Cécile Migout est Lucrèce, sur scène devant Fabrice Decarnelle vu de dos.
Une dizaine de longs rideaux blancs, comme de larges bandes, sont disposés en trois rangées sur la profondeur de la scène du Mail, la cloisonnant, l’interrompant, la fragmentant. C’est la scénographie épurée mais éloquente de « Lucrèce Borgia » de Hugo, montée par la compagnie Acaly.
Au début d’une des ultimes répétitions au Mail avant la première du 31 mai, trois grands rails qui traversent tout le plateau, et auxquels est accrochée chaque rangée de bandes – ou plutôt voiles, car elles sont translucides – se trouvent à un mètre du sol. Les acteurs prennent place chacun derrière son voile. Seule Lucrèce est absente. Ils suivent du regard la lente levée des bandes, alors que les rails montent vers les cintres. D’acteurs ils deviennent personnages. Sans qu’un mot n’ait été dit, l’ambiance est créée d’un monde de fractures, de secrets, de propos voilés, de mensonges, d’incompréhension.
Lucrèce entre, vêtue d’une robe avec une immense jupe rouge, une barrière qui l’isole de tous. Elle aime un jeune homme. Pourra-t-elle échapper à son passé dissolu pour lui exprimer sa passion ? La toile de meurtres et d’inceste reste inextricable. Elle ne passera pas au-delà de sa barrière.
Dans un coup de théâtre formidable, elle ne révèle le secret de son amour que dans la dernière réplique de la pièce. C’est la raison de son bonheur, la cause de son malheur.
Pour Fabrice Decarnelle, metteur en scène, « le spectacle est prêt ». Au public maintenant de frémir devant ce grand mélodrame de l’excès.
denis.mahaffey@levase.fr
[Cet article paraît dans Le Vase Communicant n° 228.]