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Les raisins de la colère : la justice sociale attend encore

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L'art de l'adaptation

Xavier Simonin, Manu Bertrand, Stephen Harrison et Claire Nivard. [Photo Sea Art]

Le livre de John Steinbeck de 1938, le film de John Ford de 1942, et aujourd’hui l’adaptation au théâtre par Xavier Simonin : Les raisins de la colère était d’actualité à sa publication, à sa sortie au cinéma, et aujourd’hui sur scène. La misère sociale a pu changer de forme, de victimes, mais elle ronge encore les sociétés. Le médium change pour raconter ce monde, mais l’histoire reste une protestation contre un système politique.

Le spectacle donné au théâtre du Mail raconte à sa façon l’histoire de la famille Joad, dont Ma et Tom, pendant la Grande Dépression des années Trente, et de son exode de la ferme qu’elle a perdue dans l’Oklahoma dévasté par la sécheresse. Ils nourrissent l’espoir de trouver une vie meilleure loin de là, en Californie, où ils rêvent de gagner leur vie en cueillant les célèbres pêches.

Les voyageurs, qui se trouvent dans un flot d’autres refugiés, sont mal accueillis tout le long de la Route 66. Rejetés comme une menace par les habitants des régions qu’ils traversent, chassés, victimes d’harcèlement policier, les « Okies » sont mal reçus partout.

Arrivés enfin en Californie, ils se trouvent encore victimes d’exploitation par des gros propriétaires, qui profitent de l’affluence des arrivants pour baisser les salaires et les conditions de vie. L’image de la fin est touchante : Rose of Sharon, fille de la famille, donne le sein à un vieillard mourant affamé.

Dans l’adaptation théâtrale, l’ambiance autour des faits est créée par trois musiciens, Stephen Harrison, Manu Bertrand et Claire Nivard (compositrice de plusieurs chansons, dont I’ll be there, qui renouvelle la protestation contre la misère). Les chansons, dont des standards de l’activisme politique américain, comme ceux de Woody Guthrie, alternent avec les scènes l’action, allégeant le contenu brutal du texte, jusqu’à faire taper du pied dans la salle. Frêle ou somptueuse, mais toujours à propos, la musique approfondit le sens du spectacle,

Xavier Simonin, metteur en scène aussi, prend sur lui, non pas de raconter mais de jouer l’histoire, en incarnant tous les rôles. Des conversations tendres ou tristes, des échanges brusques, il change de rôle, de posture, de voix, concentrant ainsi l’action dans un seul corps.

C’est une performance, comme on dit ; sa virtuosité est évidente et, c’est paradoxal, elle peut faire de l’ombre à la cruauté et le désespoir du texte. Pourtant, ensemble avec le trio de musiciens, elle permet de faire revivre, faire connaître ou rappeler un monument de la littérature activiste, de la littérature tout court.

Raisins de la colère : le titre est une citation du Battle hymn of the Republic, dont les paroles ont été écrites au 19e siècle par l’abolitionniste Julia Howe, en rappelant les Livres bibliques d’Isaïe et de la Révélation. Il s’agit d’invoquer la colère – ou plutôt l’ire, le courroux – divine qui écrasera et détruira les puissants, les méchants, le mal. L’œuvre de Steinbeck, sans évoquer directement l’intervention divine nécessaire, montre que Dieu n’avait pas encore agi.

Commentaires : denis.mahaffey@levase.fr

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