteurs venus de chœurs de la Marne, de l’Aisne et de l’Oise, mais il est soissonnais, créé dans la ville quelques heures après la destruction de la Rose de la cathédrale par la tempête Egon – et il a chanté lors de l’inauguration du nouveau vitrail en 2022.

La musique de Piazzolla et son bandonéon ont pris leur place parmi le plus grands dans les salles de concert, mettant les sens en émoi, communiquant ses rythmes langoureux  aux mêmes publics que Mozart et Beethoven. Destin prestigieux pour le tango, né dans les bordels de Buenos Aires, et dont le rythme subvertit la bienséance en y glissant une sensualité entêtante.


La Pasíon segun Astor, 27 mai à 20h à la CMD ; 28 mai à 16h, église Saint-Maurice, Reims.

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Le Vase des Arts

La musique indifférente : Thomas Bernhard et les variations Goldberg

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L'art du concert-lecture

Deux jours après les feux d’artifice et le côté grand spectacle du premier concert du festival qui commémore l’arrivée de Bach à Leipzig en 1723, le public est revenu à la Cité de la Musique de Soissons. La foule de musiciens pour l’Art de la Fugue est remplacée par un pianiste et un comédien. Kit Armstrong joue les Variations Goldberg de Bach, alternant avec la lecture par Didier Sandre d’extraits du Naufragé, roman de l’auteur autrichien Thomas Bernhard.

Les lumières baissent sur le plateau vide qui les attend, et le seul éclairage émerge sous le couvercle ouvert du piano. Y doit-on voir un signe avant-coureur du rôle de la musique dans ce qui suit, sa clarté face à la noirceur du texte ?

Le plateau s’éclaire. Kit Armstrong s’assied au piano. Didier Sandre prend place à son lutrin et lit la première phrase du texte. « Si je n’avais pas fait la connaissance de Glenn Gould, je n’aurais probablement pas renoncé au piano et je serais devenu un pianiste virtuose, et peut-être l’un des meilleurs pianistes virtuoses du monde. »

L’extrait terminé, le pianiste commence par l’Aria qui initie les Variations. Il intervient ensuite douze fois pour jouer l’ensemble des 30 variations, en revenant à l’Aria pour terminer. La musique  alterne avec les extraits d’une sombre histoire de trois brillants étudiants de piano, élèves de Vladimir Horowitz, dont deux, le narrateur et Wertheimer, abandonnent l’instrument, devant le génie du troisième, qui est Glenn Gould,.

Le narrateur ne croit qu’à une perfection inatteignable – et s’il l’atteignait, elle signifierait la stagnation et donc la mort. Wertheimer, qui ne sait que viser ce qui le dépasse, se suicide par pendaison. Le génie illumine et écrase, tire vers le haut et pousse vers le bas.

Le texte, écrit comme une suite de variations pour correspondre aux variations de Bach, raconte l’assombrissement de la situation, du narrateur plongé dans l’écriture frustrée d’un essai sur Gould, de Wertheimer de plus en plus attiré par l’autodestruction.

C’est un thème constant dans l’œuvre de Bernhard. Comme l’écrit le critique Etienne Diemert, « À rebours de l’idée de croissance — germination, éclosion et floraison —, le pessimisme ou la mélancolie de Thomas Bernhard, toujours alliés au grotesque, mettent en valeur l’extinction et le dépérissement, notamment via le thème du suicide qui court à travers son œuvre. » (*)

Cela résume les qualités apparentes dans Le Naufragé. Il s’agit moins d’un récit que d’un commentaire sur ce récit, et l’interjection de l’expression « pensai-je » après presque chaque phrase met une distance supplémentaire entre la réalité et la version qu’en donne le narrateur ; surtout, lu à haute voix, le texte prend une tonalité incantatoire.

Le texte se termine par une question : qui, de Glenn Gould ou de Wertheimer, sera au centre de leur double histoire ?

Cet extrait final est suivi par la dernière fugue de l’Art de la Fugue, Contrapuntus 14 (par lequel le précédent concert s’était conclu aussi). Bach ne l’a pas terminé, ce qui fait qu’il s’arrête sur un accord qui n’atteint pas sa résolution. Ni le texte ni la musique ne mènent à une fin heureuse : ils laissent derrière eux un silence lourd.

Didier Sandre réussit à maintenir la tension à travers ces fragments-variations par la sobriété douce de sa voix, jamais pressée, jamais agitée, mais jamais monotone.

L’interprétation de Kit Armstrong ne se mêle pas de refléter l’ambiance créée par le texte de Bernhard : ses interventions interviennent chaque fois pour rappeler que la musique est indifférente à la parole ambiante. La vitalité, l’intensité, la sérénité, la transcendance de la musique ne sont pas touchées par ce qui les entoure.

(*) Voir TK21 La Revue 135


Présent à la Cité de la Musique en tant que directeur de l’Association pour le Développement des Activités Musicales dans l’Aisne, Jean-Michel Verneiges avait pourtant une raison supplémentaire d’être là, tout en restant très discret quant à son rôle dans Le Naufragé.

A côté de son travail d’organisateur et inspirateur de la vie musicale du Département, il a conçu une série de ce qu’il appelle des « concert-lecture » mariant paroles et musique, dont celui-ci est le plus récent, créé en 2018. Cette activité de création est analysée dans le portrait paru dans le Vase Communicant en 2018.

Abordé avant le spectacle, il a assumé sa responsabilité pour ce qui suivrait, a même admis être « toujours un peu ému quant à l’accueil du public à chaque représentation ». Il a souligné la nécessité d’un lien fort entre ce qui est dit et ce qui est joué. Ni la parole ni la musique ne sont là pour « accompagner » l’autre. Le Naufragé est un exemple particulièrement saisissant, car l’œuvre de Bach est un sujet central du roman de Bernhard.

Les trois autres concerts de cette commémoration auront lieu entre juin et octobre :
* Abbaye Saint-Michel : Bach, Variations Goldberg, Jean Rondeau, clavecin – 18 juin à 14h15
* Cloître Saint-Martin de Laon : Bach, Art de la Fugue, Kenneth Weiss, clavecin – 3 septembre à  17h
* Conservatoire de Laon : Bach’s groove, thèmes des Variations Goldberg et de l’Art de la Fugue, trio Paul Lay – 3 octobre à 20h

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Le Vase des Arts

L’Art de la Fugue pour un tricentenaire musical : l’arrivée de Bach à Leipzig

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L'art des fugues

Le premier de cinq concerts autour de l’Art de la Fugue et les Variations Goldberg, pour marquer le tricentenaire de l’installation de Bach à Leipzig en 1723, a eu lieu à la Cité de la Musique de Soissons. Les quatre autres, à Soissons, l’abbaye Saint-Michel et Laon, s’étalent jusqu’en octobre.

Le plateau était rempli de musiciens, instrumentistes et chanteurs, pour un programme complexe et exigeant : l’Orchestre Philharmonique de Radio France et l’ensemble Capella Mediterranea sous leur chef argentin Leonardo Garcia Alarcon, le chœur de Radio France, la jeune soprano suisse Marie Lys, et deux bandeonistes à l’instrument iconique argentin.

Au programme, répartis parmi toutes ces formations et leurs solistes, L’Art de la Fugue de Bach, chaque fugue en alternance avec un choral du Chorbuch du compositeur argentin Mauricio Kagel, reflétant les fugues de Bach mais en les métamorphosant, même jusqu’à faire chanter les choristes une fois à travers des mégaphones apparemment en carton.

Ce programme pouvait paraître hors de la portée de bien des auditeurs qui remplissaient la salle jusqu’au dernier fauteuil. D’ailleurs l’heure de début, 19 au lieu de 20 heures, pouvait faire croire qu’il allait tirer en longueur. Non. Le concert à duré une heure et demi, mais le contrat avec Radio France exigeait le retour des musiciens à Paris pour 22 heures, peut-être pour éviter des heures supplémentaires pendant le trajet en car.

Le programme imprimé détaillait le contenu du concert ; en réalité, il était facile, dans l’obscurité, de perdre pied, devant les interventions successives et déroutantes, la chorégraphie des musiciens changeant de place pour composer différentes formations. Le déroulement a été plein d’inattendus.

Les deux bandéonistes ont eu un triomphe avec leur longue Improvisation.

Perdre pied ? C’est peut-être le secret. Au lieu de suivre, d’analyser, de reconnaître ou d’essayer de comprendre, ce concert invitait le public à se laisser emporter par la somptueuse activité sur le plateau, renverser par les déferlantes successives.

Toutes ces richesses viennent, il faut se rappeler, de la forme d’écriture musicale qu’est la fugue. Par sa complexité et ses règles de composition, elle ferait penser à des mots-croisés, ou même des suduku ; néanmoins, elle peut émouvoir profondément. Il est dit que Bach n’est pas le meilleur modèle à suivre, car il faisait trop d’entorses aux règles imposées pour le modèle de base, la « fugue d’école », se permettait des écarts créatifs. Voilà la raison de l’amour universelle de ses compositions.

La dernière fugue, la 14, est restée incomplète parce que Bach serait mort à ce moment-là. Tout s’est donc arrêté soudain, dans un silence que Leonardo Garcia Alarcon a prolongé, avant de marquer la fin du concert et recevoir les applaudissements.

Il a pris la parole pour avouer que ce concert était pour lui « un rêve et un cauchemar », sans doute un rêve pour la musique, un cauchemar pour la logistique de l’organisation.

Nous avions passé la soirée hors des préoccupations quotidiennes ; il a rappelé l’actualité atroce en proposant, pour terminer, Dona nobis pacem de la Messe en Si mineur de Bach. « Accorde-nous la paix. »

Un commentaire ? denis.mahaffey@levase.fr

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