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Théâtre

Le critique paniqué

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L'art de la critique

Le trac de l’acteur est bien documenté ; la panique du critique l’est moins.

Heureusement, elle n’est pas fréquente. Souvent les idées et phrases se bousculent dans sa tête dès le début du spectacle, pour en transmettre le sens, et surtout communiquer l’expérience d’y assister. Un angle, un style émergent tout seuls. Ce rôle d’observateur réduit-il le pur plaisir d’assister à un spectacle ? Il nourrit au moins une attention aigüe, permet de plonger plus profondément.

Charlie Dupont et Tania Garbarski

Charlie Dupont et Tania Garbarski sur la scène du Mail.

C’est cette panique-là qui a surgi pendant « Promenade de santé » de Nicolas Bedos. Un homme, une femme se rencontrent, s’approchent, s’aiment, se méprennent, se disputent et ainsi de suite. Signe particulier : l’histoire a lieu dans un hôpital psychiatrique, entre un bipolaire alcoolique et une nymphomane schizophrène.

Les comédiens, Tania Garbarski et Charlie Dupont, ont de la présence, du charme, ne ménagent pas leur énergie. La scénographie est un bel arbre en tissus dont la couleur change sous l’éclairage, le haut tronc surmonté de branchages qui font penser à des kleenex écrasés, commentaire malicieux sur ce qui se passe en-dessous. De jolies intermèdes musicaux entre les scènes vont de « Un jour mon prince viendra » à l’aria des « Variations Goldberg ».

Cependant, et voilà d’où vient sa panique, le critique se rend vite compte qu’il ne saisit pas le sens de la pièce, ce qu’elle « veut dire ». Chaque réplique semble effacer la précédente dans sa tête, plutôt que s’y ajouter pour faire un tout.

Serait-ce une réaction isolée de sa part ? Il sonde l’ambiance de la salle. Elle n’est pas pleine (des blocs de fauteuils latéraux sont recouverts de bâches noires pour concentrer les spectateurs au milieu). Pour une « comédie romantique » les rires sont rares et isolés. A la fin, le public soissonnais habituellement chaleureux est poli, avec assez de considération tout de même pour faire revenir les acteurs plusieurs fois.

Des spectateurs interrogés à la sortie – encore une tentative pour modifier sa position – sont tièdes ou pire. L’un avait du mal à comprendre Charlie Dupont, une autre n’a « guère aimé ».

Que dit Internet, nouvelle ressource pour les désemparés ? Ces acteurs belges, très connus dans leur pays, couple dans la vie comme sur scène – les sites vous en apprennent des choses ! – ont créé la pièce dans une mise en scène d’Hélène Theunissen en 2011, l’ont jouée à Avignon, et l’ont reprise l’année dernière. Que disent les critiques ? Comptes rendus dithyrambiques, admiratifs de la capacité de l’auteur à traiter des sujets graves sur un ton léger, de ses « répliques exquises » (que faisaient les oreilles du critique pour les rater ?).

Alors, loin de condamner un spectacle – qui exige quand même un sacré cran et un fort investissement de tous pour le monter, le jouer – le critique ne peut qu’avouer sa panique, admettre que le rendez-vous magique et mystérieux entre scène et salle n’a pas eu lieu pour lui cette fois.

denis.mahaffey@levase.fr

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