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Théâtre

En avoir honte : l’Arcade se prépare

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L'art de la prise de contact au théâtre

Vincent Dussart dirige Xavier Czapla et Juliette Coulon.

« Un petit plus de mordant, Juliette. » Vincent Dussart, metteur en scène de la compagnie de l’Arcade, aide la comédienne Juliette Coulon dans ses premiers contacts avec le texte de « Je ne marcherai pas sur tes pas ». Trois sociologues, un homme et deux femmes, attendent dans un couloir. Ils seront vaccinés avant un voyage d’étude au Togo. Ils font connaissance, premier pas de ce voyage qui sera non seulement géographique mais, surtout, vers l’intérieur, là où la honte de chacun – honte de ne pas être à la hauteur, honte d’exister, honte de ses origines – s’intensifiera, se mêlera à leurs relations, les déstabilisera.Au sujet de la pièce commandée à Alexandra Badea, Vincent Dussart écrit « Chacun touche les ressorts de sa honte, chacun essaie de nommer pour soi-même sa blessure, cette blessure qui ne se referme pas, cette blessure qui empoisonne, qui nuit, qui abîme. Pour soi-même jamais face à l’autre. Le masque ne doit surtout pas tomber. Le masque protège, il devient une arme. Et pourtant l’être s’effondre et peut ensuite se reconstruire, retrouver un deuxième souffle, un nouvel élan de vie. »Ceux qui ont suivi le travail de l’Arcade pendant ses deux résidences à Soissons reconnaîtront les préoccupations ancrées dans ses spectacles et ateliers : le manque intérieur qui fait que l’amour de l’autre n’est qu’une tentative de s’en accaparer et s’en remplir ; le besoin de reconnaissance – « Regardez-moi ! » – qui reflète le même vide. La honte, qui creuse un trou dans l’être, est abordée dans la même perspective.Vincent Dussart a voulu une démarche à multiples facettes pour étudier la question. L’Arcade, le Mail et l’université Lille 2 Droit et Santé ont créé un « incubateur artistique » pour engager des recherches sur la honte. « C’est curieux » remarque-t-il « l’étude de la honte n’existait pas. Rien n’avait été fait. « La honte ? » me disait-on, presque comme si l’on avait un peu honte… »

Le compositeur Roman Bestion

Le travail de recherche a commencé en janvier dernier, et Alexandra Badea a livré la pièce en juillet. Cette semaine a eu lieu au Mail une première prise en main du texte, donnant l’occasion d’esquisser la scénographie de Frédéric Cheli et la musique électronique de Roman Bestion. Xavier Czapla et Juliette Coulon jouent deux des sociologues, la chorégraphe France Hervé occupe la chaise de la troisième.Ceux qui ne se rendent pas compte de l’envergure d’une production théâtrale pourraient penser que les acteurs ainsi réunis, texte à la main, apprendront leurs répliques, que le metteur en scène leur apprendra comment les dire et où se mettre pour le faire, que les lumières seront réglées, le décor monté – et hop ! trois semaines après c’est la première devant le public.Cette coproduction avec le Mail a encore un long chemin à courir après les premiers tâtonnements sur scène. « Je ne marcherai pas sur tes pas » est programmé pour novembre 2018.Ce projet adhère aux valeurs de l’Arcade, en soulevant et élucidant des complexités à la fois individuelles et sociétales. « Nous n’existons pas, nous coexistons » est un credo de l’Arcade, qui « défend un théâtre humaniste, de texte, qui questionne la construction de l’individu et les conceptions de l’homme telles qu’elles traversent l’histoire du théâtre, l’homme pris dans ses interactions avec l’autre, le couple, la société, la famille. »Un processus trop intellectuel ? Sur scène, où les comédiens jouent et rejouent (« répètent ») quelques répliques, tout questionnement est traduit en langage de théâtre corporel, intonations, gestes, sensations.En avant-propos du dossier de la pièce, Vincent Dussart propose un texte sur un événement qui a pu être la genèse de sa réflexion.

Tu es un petit garçon, un peu différent, plus féminin que les autres, peut-être. Tu es adossé contre le mur du collège. C’est le grand jour, le jour de la rentrée. Tu t’es habillé avec soin. Tout a été minutieusement pensé depuis des jours déjà. Ta tenue, ta posture contre ce mur, tout est fait pour cacher ta peur, pour remplir le trou qui s’ouvre dans ton ventre.

Tu es adossé contre le mur, une jambe repliée, le pied droit en contact. Il te faut multiplier les contacts de ton corps avec l’espace, afin de sentir que tu es bien là. Tu penses que tu as l’air cool. Et il s’approche de toi, celui qui va devenir ton bourreau…

Tu l’aperçois de loin. Et tu l’aimes déjà.

Il s’approche de toi. Et tu l’aimes déjà.

Il se colle à toi. Et tu l’aimes déjà.

« C’est combien, une petite pute comme toi ? »

Tu ne sais pas quoi dire. Tout s’effondre à l’intérieur de toi. Mais le mur tient ton corps qui se vide. Le trou se creuse en toi, et enfle. Et tu voudrais disparaitre dans ce trou. Ne plus être. Ne jamais avoir été.

Le mur tient encore. Ne surtout pas t’en détacher. Attendre. Attendre que les regards se détournent.

Attendre d’avoir complètement disparu et à ce moment-là bouger, s’en aller. Et tenir.

Il me semble avoir été nourri à la honte.

denis.mahaffey@levase.fr

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Le Vase des Arts

L’Arcade et la famille : vies abîmées

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L'art du théâtre qui commente

Entre deux répétitions, quelques carrés noirs avaient été ajoutés au revêtement tout blanc de la scène du Mail à Soissons, reproduisant ainsi le sol visible sur la grande photo suspendue sur la toile de fond du plateau. L’image montre, devant une grande cheminée de ferme, un jeune enfant vêtu de blanc entouré de trois hommes, dont deux tiennent debout, par les pattes de devant, un daim mort. Voir le carrelage du sol de la pièce s’étendre sur le plateau créé un malaise flou, comme si le gibier mort, les adultes joviaux et l’enfant souriant vers l’appareil photo sortaient du cadre, empiétant sur l’espace de jeu des comédiens. Autopsie d’une photo de famille est en répétition.

Xavier Czapla et Patrice Gallet

La compagnie de l’Arcade, en résidence au Mail, occupe la grande salle pour les quinze jours précédant la création de son nouveau spectacle, en coproduction avec le Mail. La Première aura lieu le mardi 7 novembre.

Depuis sa première résidence en 2009, l’Arcade ausculte ce qui se passe dans une famille, ce réseau d’influences, de résistances, d’amour et de haine, où les places sont assignées de génération en génération. Lentement mais sûrement, d’année en année,  la compagnie de Vincent Dussart a fait son diagnostic, en convoquant le grand public et le public scolaire à prendre part dans des enquêtes, interventions, spectacles.

Cette fois, sur des textes autobiographiques de Gregory Delacourt et Pierre Creton, elle se tourne vers l’aspect le plus enfoui : l’abus sexuel d’enfants.

En deux parties, l’une chorale, l’autre une série de questionnements à deux, la pièce utilise ces procédés théâtraux pour sonder deux situations. Il n’y ni reconstitution ni image naturaliste ni débordement émotionnel, mais un commentaire clair sur une situation que même les victimes, enfermées dans le noir par leur jeunesse, ne peuvent pas détailler, même devenus adultes. Qu’est-ce qui s’est vraiment passé entre les grands et le petit de la photo, apparemment sans histoire, pour que sa vie soit durablement gâchée ? Comment trouver ce qui a traumatisé l’autre enfant, à la bonne bouille, jusqu’à le convaincre de n’être qu’un déchet ? Les deux hommes ne savent pas quelles ont été les racines de ce qui a les a endommagés ?

L’indicible ne se dit ni s’entend pas, mais au théâtre il peut se présenter, se commenter, ce qui brise déjà une barrière.

Vincent Dussart intervient devant le plateau.

Pendant les répétitions sur la scène éclairée devant la salle noire, comme quand le public la remplira dans quelques jours, Vincent Dussart dirige de son poste monté parmi les fauteuils. Parfois il descend, s’appuie contre le bord du plateau, et donne des indications aux acteurs, en mots et en gestes. Il demande à Patrice Gallet, engoncé dans un fauteuil, de mettre les mains derrière la tête, pour souligner sa détente. L’attention au détail est méticuleuse.

Les sept acteurs sont Guillaume Clausse, Juliette Coulon, Xavier Czapla, Sylvie Debrun, Patrice Gallet, France Hervé et Elodie Wallace. Leurs costumes, la scénographie, dépouillée, avec des meubles mystérieusement emmitouflés : tout donne à penser que, quelques jours plus tard – le compte à rebours est presque accompli – des acteurs sensibles et réfléchis, guidés par un metteur en scène capable de gérer un tel sujet, mettront le public en présence de l’épouvante, mais en le préservant par l’intermédiaire protecteur du théâtre.


Théâtre du Mail, 7 novembre à 20h

DM ajoute : Il vaut mieux qu’un critique déclare un intérêt personnel. En 2009 l’Arcade est arrivée à Soissons et j’ai rencontré Vincent Dussart. L’une des premières activités a été d’organiser des « ateliers » pour permettre aux intéressés d’explorer certains thèmes par le biais du théâtre. Le premier concernait « l’état tragique ». « Je peux passer ? » j’ai demandé à Vincent, pensant à un petit article pour un quotidien local. D’un ton ferme il répond « On ne PASSE pas par mes ateliers ; on y participe ou on ne participe pas. » J’ai participé, et découvert ce qui a largement dépassé le cadre d’un « petit article » : la compréhension des ressources personnelles dans lesquelles un comédien plonge pour « jouer », les sensations corporelles qui lui serviront pour « devenir » un personnage. Ce premier atelier traitait du l’insécurité créée par un manque d’amour qui fait qu’on cherche dans une autre de quoi combler cette absence. L’échec inévitable crée la tragédie. Phèdre de Racine, Hercule de Sénèque : déçus, ils se retournent contre l’être aimé.

J’ai suivi, fréquenté l’Arcade ; j’ai connu et aimé ses comédiens ; je l’ai suivie en écriture. J’aborde cette création dans l’espoir que mes attentes de spectateur, de camarade, de critique de théâtre seront richement satisfaites, qu’en voyant Autopsie d’une photo de famille je deviendrai un peu plus humain.

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Le Vase des Arts

L’Arcade : le mal de famille

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L'art d'enquête par théâtre

Les comédiens de l'Arcade au milieu des employés de Sève

Sous une pluie matinale les employés de Sève, fabricant de mobilier à partir de bois recyclé, arrivent et bavardent avant de prendre le travail. Un homme en noir fait irruption, crie « Il y a quelqu’un ? » Les ouvriers le regardent, sans rien dire. Il crache une litanie de reproches envers sa famille. Toujours aucune réaction, mais quelques spectateurs échangent un regard.

Spectateurs ? C’est un comédien, et il lance ainsi un bref spectacle surprise intitulé Chère famille ! Trois membres de la compagnie de l’Arcade, en résidence au Mail, Nathalie Yanoz, Anatole du Buysson et Vincent Dussart (l’homme en noir) présentent une série de saynètes dans lesquelles les personnages déversent leurs ressentiments, se querellent, se menacent, parfois, se rapprochent. Le sujet ? Les relations familiales.

Une mère, un fils : Nathalie Yanoz, Anatole du Buysson

Vincent Dussart, aussi directeur artistique de l’Arcade, explique l’origine du mini-spectacle. « A chaque fois que nous créons un spectacle sur plateau, comme Autopsie d’une Photo de Famille en novembre » sur deux hommes qui cherchent les racines de ce qui a abîmé leur vie « nous faisons aussi un petit format, qui permet la médiation avec le public, l’encourage à venir nous voir sur scène. »

Une jeune femme attend un enfant, et en jubile : elle sera une mère parfaite, et prendra sa revanche enfin sur sa mère. Un homme reproche à son fils adulte d’accepter l’insolence de son propre fils : « Si tu m’avais parlé comme ton fils te parle, tu l’aurais regretté ! » Qu’est-ce qui donne leur toxicité à des conflits de famille ? La nature intime des rapports, qui envenime et exacerbe les différends – et qui, distanciée par le théâtre, peut les éclairer et aider à les résoudre.

Chère famille ! a été joué dans des établissements scolaires de Soissons, et est en tournée en Hauts-de-France jusqu’en janvier, notamment dans les lieux de détention de jeunes, un public souvent concerné personnellement et qui, selon Vincent Dussart, s’engage dans les échanges qui suivent.


Le spectacle Autopsie d’une photo de famille, basé sur les textes de deux auteurs, Grégoire Delacourt et Pierre Creton, actuellement en répétition, sera créé au théâtre du Mail le 7 novembre à 20h.

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Le Finistère se donne en spectacles

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L'art de l'été breton

[Photo fournie par Capriol]

Un récit de voyage culturel en Bretagne qui ne s’impose pas la concision habituelle aux chroniques du Vase des Arts. Il est divisé en trois épisodes, pour ceux qui préfèrent ne pas trâiner trop longuement devant leur écran.  

Le Finistère, là où l’Europe prend fin sur les plages, rochers, baies et promontoires de la Bretagne, est semé de petites églises, village par village, sans parler de chapelles isolées vouées à tel saint. Bâties de granit, elles constituent chacune une anthologie de détails architecturaux, flèches, frontons et piliers hérités de temples grecs, tourelles dont des marins auraient pu rapporter les formes de pays lointains.

A l’intérieur l’espace nécessairement réduit est partagé par la nef, les bas-côtés, le chœur, l’abside, les chapelles particulières, parfois une salle du « trésor » où les objets liturgiques sont exposés, le tout dans une pénombre apaisante.

On a appelé ces églises « les boudoirs de Dieu », où on imagine le Tout-Puissant, las de vastes cathédrales, basiliques et églises surdimensionnées, Se refugiant pour être reçu en petit comité.

Même les cathédrales sont compactes. Celle de Tréguier, derrière sa petite place, a du mal à contenir l’assemblage de volumes nécessaires à ses fonctions épiscopales.

Presque toutes les églises du pays témoignent encore d’une vie paroissiale. Par ailleurs, dans une région où les touristes cherchent moins des plages à rangées de transats, ou des rues bordées de bout en bout de bars et boîtes, que des sorties culturelles, ces églises, à côté de leur rôle religieux, accueillent des spectacles, avec une prépondérance de musique classique ou bretonne traditionnelle. Le rock se niche ailleurs, dans les festivals par exemple.

Mais il y a d’autres formes de spectacle. Parfois l’extérieur d’une église sert de toile de fond. C’est sur la place devant Saint-Pierre de Plougasnou que des vacanciers, les enfants aux premiers rangs, attendaient Street coffee, un spectacle du clown italien Claudio Mutazzi.

Claudio le clown avec son adjointe du jour

Il arrive, tirant derrière lui un petit chariot, qui lui servira de boîte content ses équipements et un amplificateur pour de soudaines illustrations musicales.

Il suit un scénario, les fragments reliés par un clap en bois, comme pour des prises de vue ; mais à chaque instant Claudio adhère aux principes classiques en s’adaptant à ce qui se passe autour de lui. Voyant un passant qui n’assiste pas au spectacle, il le suit comme une ombre malicieuse. En singeant sa démarche, ses gestes, il les rend comiques. S’en apercevant, le passant, de bonne humeur, devient spectateur.

Claudio interpelle ses spectateurs, les faisant participer, parfois malgré eux mais de bon cœur (surtout les enfants). En vrai clown il reproduit, grossit, prolonge, élargit les comportements, créant une marge entre la réalité de la personne et le clownesque. Ce qui semblait ordinaire, banal, quotidien vire au bouffon. Il établit une complicité avec les enfants qu’il choisit pour l’aider, les ragaillardissant pour qu’ils se prêtent avec enthousiasme au jeu.

Le bouquet final de Street coffee est un mariage, mis en scène avec la participation de quatre spectateurs. Claudio dirige tout, même les gestes de séduction échangés. Est-ce à dessein ou par confusion que l’union du couple heureux se trouve être entre les deux hommes, les femmes étant réduites au rôle de demoiselles d’honneur ?

°o0o°

Le lendemain soir, pour changer, l’ensemble Capriol & Cie venu de Lannion a donné un récital de musique de la Renaissance à Primel-Trégastel, près de Plougasnou, dans la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes. Bâtie en pierre du pays en 1927 mais avec une flèche en béton, la façade un peu comme une fusée sur sa rampe de lancement, c’est une singularité à côté des églises médiévales. Depuis sa restauration en 2010, une association y organise des événements, dont plusieurs concerts de Capriol.

Les cinq membres de ce groupe, spécialistes du répertoire Renaissance, sont Isabelle Diverchy, soprano et épinette, Ingrid Blasco, vielles à roue, Nathalie Le Gaouyat, viole de gambe et vielle, Martine Meunier, contralto, et Mathias Mantello, percussions. Ils ont choisi un programme avec une vingtaine de compositions, intitulé Va voir si la rose. A part six danses instrumentales, toutes les autres mettent en musique des poèmes de Ronsard car, après avoir été poète de renom de son vivant, Ronsard a eu une seconde carrière posthume en tant que parolier. C’est un face à face entre l’inspiration du poète de la sensibilité, du lyrisme et des amours, et la grande diversité des accompagnements, avec des compositeurs célèbres comme Clément Janequin et Josquin des Prés, ou moins connus, Pierre Claireau ou Guillaume Boni. Seule apparition d’un autre poète : Mille regrets de Clément Marot.

Mathias Mantello le percussionniste de Capriol

Dans la musique de la Renaissance, instruments et voix s’interpellent, s’intercalent, s’interrogent, comme des fils de couleur d’une tapisserie, émergeant, disparaissant, créant une image en avançant. Une musique distante de nous, qui nous atteint encore.

Isabelle Diverchy est aussi le porte-parole de Capriol, présentant et accompagnant le programme avec de précieux commentaires sur les œuvres, les compositeurs, et parfois les instruments et le déroulement de la soirée, une autre façon d’ancrer la musique dans la réalité de son exécution. « C’est merveilleux, ce qu’on peut faire avec des bouts de bois. »

Le récital ne s’est pas déroulé sans incident. Ingrid Blasco a dû expliquer les arrêts fréquents pour accorder sa vielle à roue. « C’est trop humide ici pour les cordes. » La vielle y serait particulièrement sensible. Au milieu d’une musique détachée de tout matérialisme, la réalité matérielle.

Les chansons de la Renaissance peuvent paraître loin des préoccupations modernes. Mais J’espère et crains de Ronsard, mis en musique par Pierre Certon et interprété par Capriol, met chaque auditeur devant ses propres contradictions intimes.

J’espère et crains, je me tais et supplie,
Or je suis glace, et ores un feu chaud,
J’admire tout, et de rien ne me chaut,
Je me délace, et puis je me relie.

°o0o°

La veille du départ du Finistère, passage par Saint-Jean-du Doigt, voisin de Plougasnou, et visite, comme à chaque séjour, de son église, exception frappante aux boudoirs exigus. Quand un natif du village de Traou Meriadec y est revenu avec le bout de l’index de Saint Jean Baptiste, qui l’avait levé pour indiquer le Christ (« Ecce homo ! »), la relique a eu un tel succès pour traiter les maladies des yeux que le village a changé de nom. La Reine Anne de Bretagne est venue et, guérie, a fait des dons permettant l’érection d’une grande église pour accueillir les pèlerins (*). Ses dimensions sont d’autant plus appréciables qu’un incendie en 1955 a détruit presque tout le mobilier, dégageant l’espace entier.

L'église de Saint-Jean-du DoigtDevant l’autel, dans l’église vide, un homme essaie quelques passages de jazz sur son saxophone, puis une femme chante une toute autre musique, plus ancienne, plus mystérieuse. Entre ces extraits ils se parlent de ce qu’ils préparent.

Abordés, Baptiste Boiron et Marthe Vassalo expliquent qu’ils donneront un concert le lendemain soir, mélangeant du jazz à des chants bretons anciens.

Derrière un clown et la Renaissance, voilà quelques enchaînements de notes qui réunissent la musique contemporaine et une autre musique, venue du granit dont le Finistère est fait, comme un bruit mystérieux et archaïque émergé de ces terres, avant de se fondre, comme elles, dans l’Océan.


(*) Est-ce vrai ? Les Bretons, comme d’autres Celtes, fusionnent volontiers la légende et la réalité historique, et il n’est même pas sûr qu’Anne soit venue pendant sa tournée du royaume de Trégor.

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