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Théâtre

Si c’est un homme

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L'art d'être un homme

Tony Harrison avec le musicien Guitòti

Un homme raconte son quotidien. Il vit sous un arbitraire absolu. Pourquoi ? « Ici il n’y a pas de pourquoi. » Ainsi lui répond son geôlier en l’empêchant sans explication de lécher un glaçon d’eau de pluie.

Sous le titre « Ici il n’y a pas de pourquoi », le comédien Tony Harrisson présente son adaptation, faite avec Cecilia Mazur, de « Si c’est un homme » de l’écrivain italien Primo Levi.

Le livre décrit sa vie à Auschwitz de 1944 à 1945, un cauchemar sans être un rêve. Les détails de ses souffrances physiques et mentales, des humiliations, de la cruauté désinvolte sont décrits plutôt que dénoncés, ce qui donne sa force à son écriture

De l’arrivée en train de bestiaux, sans pouvoir manger ni boire, jusqu’aux bombardements qui font fuir les gardiens, les adaptateurs ont choisi les épisodes les plus éloquents.

Tony Harrisson n’a pas fait du texte une pièce : il reste un récit. Il y a deux voix : la vivante sur scène, l’autre en « off », comme si les mots échappent parfois à l’homme, qui ne peut que les écouter impuissant.

C’est avec le corps qu’il joue ce que dit le texte. Le découragement, le désespoir, les violences se voient dans son corps, qui s’use au fur et à mesure ; il finit voûté et hagard.

Au fond la question que pose Primo Levi est si, privé de tout libre arbitre, un homme garde son humanité. Et au fond sa réponse est que, oui, un homme reste un homme. La dignité est innée : l’autre peut la violer, mais non pas la prendre.

Tony Harrisson a une présence et une force sur scène déjà vues dans « Pulvérisés » en novembre dernier, où il était responsable surmené d’un centre d’appel. Le lieu des horreurs n’est pas localisé. Le seul fait que Tony Harrisson soit un acteur noir laisse s’entendre des résonances vers d’autres situations d’anéantissement du libre arbitre.

Sur scène il est accompagné par le musicien Guitòti, qui joue sur des « hand-pans », instruments de percussion sophistiqués mais qui ressemblent à des couvercles de poubelles. Il prend l’un ou l’autre sur les genoux et, avec ses mains, tire des sons a la fois légers et profonds. Parfois ils ponctuent les paroles ; parfois ils partent en mélodie derrière les passages les plus atroces, en contrepoint à l’horreurs.

Pour finir, l’acteur reprend le poème de Primo Levi dont est tiré le titre de son livre. En demandant si celui qui est installé confortablement dans la vie reconnaît son humanité partagée avec celui qui est dans la peine, il élargit la question. Le nanti en face de celui qui souffre : c’est de l’actualité. Pour le secourir, il faut se reconnaître dans l’autre.

Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis
Considérez si c’est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connait pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non.

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denis.mahaffey@levase.fr

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