L’homme et la femme sont face à face. Lentement, ils lèvent chacun une main, comme s’ils se regardaient dans un miroir, et entrelacent les doigts, chaleureusement, presque amoureusement. Ils font de même avec l’autre main. Puis le geste s’accélère, se perd dans la vitesse, et soudain elle est sur ses épaules. La prise des mains a été une mesure de sécurité. L’autre femme, les deux autres hommes les rejoignent, se plient, sautent, pour faire un carré qui devient une pyramide puis se séparent, refont un autre assemblage en hauteur. Pendant ces acrobaties spectaculaires mais qu’ils rendent en apparence simples comme « Gidday ! » (« Bonjour » en anglais australien). Du début à la fin des mouvements, ils sourient les uns aux autres.
Ce sont cinq artistes de cirque de la compagnie australienne Casus Circus, déjà venue au Mail en 2016 avec « Knee deep ». Le nouveau spectacle s’appelle « Driftwood », le bois flotté étant pris comme l’image d’une recherche de contact, de relations entre les êtres. Ce que voit d’abord le public, sans trop chercher ce sens-là, est la combinaison des énergies, les duos, trios, quatuors et quintettes de corps qui se retrouvent constamment. C’est dépourvu de l’esbroufe qui fait partie des traditions du cirque. Aucun costume pailleté, aucun roulement de tambour. La force physique est exploitée, mais jamais exhibée.
L sentiment amical est le moteur de leurs exploits Des relations émergent. Le « porteur » de la troupe n’a pas changé depuis un an : Natano Fa’anana reste imperturbable, le short cachant toujours une partie de la toile de tatouages samoans qui recouvrent le bas de sa torse et ses cuisses. David Trappes, petit blond surmusclé, est souvent charrié par ses collègues, mais sans méchanceté. La bonne humeur est la marque de fabrique de Casus Circus.
Pour « Knee deep » il y a un an, plus rêveur, la salle avait été presque silencieuse, suivant chaque évolution sans l’interrompre par des applaudissements. « Driftwood » a une bande sonore plus « pop », l’ambiance est plus enlevée, et les spectateurs ont salué chaque tour. Une avalanche de cris et d’applaudissements est tombée sur la troupe à la fin. La joie évidente des artistes ferait penser que les Soissonnais qui fréquentent le Mail sont particulièrement « bon public ».