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Iphigénie en Aulide : découvrir Gluck ?

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L'art de l'opéra

Chanteurs et orchestre sont applaudis.

Nous devions être nombreux dans la grande salle de la Cité de la Musique à ne pas connaître une seule note d’Iphigénie en Aulide, l’opéra de Gluck qu’allaient interpréter le Concert de la Loge, les chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles, et des solistes, dirigés par Julien Chauvin. Pire que cela, nous pouvions tout ignorer du compositeur sauf  l’inévitable « J’ai perdu mon Eurydice ». Nous nous attendions donc à un opéra qui suivrait le schéma : récitatifs, airs, interludes orchestraux.

Les premières notes de l’ouverture, les cordes rejointes par les vents ont montré qu’Iphigénie n’allait pas se conformer à ce schéma. Par la suite la musique fluide et éloquente épousait les voix et l’action, donnant plus de continuité à ce qui se passait, et le résultat était rehaussé par les interventions chorales. Le chant était plus simple que ce que nous attendions, d’autant plus puissant qu’il était dépourvu de grandes envolées virtuoses qui interrompraient la progression de l’histoire.

Julien Chauvin dirige la soprano néerlandaise Judith van Rooij.

La surprise a été de sentir se suggérer à notre auditeur peu au courant du style de Gluck le nom d’un autre compositeur qui a la même puissance dramatique, la même continuité – pas la tonalité, bien entendu : Puccini. Le drame se déroule, ce sont ses incidents et la psychologie des personnages qui le portent.

C’est le premier opéra en français qu’a composé Gluck, sur une adaptation par Du Roullet de la tragédie de Racine. Il y poursuit sa « révolution », dans le sens d’une dramatisation de l’opéra.

Une accalmie prolongée empêche la flotte grecque d’Agamemnon de partir pour Troie. Pour avoir du vent, la déesse Diane exige l’immolation de la fille d’Agamemnon, Iphigénie. Elle accepte de mourir, malgré les protestations de sa mère Clytemnestre et Achille, qu’elle devait épouser. A la fin, une nouvelle intervention divine la sauve.

L’histoire de l’opéra révèle que pendant ses premières répétitions Gluck a eu du mal à sortir les chanteurs et musiciens de leurs vieilles habitudes, à imposer un style plus âpre, plus direct. Il n’aurait eu ce problème avec les solistes de cette nouvelle production :  Judith Van Wanroij (Iphigénie), Stéphanie d’Oustrac (Clytemnestre), Tassis Christoyannis (Agamemnon), Cyrille Dubois (Achille), Jean-Sébastien Bou (Calchas le prêtre) et David Witczak  (Patrocle). Des voix puissantes et prestigieuses. Une mention particulière pour Cyrille Dubois, dont la voix de ténor et le jeu traduisaient bien l’impulsivité, la tendance à s’enrager, la capacité à bouder (d’où la bouderie historique racontée dans l’Iliade d’Homère).

Les deux heures et demi de musique ont terminé par des applaudissements chaleureux et soutenus à la fin du concert (dont ceux des solistes, qui se sont tous retournés pour saluer les musiciens derrière eux). Pas d’ovation debout : l’ambiance reflétait non pas un enthousiasme momentané, mais un sentiment de plénitude. Ceux qui connaissaient déjà Iphigénie en Aulide, comme ceux (supposés) qui le rencontraient pour la première fois, savaient qu’ils avaient assisté à un concert et à un événement exceptionnels, et qui auraient ses suites (voir ci-dessous).

Une dernière question : qu’est –ce qui fait que l’air « Adieu, conservez dans votre âme », qu’Iphigénie adresse à Achille, ne soit pas aussi universellement connu que « J’ai perdu mon Eurydice » ?


 

Les applaudissements terminés, le public est parti. Quant aux musiciens et chanteurs, ils avaient rendez-vous le lendemain dans cette même salle, Le concert avait beau séduire son public sur place ; il a été enregistré – d’où la forêt de micros montés ou suspendus sur le plateau – pour pouvoir sortir l’opéra en CD, support qui ne peut pas admettre les approximations du direct.

Alors  chanteurs en instrumentistes, habillés en civil, les différents pupitres et chanteurs se sont retrouvés, et ont retravaillé des passages, guidés par l’ingénieur du son du projet, reclus dans sa régie et s’adressant à eux par haut-parleur, pour réparer les faiblesses de la veille. C’est le « patching », c’est-à-dire raccommodage : sur telle piste tel passage est remplacé. L’opéra lui-même serait repris au théâtre des Champs-Elysées quelques jours plus tard.

Stéphanie d’Oustrac travaille son prochain rôle.

Stéphanie d’Oustrac, la mezzo-soprano qui avait chanté Clytemnestre, et qui attendait à être appelée, assise sur un banc dans le grand couloir qui traverse la CMD comme une rue, a répondu à quelques questions.

Quel est le but de ces reprises : réparer des erreurs techniques, ou rectifier l’interprétation ?

« C’est tout cela. Hier c’était la Première, et plein de détails sont à reprendre : erreurs, faux départs, toutes sortes de choses. »

Mais le public n’avait rien remarqué.

« Bien sûr !  N’empêche que pour un CD la qualité doit être parfaite. On ne peut pas se fier au direct. Le direct crée une ambiance, c’est l’essentiel, mais il faut reprendre certaines parties. »

Il y a eu pourtant des répétitions ? il

« Pas beaucoup. Quelques jours, c’est tout. Nous avons répété à Versailles. Un concert, ce n’est pas comme l’opéra, où y a beaucoup plus de temps. C’est pour cela que je privilégie l’opéra. »

Elle tenait une tablette sur les genoux. A l’écran une partition. « Je vais chanter Maria Stuarda de Donizetti à Genève, et je travaille déjà le rôle. »

Et Stéphanie d’Oustrac s’est penchée sur sa partition.

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