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Musique

La musique sans filtre

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L'art de la musique russe

Jacques Mercier avec le violoncelliste Gautier Capuçon.

Jacques Mercier avec le violoncelliste Gautier Capuçon.

Orchestre national de Lorraine, à la CMD

Un concert de musique russe est un peu comme une Gauloise sans filtre, dont la fumée cogne le fond de la gorge et envoie une bouffée droit au cerveau*. Certains aiment l’impact, certains ne supportent pas.

Les compositeurs russes mettent rarement un écran entre leur inspiration et les sentiments qui l’expriment. Ils n’utilisent pas les formes musicales pour créer une distance. L’auditeur est exposé directement à la force, même la violence des émotions.

Le concert de l’orchestre national de Lorraine, sous la direction de Jacques Mercier, a commencé par « Feu d’artifice » d’Igor Stravinski, explosion de couleurs comme son nom l’indique, brève comme un pétard.

Au cœur du concert, Gautier Capuçon a été le soliste du second Concerto pour violoncelle de Dimitri Chostakovitch. En trois mouvements, le violoncelle s’engage dans une longue contemplation, reflet peut-on supposer de la vie difficile d’un compositeur à l’ère soviétique, avec ses succès, échecs, agressions, compromissions et petites trahisons.

Le concerto commence par une longue note tenue sur une corde, imposant sa présence dès le début.

Après le premier mouvement lent, le deuxième utilise une vieille rengaine russe (qui aurait été chantée par la mère de Chostakovitch, vendant des petits pains dans la rue pendant la guerre). L’orchestre devient agressif, même moqueur, mais le violoncelle poursuit son chemin, tient tête. De soudains contrastes inattendus sont typiques du compositeur, tel le duo entre violoncelle et grosse caisse.

Le dernier mouvement laisse triompher le violoncelle dans une sorte de lutte finale, et le concerto finit par une autre longue note soutenue, mais qui se termine par un coup d’archet, comme un défi.

L’orchestre nous a amenés ensuite sur le terrain plus familier de « Roméo et Juliette » de Serge Prokofiev. La partition est bondissante et langoureuse, et « La mort de Juliette » a offert la pâmoison générale pour terminer la soirée.

* Non-fumeur, je fais suivre ce qu’on me raconte.

denis.mahaffey@levase.fr

Sur la page d’accueil : une partie des seconds violons de l’orchestre national de Lorraine.

DM ajoute…   Mes commentaires plutôt copieux sur le concerto de Chostakovitch émergent d’une longue fascination pour ce compositeur. Jeune élève pianiste, j’avais découvert son nom, alors que je ne connaissais que Tchaïkovski, Rimski Korsakov, et vaguement Khatchatourian. Je lisais des livres sur lui mais, faute d’argent pour acheter un disque, n’entendais jamais sa musique. Une seule fois, un quintette a été programmé à la radio. Je ne l’ai ni aimé ni pas aimé, mais l’attirance ne s’est pas amoindrie. C’était bizarre : il devait représenter un franchissement de mes horizons vers le lointain musical. Sans sa musique, je disais et redisais son nom : « Chosta-kov-itch ».
   C’est à Soissons que je viens enfin d’entendre une des ses œuvres en direct. La fascination se trouve confirmée par ce bilan d’un homme ayant pris bien des coups dans la vie, et qui en fait un constat sublime.

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