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“ J’ai touché l’Histoire ”

La classe des élèves non francophones du collège Gérard Philipe a remporté le 3e prix du Département pour leur vision du meilleur parcours de la flamme olympique, celui suivant l’apprentissage de la langue française et l’accueil des nouveaux arrivants sur le territoire.

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Labellisé « Terre de Jeux 2024 », le Département de l’Aisne a lancé l’an passé un concours ouvert à tous les collèges axonais, visant à tracer le meilleur parcours de la flamme olympique dans l’Aisne. L’ambition était d’imaginer le parcours idéal et de valoriser en même temps « les éléments remarquables du territoire et son patrimoine architectural, naturel ou historique » selon les clauses de participation.

Après avoir laissé une année de travail sur le sujet, le conseil départemental a dévoilé les résultats : une classe du collège Gérard Philipe à Soissons décroche la troisième place du concours. La performance est déjà remarquable en soi. Oui mais en plus de cela, elle a été réalisée par la classe UPE2A de Gérard Philipe, la classe Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants. En d’autres termes, ce sont des enfants qui arrivent d’Afghanistan, de Somalie, de Syrie, d’Irak, d’Ukraine, du Congo, du Bangladesh, du Burkina Faso ou encore du Soudan, sans parler français. Certains ne sont là que depuis quelques mois, et pour tous, le chemin qui les a menés jusqu’à Soissons ne les a pas épargnés.

De la 6e à la 3e à Gérard Philipe, ils sont au total 70 élèves en UPE2A et ils représentent 31 nationalités. Mais une seule langue les unit finalement au sein de cette classe : le français, auquel ils s’accoutument de semaine en semaine, de mois en mois, à travers le cours de FLS, le Français Langue Seconde. 4 professeures (4 femmes), spécifiquement formées à cette discipline, leur enseignent le FLS quelques heures dans la semaine sur 5 groupes de niveaux : « Le but est de les familiariser le plus vite possible avec la langue, expliquent-elles, de les accompagner au mieux dans la maîtrise de l’oral puis de l’écrit. Mais plus que cela, le FLS c’est un SAS d’accueil pour ces élèves. Ils se sécurisent petit à petit par rapport à la langue, ils osent prendre la parole, puis on parle d’orientation, de l’actualité et aussi des rapports filles – garçons. »

Du côté des élèves, il y a un avis unanime : « Le français est très difficile », disent-ils, alors que certains et certaines parlent déjà plusieurs langues. « Il y a beaucoup de mots, ajoutent-ils, le plus dur c’est à notre arrivée. Au début on se dit que c’est impossible, qu’on n’y arrivera jamais. Puis avec le FLS on parle avec les autres, et après on s’en sort mieux. »

Chacun à leur niveau, ils ont alors mis leur contribution à l’élaboration du parcours idéal de la flamme olympique dans l’Aisne. En tant que nouveaux arrivants non francophones, ils ont judicieusement choisi avec leurs professeures de suivre le fil rouge de la francophonie avec l’Aisne comme terre d’accueil. « Notre parcours est composé de 5 étapes que nous avons nommées « Viens je t’emm’Aisne », précise l’une des enseignantes, Sabine Nédélec.

5 étapes qui sont aussi 5 lieux où sont allés les élèves pour qu’ils découvrent en même temps l’Aisne et la culture française. »

Une partie des élèves de FLS et leurs professeures. Ils présentent fièrement leur 3e Prix et exposent la fresque réalisée avec leurs graffs de street art.

Le parcours de la Flamme en 5 étapes

  1. Première étape : la Thiérache. C’est ainsi que la classe a découvert sa spécialité : le fameux… Maroilles qu’ils ont cuisiné et dégusté en tarte et en quiche.
  2. Deuxième étape : le cinéma de Soissons où ils ont vu le film et la célèbre chanson de Kamini, « Marly-Gomont ». Cette histoire de l’intégration d’une famille congolaise au cœur d’un village axonais leur a bien sûr tout de suite parlé : « Dans la chanson, Kamini nous raconte comment il a quitté son pays, témoigne Moubarak, élève de 5e. Il nous dit que dans le village, lui et sa famille étaient les seuls noirs et que les habitants ne les ont pas bien accueillis au début. Mais ils n’ont jamais abandonné et grâce à ça, les habitants ont fini par les accepter. » A l’exercice de réécriture du refrain de Kamini, Faisal chante : « Je viens pas de la cité mais mon pays est grand, je viens pas de Paname mais de l’Afghanistan. » Du côté de Tanim on dit plutôt : « Je viens pas de la cité mais j’ai de nouvelles mèches, je viens pas de Paname mais du Bangladesh. »
  3. Troisième étape : le Chemin des Dames et la Caverne du Dragon. « Les 70 élèves ont visité la Caverne du Dragon, soulignent les enseignantes. La Première Guerre mondiale a concerné 96 nationalités, ils ont donc vu la participation de leurs nationalités d’origine et ils se sont reconnus dans cette part de l’Histoire. Les neuf sculptures en bois en hommage aux tirailleurs africains à l’extérieur de la Caverne en sont l’exemple. » Abdoul, élève de 3e, atteste : « J’ai touché l’Histoire. »
  4. Quatrième étape : Soissons et la visite de sa cathédrale, de son abbaye Saint-Jean-des-Vignes et de sa Cité de la musique et de la danse. Ces visites ont donné lieu à la participation à plusieurs ateliers, dont la réalisation d’une fresque de street art, façon C215, l’auteur d’un parcours de graffs dans toute la ville. En montant en haut de la tour de la cathédrale, Moussa, élève de 4e, confesse : « C’est la première fois que je visitais l’intérieur d’une cathédrale et la première fois que je montais autant de marches, 343 ! »
  5. Cinquième étape : Villers-Cotterêts et la Cité internationale de la langue française. Cette étape finale prend évidemment tout son sens pour tous ces jeunes qui découvrent le français et sa culture. A l’image du ciel lexical composé de multiples mots et qui surplombera l’ancienne cour du Jeu de Paume, chaque élève a choisi son mot préféré en français. Khachik, élève de 4e, avoue : « Ce n’était pas un exercice facile, j’ai choisi le mot qui est vraiment important pour moi : école, car je veux apprendre le français. »

Pour Maryama en 6e : « J’ai choisi docteur, car plus tard grâce à mes études en France, je veux devenir un bon docteur. » En travaillant aussi sur les mots empruntés à d’autres langues, Abdulgafar résume finalement bien : « Les mots sont comme nous, ils ont voyagé. »

Mais c’est Ruth, 16 ans, arrivée de République Démocratique du Congo il y a seulement 7 mois, qui aura su exprimer tous les bénéfices retirés de cette action :
« Parcourir toutes ces étapes, ce sont des rêves qui ont rassemblé tout le monde. Je ne pouvais même pas imaginer qu’on pouvait faire tout ça, que tout cela existait en France, et ceci grâce aux cours de FLS. Peut-être que certains pensent que les cours de FLS sont pour des gens pas intelligents, mais c’est l’inverse, on s’améliore, on découvre plein de choses.

Il faut dire que nos professeures sont magnifiques, elles nous apprennent à grandir, elles essaient de nous faire comprendre que tout le monde peut être ami, qu’on peut bien vivre en société. Cette classe nous ouvre beaucoup de portes, elle nous prépare à l’avenir. »

A leur tour, les professeures ne peuvent que confirmer : « On a beaucoup à gagner à travailler avec ces enfants. Ils sont très investis sur l’avenir, tout comme ils ont pris ce projet très au sérieux, ils ont de grandes ambitions. Nous sommes très fières d’eux, ce prix est une vraie reconnaissance méritée. »

Les élèves à la Caverne du Dragon (© Marie-Myrtille Tallet).

Le projet

Les 70 élèves non francophones de la classe UPE2A du collège Gérard Philipe ont participé à l’élaboration du storymap « Viens je t’emm’Aisne ».

Il est consultable sur le site : storymaps.arcgis.com

4 ambassadeurs de la classe ont présenté le projet le 12 mai à l’hôtel du Département à Laon : Jofré Albert, Abdelbassat Laouni, Maram Hussein et Khaled Almohamad.

Le projet soissonnais a été financé par la Cité éducative de Soissons.

Arrivé 3e, l’ensemble des élèves de l’UPE2A est invité le mardi 4 juillet aux archives départementales pour une visite et un atelier.

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