Benoît Devos à gauche, Xavier Bouvier à droite
Leurs corps de rêve nous avaient fait plus rire que rêver dans « In slips », spectacle de clôture de « VO en Soissonnais » 2011. Xavier Bouvier et Benoît Devos d’Okidok sont revenus de leur Belgique au Mail avec « Ha Ha Ha », leur plus grand succès et la première production de la compagnie. Laissant tomber les slips démesurément amples, ils portent des costumes de clown, mais que la couleur écru rend poétiques, loin des tons criards des clowns de cirque.
Clowns, ils se chamaillent donc, se défient du début à la fin. Le clown de Benoït Devos (« Benokidok » pour les courriels), cheveux en émeute, sourcils étonnés, est prêt à tout, plus par inconscience que par audace. Celui de Xavier Bouvier (« Xavokidok ») n’a guère de cheveux à se dresser, et il est plus hésitant, inquiet et fourbe. On pourrait les nommer « J’y-vais » et « Y-vais-je ? ».
Acrobates quand il le faut, vainquant ou vaincus par l’obstination des objets, ils font penser que le langage des clowns est celui des enfants dans un corps adulte. Pour expliquer l’extravagance des gestes, des émotions exprimées, l’écrivain québécois Marc Doré trouve que le jeu de clown « c’est comme une chaussette virée, tout est dehors »*.
J’y-vais y ira-t-il ?
Des spectateurs ont trouvé plusieurs séquences familières. Xavidok rappelle que « les séquences de « Ha ha ha » sont originales et propres à ce spectacle ». Il doit s’agir d’un inconscient collectif de clownerie : face à une porte battante, un clown ne peut que la prendre dans la figure, et à nouveau, et à nouveau.
L’avion « Ha ha ha » finit par un atterrissage d’une incroyable douceur. De rappels en bouts de jeu, les clowns restent sur scène, et finissent allongés devant les plus jeunes spectateurs, à discuter, à signer des autographes, alors que le public des adultes se dirige vers les sorties. Pour une fois, J’y-vais et Y-vais-je ? y vont ensemble.
* Variations sur le clown et le bouffon, Dramaturges éditeurs, Montréal 2016.
denis.mahaffey@levase.fr