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Musique

La musique s’amuse !

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L'art de l'humour musical

« Déconcerto pour un seul homme » au Mail   

D’abord le personnage, en commençant par les pieds, chaussés de derbys bicolores. Complet crème, à la veste trop longue, trop boutonnée pour être honnête. Cravate voyante à touches de clavier (sur lesquelles il jouera). Cheveux gominés au-dessus d’une bouche s’ouvrant sur un grand sourire qui bascule entre l’aimable et le moqueur. Cette ambivalence donne des couleurs à son jeu : les feux d’artifice seront toujours subordonnés à l’humour ; le clin d’œil est implicite dans chaque note. Fabrice Eulry serait à sa place dans un cabaret berlinois des années 30, à l’ambiance coquine.

Il commence par mélanger l’« Etude révolutionnaire » de Chopin et la « Marseillaise » en une savoureuse salade, où l’auditeur n’a pas le temps de compter les changements de rythme, du romantique au boogie-woogie, du jazz au ragtime. La légendaire main gauche à l’endurance épique – qui sera maintenue pendant deux heures – fournira des accompagnements sur tous les fronts, alors que la droite se baladera, parfois jusqu’aux cordes et au bois du piano, tricotant des mélodies pour faire des partitions multi-compositeurs.

Il propose un mariage spectaculaire entre la « Ronde à la turque » de Mozart et « Les copains d’abord » de Brassens, à donner le vertige aux oreilles.

La vitesse de ses doigts dépasse l’entendement, faisant du concert un exploit marathonien. Pas seulement ça : il les regarde rarement, offrant un autre récital en direction de la salle, fait de sourires, grimaces et tics. Son expression est tour à tour complice et railleuse, séduisante et effrayante (quand sa main droite l’attaque comme dans un film d’épouvante).

Une fois, ayant établi un rythme effréné au clavier, il quitte le piano, et reproduit les battements avec ses pieds et ses mains sur tout ce qu’il trouve, faisant un long tour parmi les spectateurs, avant de retrouver son instrument pour une finale tonitruante.

Il a exprimé sa gratitude : « Pour être ici j’ai renoncé au Stade de France à neuf millions d’euros ; hélas, je n’ai pas pu les réunir à temps. »

Les spectateurs étaient comme des privilégiés dans la petite salle. Le temps du spectacle c’était un cabaret, où leurs intelligence et sens de l’humour musicaux étaient à la fête.

denis.mahaffey@levase.fr

DM ajoute : Fabrice Eulry a voulu « finir en douceur » avec « Georgia on my mind ». Un secret : il m’arrive de pianoter sur les quatre accords de ce standard. Après ses feux d’artifices – et encore c’était sa version « douce » – que faire ? Rentrer et fermer le couvercle du piano à jamais ? Plutôt penser à lui en jouant, et oser quelques folies d’improvisation. Mais avec la porte close.

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