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Théâtre

La mort d’un clown : une double transgression

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L'art de mourir en scène

Les clowns transgressent les règles de la bienséance.

Le clown Emma joue sa mort sur scène dans « Emma mort ». Son nouveau spectacle est venu au théâtre du Mail sous les auspices de l’association Jalmalv, dont les membres accompagnent les personnes en fin de vie ou gravement malades, ou en deuil après la mort d’un proche.

Un autre objectif de Jalmalv est de sensibiliser la société à « la réalité de la mort », ce sujet que la société tend à se cacher sous des termes tels que « il nous a quittés » ou « elle est partie ». Les gens ne meurent que rarement chez eux dans leur lit, entourés des proches. La mort est devenue un secret, presque honteux.

Emma amplifie le message que la mort est une réalité à laquelle il vaut mieux faire face, avec humour si possible. Elle traverse les étapes, en commençant par écrire son testament. Comme elle est sur scène, elle interroge le public, et lègue la plupart de ses affaires, tout d’abord sa table et sa chaise, à « Marine au premier rang ». Edith, la voisine de Marine, hérite de la rate et des reins.

Emma tracte son cercueil sur le plateau, et s’en sert comme placard, coffre, refuge et cercueil. Le symbolisme est fort, se situant même de l’autre côté de la mort, et sa présence implacable a dérangé au moins une spectatrice.

Emma en chaman

Elle lance une séance de chamanisme, vêtue d’une inénarrable cape faite de chiens… en peluche, qui finissent par la chasser avec leurs aboiements féroces. « Etre mangée par les chiens, c’est affreux. Les loups, c’est plus noble. » La mort est grave, mais Emma fait rire à son sujet.

Les clowns, avec leur corps et leur visage d’adultes, commettent toutes les maladresses physiques des enfants, la démarche biscornue, les grimaces, l’absence de toute retenue. Ils nous montrent comment nous aurions été si nous avions gardé toute l’extravagance innocente d’un enfant à l’âge adulte.

Meriem Menant après le spectacle : seul le chapeau la lie à Emma.

Ils transgressent les règles de la bienséance par leur comportement. La mort, ce passage de l’être au non-être, est autant une transgression, celle du désir de survie. Seule l’acceptation de la mort la fait rentrer dans les rangs.

Emma admet les circonstances dans lesquelles elle voudrait trépasser. Il est question de bois, de flocons de neige. Le plateau s’assombrit, la neige commence à tomber des cintres. Et Emma part doucement au fond, en silence, comme une ombre. Elle était là, elle n’y est plus.

A la sortie du théâtre, des membres de Jalmalv attendent les spectateurs, comme pour prolonger la conscience de ce doux passage.

denis.mahaffey@levase.fr

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