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Théâtre

VO en Soissonnais Acte 3, La sensibilité s’intensifie

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L'art d'un festival

Le spectacle trophée de VO a été « We love Arabs », qui démarrait une tournée en France par ce rendez-vous soissonnais. C’était aussi le plus politique, et le seul à s’écarter totalement du thème. En plus, il soulève un problème sans offrir de sortie, une situation désespérante qui a pourtant fait rire le public de VO, tout en remettant en question le sens de ces rires.

Le danseur et chorégraphe juif israélien Hillel Kogan joue un danseur et chorégraphe juif israélien du même nom, qui recrute un danseur arabe israélien, Adi Boutrous, joué par le danseur arabe israélien du même nom.

Hillel s’adresse directement à nous pour nous assurer de son progressisme – ne va-t-il pas danser avec un Arabe ? Il est un homme de gauche, admet-il, lit les journaux de gauche. Plus il essaie de nous convaincre, et plus on sent que sa sincérité, même s’il y croit, n’a aucune épaisseur, flotte comme des pétales sur de l’eau noire. Il parle interminablement de la difficulté pour un chorégraphe de faire occuper l’espace comme il faut. « Parfois l’espace résiste, et cette résistance demande à être occupée par… un Arabe. » Sa confusion est celle d’un homme de bonne volonté qui ne se permet pas d’aller jusqu’au but. Ses mains gesticulent, impuissantes.

Adi arrive, efficace, taciturne, un brin méfiant, attendant de voir ce que ce Juif veut faire de lui l’Arabe. Hillel le traite avec une bonhomie sans bornes, admire son talent ; mais ses bonnes intentions trahissent malgré elles la relation de pouvoir entre Juifs et Arabes israéliens. Son ton est poli, mais ses paroles sont humiliantes. « Quel est ton village ? » demande-t-il. « Tel Aviv » est la réponse. Adi accepte de dessiner l’étoile de David avec un marqueur sur le teeshirt de Hillel, qui est inconscient du symbolisme lourd du geste. Face au teeshirt noir d’Adi, Hillel dessine un croissant sur son front. « C’est quoi ? » « C’est, enfin, ce qu’on voit en haut d’une mosquée, tu sais, la banane » « Je suis Chrétien. » Hillel applique les schémas simplistes de ceux qui ont le pouvoir.

Chaque fois qu’ils arrivent à échapper à la verbosité de Hillel, les deux hommes dansent merveilleusement. Mais c’est toujours interrompu par une nouvelle idée vaseuse.

Un « bord de scène » ajoute rarement au spectacle, mais cette fois les échanges concernaient les relations qu’il a révélées. « Ma famille est arrivée là il y a 300 ans ; celle de Hillel dans les années 70 » déclare Adi. Comment ressent-il les humiliations inconscientes qu’il subit sur scène ? « C’est du travail, d’abord. Mais ce n’est pas facile. Il me badigeonne le visage d’houmous sans me demander. Vous en riez, mais un public palestinien aurait du mal à rire. »

Aucune solution n’est envisagée ni par l’un ni par l’autre. « Seuls les Israéliens ont le pouvoir de mettre fin à la situation » admet Hillel. « Mais pas la volonté » ajoute Adi.

En traitant de tels sujets, le théâtre ne prétend pas les résoudre mais seulement – seulement ! – intensifier la sensibilité de ceux qui regardent. A différents degrés c’est la fonction de chacun des dix spectacles de « VO en Soissonnais » 2017.


DM ajoute : Le spectacle le plus politique , le plus masculin, mais aussi le plus participatif. Sur un ton où la raillerie pointait plus que le nez, Hillel nous a incités à reconnaître dans l’houmous la substance qui incarne la nature israélienne. Il en a apporté un grand bol sur scène et à badigeonné son visage – et celui d’Adi, imperturbable devant cet étiquetage imposé. Quelques personnes au premier rang ont été invitées à goûter l’houmous, comme s’ils communiaient à la messe. Puis Hillel a formé un cercle mystico- parodique avec Adi et ces spectateurs. VO y a prouvé encore son caractère international : les deux danseurs étaient Israéliens juif et arabe, les quatre spectateurs français, canadien, néerlandais et irlandais.

Puisqu’Adi ne parlait pas français, et sur proposition du président de VO, ce même Irlandais (*) s’est improvisé interprète pour les questions et réponses du bord de scène. La compréhension était parfaite, sans jamais faire oublier les incompréhensions qui assombrissent la vie des Palestiniens et des Israéliens.

(*) Eh oui, c’était votre chroniqueur…

***La fin***

denis.mahaffey@levase.fr

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