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Le Vase des Arts

Orchestre Français des Jeunes : l’émouvant et le touchant

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L'art d'être jeune musicien

Chaque année depuis 1982– sauf en 2020 – une quarantaine de jeunes musiciens choisies par audition dans les Conservatoires de France et des pays limitrophes passent une semaine à la Cité de la Musique de Soissons. Ils y travaillent par pupitre avec une équipe de professeurs, participent à des ateliers (*) et, pour finir, donnent un concert dans le grand auditorium de la Cité, puis dans un ou deux autres villes. C’est l’Orchestre Français des Jeunes, résident en Hauts-de-France, en poursuite d’un objectif clair : habituer ceux qui apprennent un instrument dans des cours particuliers à devenir des musiciens d’orchestre. Depuis trois ans l’accent est mis sur l’apprentissage du style Classique, qu’ils doivent maîtriser sur des instruments modernes – preuve de réalisme de la part des organisateurs, car le recours à des instruments d’époque, comme par l’orchestre Les Siècles, est plutôt rare, et l’OFJ veut être réaliste.

Du 2 au 9 novembre, sous la direction de Julien Chauvin pour la troisième fois, ils ont travaillé deux œuvres, la Sérénade Haffner de Mozart et la 1ère Symphonie de Beethoven. Pour complexifier le programme et tester la capacité d’adaptation des jeunes instrumentistes, les mouvements de la Sérénade ont été joués en alternance avec des airs de concert et d’opéra de Mozart, choisis pour leur diversité, brillants, dramatiques ou tragiques, et chantés par la soprano Suzanne Jerosme.

Après cette « Première », l’OFJ allait donner deux autres concerts, au Conservatoire de Puteaux et dans l’auditorium du Louvre à Paris.

Soliste Suzanne Jerosme, chef Julien Chauvin de dos, des musiciens de OFJ.

La Sérénade, commandée par Sigmund Haffner en 1776 pour accompagner le mariage de sa fille, va bien au-delà d’une musique de circonstance, jusqu’à avoir l’impact d’une symphonie. Pour les huit mouvements, et derrière la voix puissante et souple de la soprano, les musiciens, étant donné leur âge et leur condition d’apprenants, ont montré une concentration et une intensité émouvantes.

Julien Chauvin, qui dirige tout en jouant le violon, entretient avec ses musiciens et le public une relation détendue et pleine d’humour. Après l’intervalle, les musiciens en place, leurs instruments prêts, dans le bref silence recueilli habituel avant une œuvre pour un auditoire attentif, deux voix ont poursuivi une conversation, à voix basse mais pas en susurrant. Le silence sur le plateau s’est prolongé. Le chef attendait, dos à la salle. La conversation s’est poursuivie. De petits rires étouffés sont nés parmi les auditeurs. Julien Chauvin s’est retourné et a regardé la source des échanges, mais avec le sourire (les habitués ont pu imaginer le regard noir qu’auraient lancé d’autres chefs vers les deux bavardes…)

Une autre spectatrice s’est levée enfin, est descendue jusqu’au troisième rang et a fait signe aux parleuses, sans doute seulement distraites, de suspendre leurs échanges le temps d’une symphonie.

Silence enfin. Applaudissements. Julien Chauvin a pris la parole, en pédagogue né saisissant toute occasion pour former et informer, et a parlé de l’ambiance bruyante des salles de concert au 18e siècle, des habitudes d’écoute, du fait que certains mouvements de telle composition pouvaient être bissés deux, trois, même quatre fois. Des informations historiques qui mettent en perspective les coutumes actuels.

Ensuite, la symphonie de Beethoven, sa première, bien classique en format, mais baignant déjà dans la générosité beethovienne, l’encouragement pour les auditeurs à reconnaître leur humanité commune.

L’orchestre a trouvé les ressources nécessaires pour transmettre à la fois la progression de la musique et le message humaniste qu’elle contient, jusqu’à émouvoir un public, certes déjà conquis.

Emouvantes, donc, ces prestations. Il y a avait aussi quelque chose de touchant à ce concert, en dehors de la musique mais qui fait partie de la vie de musicien d’orchestre. A la fin de chaque œuvre, il fallait bien recevoir les applaudissements nourris du public. Nous avons vu la réticence, l’incapacité même, des stagiaires à s’incliner ensemble, au même moment et au même degré d’inclinaison. Nous pouvions voir que, derrière leur musicalité qui avait ému le public, c’étaient de jeunes personnes, pas si loin de l’enfance avec ses incertitudes et maladresses.

Les applaudissements ont été d’autant plus longs et généreux.


(*) Julien Chauvin a pris la parole au début du concert pour décrire le parcours des stagiaires. Cette année un archetier est venu leur parler du développement de l’art des archets, adaptés constamment aux changements de style, mais seulement jusqu’en 1800. « Depuis, ça n’a pas bougé. »

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Exposition

Les paysages en miniature des tilleuls du bd Victor Hugo

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L'art de la photo

Comme un glacier entre deux pentes boisées

Après avoir rempli la chapelle Saint-Charles l’été dernier de photos de la guerre en Ukraine, villes dévastées, visages hantés, vies en suspens, le photographe Thierry Birrer se tourne vers d’autres vies, celles des mousses, brins d’herbe et insectes qui, inaperçus des passants pressés, occupent les tilleuls le long de l’avenue Victor-Hugo à Soissons.

Des montagnes et falaises rocheuses, fleuves, glaciers, nus ou couverts d’excroissances, d’arbustes, de forêts et fleurs, de créatures vivantes, parfois sous l’eau : c’est ce que perçoit l’œil du visiteur entrant dans la salle d’exposition du café associatif Au Bon Coin. Il faut connaître le vrai sujet pour faire le point avec le regard, se rendre compte de la réalité de son titre : Le Minuscule en Géant.

Des cherche-midi, ainsi désignés pour leur amour du soleil.

Thierry Birrer a photographié en gros plan la surface de troncs de tilleul : les surfaces rocheuses ne sont que leur écorce, la végétation consiste en petites parcelles de mousses vertes, taches créées par d’autres champignons et moisissures, brins d’herbe, de lieux de vie d’insectes. De géologiques les paysages deviennent botaniques.

Son objectif en choisissant les tilleuls de l’avenue Victor-Hugo était de montrer une vie foisonnante ignorée, selon lui, par les foules qui sont intervenues pour protester contre l’abattage de ces arbres dans le cadre d’un projet de développement municipal.

Il voyait autant les avantages de la biodiversité obtenue en plantant diverses essences d’arbre, au lieu de la monoculture du tilleul. « Certains arbres étaient malades » explique-t-il, « d’autres, on le voit, mourants. »

« J’étais choqué par la violence des propos de ceux qui voulaient protéger les tilleuls, sans avoir bien regardé ce qu’ils protégeaient. »  De petites pancartes ont été posées sur tel tronc : « J’aime mon arbre », sans que le protecteur sache en profondeur ce qu’il prétendait aimer. Alors il a pris les photos, sur lesquelles les arbres révèlent le riche habitat qu’ils constituent, comme un geste pédagogique.

Comme sous l’eau : anémone de mer et algues

L’exposition est un voyage de découverte de la vie qui se cache dans le minuscule. C’est un voyage que Thierry Birrer a pris depuis de longues années.

La Ville envisage déjà de transférer l’exposition vers le centre social Saint Crépin, avec 15 images, alors que seules 12 ont trouvé place au Bon Coin. Un autre projet est d’imprimer les photos sur de l’aluminium laqué et de les exposer pour la Fête du Quartier le 24 juin. « Comme ça elles peuvent rester dehors. » Comme les arbres auxquels elles rendent hommage.

Le minuscule en géant, Bon Coin jusqu’au 31 mars.


Paroles d’Ukraine, l’exposition de Saint-Charles, agrandie en nombre de photos et de tableaux de l’artiste Lesia Babliak, est installée dans l’église Saint-Bernard de Reims jusqu’au 15 avril.

[Cet article paraît dans le n°352 du Vase Communicant.]

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Le Vase des Arts

Boieldieu et Mozart : les deux parties d’un concert

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L'art de la harpe et de la flûte

Il n’est jamais facile de faire la première partie d’un concert, rock, chanson ou baroque, peu importe, quand une superstar est programmée après l’entracte. Celui qui le précède aura beau avoir du talent, être un honnête créateur, posséder son propre charisme, le public attendra la tête d’affiche pour être époustouflé et ému.

Réuni chaque année pour un concert à la Cité de la Musique à Soissons, l’Ensemble Orchestral de la Cité comprend des professeurs de Conservatoire et d’Ecoles de Musique départementales jouant aux côtés de musiciens de l’orchestre Les Siècles, cette fois sous la direction du chef anglais Harry Ogg. Rappelons que cette disposition reflète l’intention du Département de nourrir des échanges transversaux dans la vie musicale publique.

Au programme, quatre œuvres par deux compositeurs, une ouverture et un concerto de chacun.

D’abord, l’ouverture du Calife de Baghdad et le Concerto pour harpe et orchestre de François-Adrien Boieldieu, un compositeur que le public de la CMD aura eu peu d’occasions d’entendre. Sa musique est irréprochable, tout en étant plus révélatrice des styles, structures et caractéristiques musicaux de son époque que d’une capacité créatrice unique.

Le concerto offre cependant un plaisir particulier, intense et inhabituel, en faisant de la harpe l’instrument soliste, au lieu de la reléguer à son rôle souvent décoratif, réduit à de brefs passages pour ajouter ses tintements en cascade à ce qui se joue ailleurs. La harpiste Valeria Kafelnikov se charge de ce rôle de vedette de son instrument, de passages complexes en cadences éblouissantes. C’est un exploit, de dominer à tout un orchestre avec un instrument connu surtout pour sa délicatesse discrète.

Après l’entracte, l’Ensemble passe à Mozart, avec l’ouverture de l’Enlèvement au sérail et le Concerto pour harpe et flûte, et la différence entre l’artisan et l’artiste, entre l’application et l’envol, apparaît. Mozart est de vingt ans l’aîné de Boieldieu, mais a des airs de jeune rebelle à ses côtés.

Il ne bouscule pas les usages du Classique, il les détourne à sa convenance. Jamais une tournure n’évolue comme l’oreille l’attend, Il se lance dans une mélodie comme une comptine d’enfant, mais l’élabore, la complexifie, crée la surprise en partant sur une voie inattendue. Inattendue ? Une spécialité de Mozart est d’introduire une tournure surprenante mais dont les notes sonnent aussitôt comme inévitables.

Après l’ouverture, pleine d’entrain et de trouvailles, Valeria Kafelnikov est rejointe devant l’orchestre par Gionata Sgambaro, qui se trouve être – à la surprise de ceux qui ne connaissaient pas sa carrière de soliste – un des flûtistes des Siècles.

Le Concerto est très connu mais, comme toujours, l’entendre en direct et en regardant les instrumentistes aiguise l’écoute, révèle l’orchestration par la simple vue des musiciens prenant et déposant leurs instruments. Le mouvement lent, avec sa conversation entre harpe et flûte, n’est jamais moins que sublime, et offre le spectacle fascinant des deux solistes réagissant l’un à l’autre, se retrouvant, se séparant, se fondant.

 

Les solistes partis au milieu des applaudissements, le jeune chef Harry Ogg propose, en bis, la simple reprise de l’ouverture de l’Enlèvement au sérail. L’Ensemble Orchestral de la Cité a pu montrer son homogénéité et c’est, après tout, l’objectif recherché.

Un commentaire ? : denis.mahaffey@levase.com

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Histoire

Auguste Hiolin, sculpteur soissonnais

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L'art du statuaire

Monument de la pl. de la République à Soissons (photo de P. Ponsart-Ponsart)

L’homme de lettres Pascal Ponsart-Ponsart, de la Société Régionale Historique de Villers-Cotterêts, donnera une conférence sur le sculpteur Louis-Auguste Hiolin au Musée de Soissons le 1er mars.

Louis-Auguste Hiolin est né en 1846 à Septmonts, est mort à Silly-la-Poterie près de La Ferté-Milon en 1910, et est enterré à Septmonts. La conférence de Pascal Ponsart-Ponsart présente sa vie, ses études, sa carrière, ses succès, ses contemporains.

Artisan compétent et appliqué, sa période de célébrité a été brève, et il tient peu de place dans l’histoire de l’art. Cependant, les habitants de Soissons et de ses alentours peuvent croiser ses œuvres tous les jours, sans pouvoir identifier leur auteur. Voici l’occasion de le connaître.

Auguste Hiolin avec la maquette de la statue de Jean Racine enfant

Devenu maçon comme son père à la carrière Lévêque sur les hauteurs de son village natal, il a montré des dons pour le travail de la pierre, a étudié aux Beaux-Arts, et a eu une carrière de « statuaire », c’est-à-dire de sculpteur de statues pour les monuments et bâtiments.

Il n’a pas connu la gloire des grands sculpteurs comme Rodin ou David d’Anger, qui ont atteint une vision plus profonde de leurs sujets ; l’œuvre de Hiolin serait, selon le conférencier, trop académique, trop « Troisième République » ; mais sa « sobriété austère » a été admirée, et il a été très sollicité.

Il a réalisé la statue de Jean Racine enfant au chevet de l’église de La Ferté-Milon, celle de Viollet-le-Duc habillé en Saint Jacques à l’entrée de la chapelle du château de Pierrefonds, et surtout les statues pour le monument de la Défense Nationale sur la place de la République à Soissons : la Génie de la Patrie en bronze au sommet, la figure allégorique de la Ville, et le Défenseur mourant en pierre.

Il était spécialiste de portraits sur médaillons, en a même réalisé un pour orner la tombe de son père à Septmonts. En s’y rendant, Pascal Ponsart-Ponsart s’est aperçu que le médaillon a disparu.

La conférence aidera à comprendre l’empreinte laissée par Hiolin sur la vie publique, de Soissons et ailleurs.


Louis-Auguste Hiolin, sculpteur soissonnais (1846-1910), conférence de Pascal Ponsart-Ponsart. 1er mars à 18h au Musée Saint-Léger. Renseignements et inscriptions : 03 23 59 91 20 ou musee@ville-soissons.fr

Pascal Ponsart-Ponsart, né à Charleville-Mézières, a été marionnettiste, formé au métier des « comédiens de chiffon » à Prague, avant de faire carrière dans la fonction publique à Paris, tout en gardant son intérêt pour le théâtre.
En achetant une maison de campagne dans l’Aisne en 1994, il a été sollicité par les habitants de son village pour les faire jouer. Le Petit Théâtre de Montgobert a été fondé en 2013. Il y est metteur en scène, acteur, et il a écrit plusieurs pièces, notamment pour une collaboration avec le musée Racine de La Ferté-Milon, dont il a été vice-président.
Depuis la retraite il vit à Saint-Pierre-Aigle, où il prépare à présent deux livres d’histoire locale.

[Une version abrégée de cet article paraît dans le Vase Communicant n° 350.]

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