« Je dois dire que j’ai longtemps attendu ce moment », a confié le président Emmanuel Macron en débutant son discours d’inauguration de la Cité internationale de la langue française, lundi 30 octobre dans la cour du château de Villers-Cotterêts. « Nous retrouver ici, dans ce beau département de l’Aisne, dans ce Valois aux confins de l’Aisne et de l’Oise, pour un enfant de la Picardie comme moi, est une expérience que je n’aurais pas imaginée. » Il faut bien préciser que ce « projet titanesque », comme le qualifie Paul Rondin, le directeur de la Cité internationale, avait été imaginé et lancé il y a 6 ans et demi, non pas par le président Macron, mais par le candidat Macron qu’il était alors en mars 2017. « Certains m’accompagnaient, dit-il en se tournant vers l’ancien député Jacques Krabal. Nous descendions place du docteur Mouflier, face à la statue d’Alexandre Dumas. Première expérience en arrivant dans cette ville : Dumas est né ici. Alexandre Dumas, oui, est né ici avec beaucoup de fierté, lui-même revendiquait d’être né à deux pas de La Ferté-Milon, où Racine avait vu le jour, et de Château-Thierry, où la Fontaine avait grandi (…). Et puis, en parcourant quelques mètres, nous sommes arrivés devant ce château. Il était, en mars 2017, totalement fermé à la ville. On s’en souvient. Claquemuré et poussant la porte, on rentrait dans cette cour qui était totalement délabrée. On ne pouvait pas rentrer. Il menaçait de s’effondrer, patrimoine en péril. Et je prenais alors le soir même à Reims, l’engagement de pouvoir raviver ce lieu, de lui redonner sa force, sa beauté, d’y retrouver l’histoire. »
Pour le territoire de Retz-en-Valois jusqu’au Soissonnais, et même au-delà pour tout le département de l’Aisne, on ne peut que se réjouir qu’un homme politique, quel qu’il soit, tienne sa promesse. Car il s’agit là et avant tout de la restauration d’un trésor patrimonial pour lequel 210 millions d’euros ont été investis : le château Renaissance François 1er, là où a été signée et où est exposée pour trois mois encore l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui institua le français comme langue officielle dans tout le royaume.
Débuté en 2020, ce fut le chantier de restauration le plus important de ces dernières années, si l’on excepte la cathédrale Notre-Dame de Paris, celui-ci étant un cas de force majeure après son incendie.
La Cité internationale de la langue française voulue par Emmanuel Macron, c’est la Pyramide du Louvre de François Mitterrand, le Beaubourg de Georges Pompidou, le Quai Branly de Jacques Chirac. A la différence que le grand projet patrimonial des mandats Macron est réalisé en Province et non à Paris. Peut-être est-ce la raison des voix qui s’élèvent contre le projet ? Entendus depuis Paris effectivement :
« Le fait du prince », « Une action éminemment politique de reconquête sur les terres du Rassemblement National », une réflexion ceci dit approuvée par le député RN de la circonscription, Jocelyn Dessigny. L’académicien Jean-Marie Rouart n’hésitera pas à présenter Emmanuel Macron dans une tribune du Figaro comme « le tartuffe de la langue française à Villers-Cotterêts City » pour son usage du « franglais ». Arnault Cohen, rédacteur en chef de l’Union, ira pour sa part de son coup de gueule en relevant dans un édito « le mépris de Paris ». Il écrit : « Sur France Inter, Léa Salamé et ses invités ont ridiculisé la Cité internationale de la langue française, tout en réussissant à se moquer du lieu de son implantation. (…) Dans ce plateau de la Maison de la radio du XVIe arrondissement de Paris, l’heure est plutôt à l’entreprise de démolition et au dénigrement. “ Je n’irai certainement pas, et puis je ne sais pas où est Villers-Cotterêts “, provoque Éric Neuhoff, journaliste et écrivain. Les éclats de rire l’encouragent, le “ musée “ devient “ un machin [qui] ne peut pas faire de mal mais ne servira à rien “, “ une bibliothèque améliorée “, “ un truc pour recaser des ministres déchus, des énarques en manque de préfecture “ ». France Info a cependant trouvé un contre-exemple, celui d’un habitant de Villers-Cotterêts : « Château Macron, on va l’appeler comme ça, dit-il. Une grande majorité des gens de Villers-Cotterêts ne sont pas d’accord avec tout ce qui se passe. On arrive à 210 millions d’euros, c’est ça qui ne passe pas. On aurait pu mettre cet argent ailleurs. »
Mais pour le territoire encore une fois, comment ne pas se réjouir d’un tel potentiel économique, touristique et culturel ? L’investissement est apporté par l’Etat, il semble pourtant que l’Aisne court après son développement depuis bien longtemps.