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Musique

Sylvie tourne la page

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La voie de l'engagement

Le premier d’une série de portraits retraçant la voie
qui a mené à un fort engagement dans une cause, activité ou action

 

Deux lignes avant la fin de la page, elle se lève. A deux mesures avant la fin de la dernière ligne, elle tourne la page. C’est la règle générale ; Sylvie Pommerolle sait que chaque pianiste a ses préférences, qu’elle doit apprendre avant un concert. « Certains donnent un signe de tête, d’autres tournent la page eux-mêmes pendant un passage d’orchestre. D’autres me laissent tout faire. »

Elle est « tourneuse de pages ». Pendant la dernière saison de la Cité de la Musique et de la Danse, elle l’a fait pour Kit Armstrong, Jean-Jacques Heisser et Elisabeth Leonskaya.

Mais cette activité – bénévole – n’est qu’un détail de son parcours musical. Sylvie est pianiste. Née à Soissons, elle apprend le piano à l’Ecole de musique qui va devenir le Conservatoire. « J’aurais pu continuer à Paris, mais étant d’un milieu populaire je suis allée à l’Ecole normale pour devenir institutrice. »

 

Sylvie Pommerolle avec Jean-François Heisser au piano pour les quatuors de Brahms.

Sylvie Pommerolle avec Jean-François Heisser au piano pour les quatuors de Brahms.

En se racontant, Sylvie, loin de ne parler que d’elle-même, a beaucoup à dire sur ceux qu’elle a croisés dans sa vie (« J’ai joué à quatre mains avec Jean-Michel Verneiges » – plus tard directeur de l’Adama, organisme départemental de promotion des activités musicales). Le piano n’est jamais devenu un écran entre elle et le monde, mais une fenêtre grand ouverte.

Militante de l’association ADT Quart Monde, elle suit une formation à Reims pour s’occuper d’enfants avec une déficience intellectuelle. Dans son premier poste à Presles elle pratique les idées Freinet de libre expression, travail par projets, enseignement centré sur l’enfant et non pas sur la matière.

Elle partage ensuite un poste avec son mari Régis à Villeneuve-Saint-Germain, et chacun reprend une formation, lui agricole, elle musicale à l’Ecole Martenot à Paris. Elle y apprend à utiliser la relaxation, le « chant intérieur » pour donner envie d’apprendre. La méthode dissèque le mouvement des doigts pour affiner le toucher. Sylvie démontre sur la table « le tiroir », geste pour faire avancer et reculer les mains, et le « jeu roulé », mouvement de bascule.

En 1987 elle quitte l’Education nationale et, au gré des occasions et des budgets communaux, travaille comme « professeur de formation musicale » notamment pendant vingt ans à Braine et dix ans à Vic-sur-Aisne. Elle vient de prendre sa retraite.

Sylvie a voulu faire s’interpénétrer la musique et d’autres formes d’expression. Depuis cinq ans, le collectif « Résonances » crée des spectacles où des artistes peignent en osmose avec elle au piano. Le maniement des couleurs sur la musique torrentielle de Ligeti, comme à l’abbaye Saint-Léger en 2012, entend faire tomber les cloisonnements mentaux des spectateurs. A présent Sylvie songe à un spectacle sur l’artiste Charlotte Salomon, accompagné par des lieder de Schubert.

Après avoir tourné la page de l’enseignement, elle continuera à tourner celles des partitions. Pour l’intégrale des quatuors de Brahms de 2015, elle a répété longuement avec les musiciens, réunis pour la première fois. « Même entre les séances Jean-Jacques Heisser refaisait des passages, une vraie bête de scène. C’était sportif ! »

[Ce portrait paraît dans le n° 213 du Vase Communicant du 3 octobre 2016.]

denis.mahaffey@levase.fr

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Le Vase des Arts

La musique Romantique poursuit son chemin à la Cité : Mendelssohn et Grieg

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L'art de la musique Romantique

La dominante Romantique de la saison musicale 2023-24 à la Cité de la Musique de Soissons, illustrée par le concert de l’Orchestre Nationale de Lille en septembre, avec Grieg et Tchaïkovski, est confirmé par celui de l’Orchestre de Chambre de Nouvelle Aquitaine, avec Mendelssohn et, encore, Grieg.

La soliste Manon Galy et le chef d’orchestre Mark Coppey

Comme pour marquer quand même une parenthèse entre les deux programmes Romantiques, et rappeler que les silences peuvent, non pas interrompre la musique mais créer des respirations dans l’écoute, le concert a commencé par Words, une très courte œuvre de la compositrice allemande contemporaine Isabel Mundry.

Ensuite, la très jeune violoniste Manon Galy, lauréate aux Victoires de la musique 2022, a remplacé Alexandra Soumm comme soliste dans trois concerts avec ce même programme, sous la direction de Mark Coppey.

Il s’agit d’un des défis auquel doit faire face tout violoniste. Le concerto de Mendelssohn met à l’épreuve sa virtuosité et sa sensibilité.

Ce qui s’est passé a été une sorte d’histoire… romantique. Manon Galy est arrivée sur scène, étincelante en lamé argent, l’air fragile, le visage fermé. Après les quelques notes qui précédent l’entrée du violon au début – une nouveauté par rapport au schéma Classique, qui veut que l’orchestre joue une introduction, comme une mini-ouverture, elle a attaqué. La cadence vers la fin du premier mouvement a été brillante, le basson et la flûte ont fait le pont et elle s’est lancée dans le mouvement lent, exaltant, contemplatif et parfois déchirant. Son visage a changé, elle s’est détendue, et avec le troisième mouvement furieusement énergétique, elle a confirmé sa maîtrise. Une réussite, et elle le savait car elle était souriante en saluant la salle et l’orchestre.

En bis, elle a osé affronter la Méditation de Thaïs de Massenet, piège pour tout musicien susceptible d’être tenté de faire pâmer la salle. Manon Galy est restée ferme, évitant toute sentimentalité, tout…romantisme, et a ému. Encore une Victoire, que le public a semblé reconnaître par son accueil.

Avant le concert la harpiste Iris Torossian prépare son instrument, noir comme sa robe.

Ce grand moment passé, les auditeurs ont pu se laisser divertir et charmer par les deux suites Peer Gynt de Grieg. Les trois « tubes » font toujours plaisir, à écouter et, dans une salle de concert, à voir, et les cinq autres pièces, moins familières, se laissent davantage connaître.

Ce double événement, et les autres concerts programmés pour la saison, proposent un long regard vers l’ère Romantique, dont les compositeurs, laissant leur inspiration, les mouvements de leurs émotions, générer les formes de leur art, bousculaient les structures plus ou moins strictes de composition des époques Baroque et Classique.(*)

(*) Admettons que les amateurs du Baroque et du Classique défendent ces structures (comme ceux qui, en poésie, préfèrent le sonnet et l’alexandrin au vers libres) en pensant qu’au lieu d’entraver la créativité elles l’éperonnent, posent un défi fécondateur au compositeur (comme au poète).

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Le Vase des Arts

Concerto et symphonie d’amis : Grieg et Tchaïkovski

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L'art de la musique Romantique

Alice Sara Ott au piano, Alexandre Bloch à la baguette, attentif l'un à l'autre

Les programmes papier de la Cité de la Musique accordent une place prépondérante à la carrière des solistes et du chef. Les œuvres font de temps de temps l’objet des excellents « guides d’écoute » rédigés par la Classe d’Analyse de Christine Paquelet au Conservatoire. Mais parfois ils contiennent une petite mise en contexte des œuvres, toujours brève, profonde, instructive – et anonyme. Pour le concert de l’Orchestre National de Lille à la Cité de la Musique, la feuille distribuée à l’entrée, à côté des noms des musiciens d’orchestre, ce qui est rare, commentent les deux œuvres à jouer, le Concerto pour piano de Grieg et la 5e Symphonie de Tchaïkovski.

Les spectateurs y apprennent que les deux compositeurs se connaissaient et s’appréciaient. Cela éveille l’oreille à une communauté d’approche entre les deux – un exercice enrichissant quand il s’agit de « tubes » classiques, si souvent entendus qu’ils risquent de devenir une musique de fond.

Soliste et chef devant le public

Ainsi, les deux œuvres ont un côté spectaculaire, en faisant pleinement appel aux capacités des musiciens. Pour le concerto, cela inclut l’exploit technique de la soliste, Alice Sara Ott, jeune et presque frêle devant son clavier. Il s’agit de l’aspect visuel d’un concert, de la possibilité pour les auditeurs de « voir » la structure d’une œuvre, à travers les gestes des musiciens, et d’apprécier leurs capacité physique à mettre en sons l’inspiration du compositeur. Le début du concerto est comme toujours extraordinaire, les percussions précédant l’entrée fracassante du piano seul.

La 5e de Tchaïkovski s’engage dans le lent passage de l’inquiétude du début, du doute, vers leur résolution finale dans la certitude.

Par ailleurs, Grieg et Tchaïkovski partagent la capacité, au milieu de passages d’intensité prodigieuse, d’inclure des thèmes capables d’inspirer chez les auditeurs un sentiment si profond que la joie et la tristesse ne s’y distinguent plus.

Après le concerto, et avant la symphonie, Alice Sara Ott a pris la parole pour présenter son « bis ». Elle a parlé du nouveau piano de la Cité, en admettant qu’il lui fallait le temps de s’y habituer, et proposant, après Grieg, « quelque chose de plus intime » : Pour Alina d’Arvo Pärt, œuvre clef de ce compositeur estonien sur son chemin du minimalisme. L’effet dans la salle a été de marquer un interlude dans une soirée de vastes mouvements et de grandes émotions et parfois, dans le cas de Tchaïkovski, admettons-le, d’emphases théâtrales. Le morceau prend quelques minutes, mais il peut durer jusqu’à dix, selon l’interprète : Alice Sara Ott a choisi la brièveté, d’autant plus éloquente dans un océan de Romantisme.


La musique de l’époque Romantique a les faveurs de la Cité de la Musique cette saison, parfois de façon rapprochée : le concert de l’Orchestre National de Lille, avec Grieg et Tchaïkovski, est suivi quinze jours après par un autre, consacré à Mendelssohn et, à nouveau, Grieg.

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Anatole Jazz Club : s’ouvrir à l’inattendu

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L'art du jazz

Né à Soissons, parti dix ans en Angleterre où il a été professeur de français, de retour juste avant le confinement Covid, Nawfel Hermi a ouvert depuis un an Platinorama, magasin de disques spécialisant dans les années ‘60 à ’80. Guitariste autodidacte, il marque une nouvelle étape en inaugurant l’Anatole Jazz Club au théâtre Saint-Médard le 5 octobre avec son quatuor, Philippe Rak au vibraphone, Stéphane Belloir batterie, Rémi Gadret basse et contrebasse.

Le jazz pour Nawfel ? « L’improvisation. Il faut s’ouvrir à l’inattendu. Il faut connaître les règles, puis se lancer. »

Rémi Gadret, responsable pour ce projet avec la compagnie Acaly, prévoit d’ici juin 2023 9 concerts, conférences et sessions jam (où les jazzmen peuvent faire connaissance et expérimenter sans cérémonie), fondant ainsi un vrai lieu où le jazz peut s’établir, s’enrichir – et enrichir la vie musicale à Soissons.

Pour Rémi comme pour Nawfel, l’improvisation, la spontanéité sont au cœur du jazz. « Mais Bach aussi était un grand improvisateur. L’écrit n’a pris tant d’importance qu’avec les grands compositeurs classiques. »

Enfin, pourquoi « Anatole » ?  C’est un code de structure (comme le « blues »), 32 mesures de type AABA, une grille basée sur « I got rhythm » de Gershwin.  Il suffit de signaler « une anatole en si bémol » et c’est parti.


Nawfel Quartet, théâtre Saint-Médard, 5 oct. Dîners-concerts à 19 et 21h.

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