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Le sérieux de la musique légère : Boris Vian

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L'art de la chanson

« Boris Vian n’aimait pas la musique classique » a déclaré Nicolas Simon, chef d’orchestre de la Symphonie de Poche, au début d’un récital de ses chansons, Boris Vian : écumeur de nuit, à la Cité de la Musique de Soissons,.

Il aurait donc tourné le dos sciemment à quatre siècles de musiques de tous genres ? Ou incriminait-il plutôt la réputation que traîne aussi bien la musique Ancienne que Baroque, Classique que Romantique, de demander une attention soutenue, de manquer de gaîté, d’être « sérieuse ».

Car s’il y a quelque chose que refusait Boris Vian c’était de paraître sérieux. Il pratiquait la légèreté, dans la musique de ses chansons comme dans ses écrits. Colin, dans le roman L’Ecume des jours, taille ses paupières en biseau en faisant sa toilette, alors que le poumon de Chloé sert de pépinière à un nénuphar.

Mais cette légèreté de style va de pair avec le sérieux des sujets qu’il aborde, l’amour, la violence, la mort. Sur la mélodie décontractée du Déserteur il met une critique si profonde de la conscription militaire – sous forme d’une lettre d’une exquise politesse au Président de la République – que la chanson est restée interdite tout au long de la guerre d’Algérie.

Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens.

Les deux membres des Lunaisiens, ensemble spécialiste de la chanson historique et populaire, le directeur Arnaud Marzorati et la soprano Agathe Peyrat, comme les douze musiciens de la Symphonie de Poche qui les accompagnaient, ont respecté l’ambiance détendue.

Les premières notes de la soirée sont venues d’un saxhorn baryton, dérivé du saxophone, du trombone et de l’euphonium et dont le braillement a sommé l’auditoire de faire attention a ce qui suivrait. Ensuite, les instrumentistes, dont un accordéoniste, ont accompagné avec beaucoup de verve les deux chanteurs – dont les voix ont été amplifiées, alors qu’ils semblaient capables de se faire entendre dans la parfaite acoustique de la CMD.

Le baryton et la soprano ont interprété des chansons connues et moins connues de Vian, dont La complainte du progrès et La java des bombes atomiques. Au lieu de chanter Le Déserteur ils en ont récité les paroles, soulignant ainsi leur force polie mais implacable.

Un seul air n’était pas de Vian. Bertolt Brecht a écrit Surabaya Johnny, Kurt Weill en a composé la musique… et Boris Vian l’a traduite en français. Agathe Peyrat a donné une interprétation forte de cette dénonciation de la trahison d’une femme par un malfrat.

En dirigeant l’orchestre à côté des chanteurs, Nicolas Simon a déployé un art souvent associé à la musique légère : la danse. Ses hanches, ses pieds, ses épaules évoluaient constamment en harmonie avec son bâton.

Pour finir le récital, l’orchestre a lancé un arrangement digne d’une comédie musicale américaine, et Arnaud Marzorati et Agathe Peyrat ont chanté On n’est pas là pour se faire engueuler – ré-entendue en deuxième bis, devant l’enthousiasme du public.

Comme Boris Vian lui-même, la soirée a été moqueuse et grave, romantique et cynique.

Commentaires : denis.mahaffey@levase.fr

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