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Musique

Du néandertalien au numérique en une soirée

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L'art de la création musicale

Le soliste Boštjan Gombač devant l'orchestre.

Le soliste Boštjan Gombač devant l’orchestre.

A la plupart des concerts, les musiciens jouent sur des instruments conçus ou qui ont été adaptés entre les 15e et 19e siècles. Mais le concert donné par l’orchestre de Picardie à la CMD a repoussé ces limites dans les deux sens, en avant jusqu’au smartphone dernier cri, et surtout en arrière jusqu’à la flûte tidldibab, qui date d’il y a 43 000 ans, et qui est donc l’instrument de musique le plus ancien du monde.

Le programme a commencé par « Baba » de Žiga Stanič, une création mondiale pour cet instrument et orchestre. Le clarinettiste slovène Boštjan Gombač tenait dans les deux mains un fragment d’os perforé, d’où il sortait une gamme prodigieuse de sons sur plusieurs octaves, allant de bruits perçants à des sons planants et généreux. Le percussionniste François Merlet et les cordistes de l’orchestre l’ont accompagné, en commençant par des bruits secs qui ne pouvaient que faire penser à un travail lapidaire dans une grotte, puis en prenant une ampleur que dominait toujours la tidldibab.

Le compositeur Bernard Cavanna présente "Geek bagatelles".

Le compositeur Bernard Cavanna présente “Geek bagatelles”.

L’écoute dans la salle encore colorée par cette œuvre, l’orchestre est passé tout droit aux débuts du Romantisme allemand avec l’ouverture de « Peter Schmoll », opéra composé par Weber à l’âge de quinze ans.

Après un entracte, la Septième symphonie de Beethoven rappelait la plénitude de la musique Romantique, et par sa familiarité elle servait quelque peu d’un divertissement entre les deux œuvres contemporaines de la soirée.

Le concert a pris fin avec une seconde création mondiale, en présence du compositeur systématiquement provocateur Bernard Cavanna. Dans « Geek bagatelles », il reprend des fragments ou accords puisés dans la Neuvième symphonie de Beethoven et les décape par les discordances et arythmies qu’il y introduit.

Pour ajouter au dérèglement des sens, deux chœurs de smartphonistes, élèves du lycée Nerval, plus les quelques auditeurs dans la salle qui avaient téléchargé l’application nécessaire, participaient à l’ensemble.

Le chef d’orchestre Arie van Beck tenait les rênes, mais Pierre Bassery, venu auparavant les former sur place, dirigeait les chœurs, un mobile dans chaque main pour tracer dans l’air les gestes à reproduire.

Ce concert prouve la richesse des échanges du réseau ONE (Orchestra Network for Europe) créé par l’orchestre de Picardie, auquel appartient le RTV Slovenia symphony orchestra de Slovénie.

Chœur de smartphonistes

Chœur de smartphonistes

denis.mahaffey@levase.fr

OLYMPUS DIGITAL CAMERAEn 1995 des archéologues travaillant sur le site de Divye Babe en Slovénie ont trouvé un fragment d’os creux avec des perforations, un ustensile, outil ou bien, comme il s’est avéré, un instrument de musique. Une datation l’a situé à plus de 40 000 ans avant notre ère. Le musicien Ljuben Dimkaroski a réussi à en tirer des sons, lui a donné le nom « tidldibab » et a fait de nombreuses copies, en bois, en résine ou en os, comme celui qu’à joué Boštjan Gombač avec l’orchestre de Picardie. L’original est dans un musée de Ljubljana.

Après avoir joué, Boštjan Gombač est encore dans le bonheur de l’exploit. Parlant en anglais, il rappelle que « c’est la deuxième fois au monde que cette œuvre a été jouée en public». L’orchestre avait joué la veille à Abbeville.

Il admet que le statut de la tidldibab est contesté par certains. « Selon eux il faut trouver un second exemplaire pour confirmer sa fonction. Mais alors il faudrait une seconde pyramide de Chéops pour prouver sa fonction à elle ! »

Il est habité par la musique. « J’ai commencé par la clarinette, mais je joue plus de trois cents instruments. » Son enthousiasme en parlant de sa musique donne une dimension humaine à ce qui aurait pu être une curiosité. En tendant la main vers la distante préhistoire de la musque, il a pu toucher les oreilles d’auditeurs du temps présent.

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Le Vase des Arts

La musique Romantique poursuit son chemin à la Cité : Mendelssohn et Grieg

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L'art de la musique Romantique

La dominante Romantique de la saison musicale 2023-24 à la Cité de la Musique de Soissons, illustrée par le concert de l’Orchestre Nationale de Lille en septembre, avec Grieg et Tchaïkovski, est confirmé par celui de l’Orchestre de Chambre de Nouvelle Aquitaine, avec Mendelssohn et, encore, Grieg.

La soliste Manon Galy et le chef d’orchestre Mark Coppey

Comme pour marquer quand même une parenthèse entre les deux programmes Romantiques, et rappeler que les silences peuvent, non pas interrompre la musique mais créer des respirations dans l’écoute, le concert a commencé par Words, une très courte œuvre de la compositrice allemande contemporaine Isabel Mundry.

Ensuite, la très jeune violoniste Manon Galy, lauréate aux Victoires de la musique 2022, a remplacé Alexandra Soumm comme soliste dans trois concerts avec ce même programme, sous la direction de Mark Coppey.

Il s’agit d’un des défis auquel doit faire face tout violoniste. Le concerto de Mendelssohn met à l’épreuve sa virtuosité et sa sensibilité.

Ce qui s’est passé a été une sorte d’histoire… romantique. Manon Galy est arrivée sur scène, étincelante en lamé argent, l’air fragile, le visage fermé. Après les quelques notes qui précédent l’entrée du violon au début – une nouveauté par rapport au schéma Classique, qui veut que l’orchestre joue une introduction, comme une mini-ouverture, elle a attaqué. La cadence vers la fin du premier mouvement a été brillante, le basson et la flûte ont fait le pont et elle s’est lancée dans le mouvement lent, exaltant, contemplatif et parfois déchirant. Son visage a changé, elle s’est détendue, et avec le troisième mouvement furieusement énergétique, elle a confirmé sa maîtrise. Une réussite, et elle le savait car elle était souriante en saluant la salle et l’orchestre.

En bis, elle a osé affronter la Méditation de Thaïs de Massenet, piège pour tout musicien susceptible d’être tenté de faire pâmer la salle. Manon Galy est restée ferme, évitant toute sentimentalité, tout…romantisme, et a ému. Encore une Victoire, que le public a semblé reconnaître par son accueil.

Avant le concert la harpiste Iris Torossian prépare son instrument, noir comme sa robe.

Ce grand moment passé, les auditeurs ont pu se laisser divertir et charmer par les deux suites Peer Gynt de Grieg. Les trois « tubes » font toujours plaisir, à écouter et, dans une salle de concert, à voir, et les cinq autres pièces, moins familières, se laissent davantage connaître.

Ce double événement, et les autres concerts programmés pour la saison, proposent un long regard vers l’ère Romantique, dont les compositeurs, laissant leur inspiration, les mouvements de leurs émotions, générer les formes de leur art, bousculaient les structures plus ou moins strictes de composition des époques Baroque et Classique.(*)

(*) Admettons que les amateurs du Baroque et du Classique défendent ces structures (comme ceux qui, en poésie, préfèrent le sonnet et l’alexandrin au vers libres) en pensant qu’au lieu d’entraver la créativité elles l’éperonnent, posent un défi fécondateur au compositeur (comme au poète).

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Le Vase des Arts

Concerto et symphonie d’amis : Grieg et Tchaïkovski

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L'art de la musique Romantique

Alice Sara Ott au piano, Alexandre Bloch à la baguette, attentif l'un à l'autre

Les programmes papier de la Cité de la Musique accordent une place prépondérante à la carrière des solistes et du chef. Les œuvres font de temps de temps l’objet des excellents « guides d’écoute » rédigés par la Classe d’Analyse de Christine Paquelet au Conservatoire. Mais parfois ils contiennent une petite mise en contexte des œuvres, toujours brève, profonde, instructive – et anonyme. Pour le concert de l’Orchestre National de Lille à la Cité de la Musique, la feuille distribuée à l’entrée, à côté des noms des musiciens d’orchestre, ce qui est rare, commentent les deux œuvres à jouer, le Concerto pour piano de Grieg et la 5e Symphonie de Tchaïkovski.

Les spectateurs y apprennent que les deux compositeurs se connaissaient et s’appréciaient. Cela éveille l’oreille à une communauté d’approche entre les deux – un exercice enrichissant quand il s’agit de « tubes » classiques, si souvent entendus qu’ils risquent de devenir une musique de fond.

Soliste et chef devant le public

Ainsi, les deux œuvres ont un côté spectaculaire, en faisant pleinement appel aux capacités des musiciens. Pour le concerto, cela inclut l’exploit technique de la soliste, Alice Sara Ott, jeune et presque frêle devant son clavier. Il s’agit de l’aspect visuel d’un concert, de la possibilité pour les auditeurs de « voir » la structure d’une œuvre, à travers les gestes des musiciens, et d’apprécier leurs capacité physique à mettre en sons l’inspiration du compositeur. Le début du concerto est comme toujours extraordinaire, les percussions précédant l’entrée fracassante du piano seul.

La 5e de Tchaïkovski s’engage dans le lent passage de l’inquiétude du début, du doute, vers leur résolution finale dans la certitude.

Par ailleurs, Grieg et Tchaïkovski partagent la capacité, au milieu de passages d’intensité prodigieuse, d’inclure des thèmes capables d’inspirer chez les auditeurs un sentiment si profond que la joie et la tristesse ne s’y distinguent plus.

Après le concerto, et avant la symphonie, Alice Sara Ott a pris la parole pour présenter son « bis ». Elle a parlé du nouveau piano de la Cité, en admettant qu’il lui fallait le temps de s’y habituer, et proposant, après Grieg, « quelque chose de plus intime » : Pour Alina d’Arvo Pärt, œuvre clef de ce compositeur estonien sur son chemin du minimalisme. L’effet dans la salle a été de marquer un interlude dans une soirée de vastes mouvements et de grandes émotions et parfois, dans le cas de Tchaïkovski, admettons-le, d’emphases théâtrales. Le morceau prend quelques minutes, mais il peut durer jusqu’à dix, selon l’interprète : Alice Sara Ott a choisi la brièveté, d’autant plus éloquente dans un océan de Romantisme.


La musique de l’époque Romantique a les faveurs de la Cité de la Musique cette saison, parfois de façon rapprochée : le concert de l’Orchestre National de Lille, avec Grieg et Tchaïkovski, est suivi quinze jours après par un autre, consacré à Mendelssohn et, à nouveau, Grieg.

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Anatole Jazz Club : s’ouvrir à l’inattendu

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L'art du jazz

Né à Soissons, parti dix ans en Angleterre où il a été professeur de français, de retour juste avant le confinement Covid, Nawfel Hermi a ouvert depuis un an Platinorama, magasin de disques spécialisant dans les années ‘60 à ’80. Guitariste autodidacte, il marque une nouvelle étape en inaugurant l’Anatole Jazz Club au théâtre Saint-Médard le 5 octobre avec son quatuor, Philippe Rak au vibraphone, Stéphane Belloir batterie, Rémi Gadret basse et contrebasse.

Le jazz pour Nawfel ? « L’improvisation. Il faut s’ouvrir à l’inattendu. Il faut connaître les règles, puis se lancer. »

Rémi Gadret, responsable pour ce projet avec la compagnie Acaly, prévoit d’ici juin 2023 9 concerts, conférences et sessions jam (où les jazzmen peuvent faire connaissance et expérimenter sans cérémonie), fondant ainsi un vrai lieu où le jazz peut s’établir, s’enrichir – et enrichir la vie musicale à Soissons.

Pour Rémi comme pour Nawfel, l’improvisation, la spontanéité sont au cœur du jazz. « Mais Bach aussi était un grand improvisateur. L’écrit n’a pris tant d’importance qu’avec les grands compositeurs classiques. »

Enfin, pourquoi « Anatole » ?  C’est un code de structure (comme le « blues »), 32 mesures de type AABA, une grille basée sur « I got rhythm » de Gershwin.  Il suffit de signaler « une anatole en si bémol » et c’est parti.


Nawfel Quartet, théâtre Saint-Médard, 5 oct. Dîners-concerts à 19 et 21h.

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