L’acoustique de l’auditorium de la Cité de la Musique et de la Danse à Soissons lui vaut d’être choisie pour faire des enregistrements, ajustés encore par des acousticiens. Le résultat est techniquement sans faille. Mais rien ne vaut la réalité d’être dans la salle pour le spectacle – c’est un spectacle ! – d’un orchestre dont les musiciens remplissent le plateau et qui interprètent une œuvre que les auditeurs connaissent par des enregistrements.
Léa Hennino, Sébastien Hurtaud et Arie van Beek
C’est ce qui s’est passé avec l’orchestre de Picardie, qui a joué Don Quichotte de Richard Strauss puis, ensemble avec l’orchestre polonais Philharmonie de Silésie, des extraits de Roméo et Juliette de Berlioz.
Ces œuvres sont souvent diffusées et donc facilement reconnaissables. Pourtant, c’est la présence de l’orchestre, du chef d’orchestre Arie van Beek et des deux solistes, Sébastie Hurtaud qui interprétait Don Quichotte au violoncelle et Léa Hennino son fidèle Sancho Panza à l’alto, qui donnait de l’intensité au poème de Strauss. La texture de la partition, qui prévoit même le grincement des ailes des moulins à vent que Don Quichotte, le cerveau déraillé par ses lectures de romans, prend pour des géants, est rendue visible par l’activité des différents pupitres. La densité du rôle principal a été soulignée par le fait que les autres violoncellistes ont accompagné le soliste, les archets et les doigts faisant les mêmes gestes en unisson.
Surtout, la complexité de l’interprétation reflétait le double aspect de la musique : la nature chaotique et burlesque de la folie de Don Quichotte, la tragédie de sa méprise et de sa mort, devant tout le monde, au violoncelle.
Le temps de descendre un écran des cintres, de déplacer et ajouter des chaises et pupitres, et la seconde partie du concert pouvait commencer. Le plateau s’est rempli des musiciens de deux orchestres, de Picardie et de la Philharmonia de Silésie en Pologne, pour Roméo et Juliette.
Pour mettre en valeur des images numériques visualisant les sons, les lumières se sont baissées, ne laissant éclairés que les pupitres et générant une ambiance de fosse d’orchestre à l’Opéra.
Seulement, les images de cubes, de pétales et de billes en mouvement perpétuel attiraient l’attention aux dépens des musiciens à leurs instruments. C’était comme avoir une conversation fascinante dans un café, mais éloigner le regard vers un écran de télévision sur le mur.
Marta Sandurskka de la Philharmonia et Cécile Monsinjon de l’orchestre de Picardie, harpistes pour Berlioz
Les quatre extraits, l’Introduction, la Scène d’amour, la Reine Mab et Roméo seul/Fête chez les Capulets, confirment l’éloquence du compositeur, la richesse de ses orchestrations, avec des thèmes Romantiques qui rappellent Tchaïkovski moins l’emphase. En France il est classé parmi les plus grands mais, étrangement, sa musique n’est pas programmée régulièrement. Cette année en cours, 150e anniversaire de sa mort, pourra permettre de les entendre plus souvent.
Le concert terminé, Arie van Beek, après avoir fait applaudir les divers pupitres de l’orchestre, a fait se lever, d’abord ses propres musiciens, ensuite ceux qui sont venus de la Pologne. Voilà une image émouvante de la musique qui traverse les frontières.
[Voir aussi la présentation de ce concert : Les grands auteurs en musique.]