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La rose de la cathédrale de Soissons reconstituée

Le 12 janvier 2017, la violente tempête Egon s’engouffrait sur la façade de la cathédrale de Soissons, occasionnant d’énormes dégâts sur les sculptures et le vitrail de la rose occidentale, sans compter la destruction de l’orgue. Le 17 janvier 2022, pratiquement 5 ans jour pour jour après, tous les acteurs du chantier inauguraient officiellement la fin des travaux de restauration de la rose.

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Cinq années auront été nécessaires pour reconstruire la rose de la cathédrale Saint-Gervais Saint-Protais. C’est à la fois beaucoup et très peu, mais surtout très peu au regard du chantier exceptionnel qui s’est déroulé dans la cité du Vase, première capitale des Francs faut-il le rappeler. Durant tous ces mois de travail, artisans, tailleurs de pierre, maçons, sculpteurs, vitraillistes, maîtres-verriers et ferronniers d’art ont tout simplement vécu dans la peau des bâtisseurs de cathédrale du Moyen-Age. Et pour cause, « aujourd’hui on ne construit plus de cathédrale, témoigne Florence Dewrindt, chargée de mission du diocèse pour la cathédrale. Et dans une moindre mesure, on ne reconstruit pas de rose complète de cette ampleur. »

Le travail des tailleurs de pierre sur et autour de la rose, avec l’ajout d’une nouvelle gargouille.

Très vite, la maîtrise d’ouvrage de la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH) de la DRAC Hauts-de-France a en effet voulu reconstruire la rose du XIIIe siècle à l’identique. Une opération ambitieuse confiée à la maîtrise d’œuvre d’Olivier Weets, architecte en chef des Monuments historiques, et son agence. Cette volonté de reprendre à zéro la construction de la rose fait suite à une étude de diagnostic préalable, diligentée rapidement après la mise en sécurité de la façade, la récupération et le classement des vitraux, la sauvegarde des matériaux d’origine. L’équipe était composée d’architectes, ingénieurs, historiens, restaurateurs de vitrail et économistes de la construction. Grâce au remontage à blanc des remplages (NDLR : le réseau de pierres garnissant l’intérieur de la rose) dans la nef de la cathédrale, ils ont cependant conclu que le réemploi des matériaux d’origine, déjà fragilisés, était impossible. Des relevés lasergrammétriques avant le sinistre avaient déjà démontré que la structure présentait des déformations provoquées par l’action du climat et du poids permanent sur la rose depuis des siècles. D’une forme ronde, la rose s’était ovalisée par un écrasement de l’ordre de 20 cm. L’étude de diagnostic préalable a alors confirmé que lorsque la rose a été frappée par la tempête, elle se trouvait dans un état limite d’équilibre. En somme, le passage d’Egon a été un mal pour un bien, ce n’était qu’une question de temps avant que la rose ne tombe. La DRAC a donc validé ce programme de travaux : « La reconstruction de la rose du XIIIe siècle à l’identique avec une symétrie désormais parfaite, en reproduisant les moulures et le décor sculpté des éléments déposés, et en augmentant légèrement l’épaisseur des remplages. L’emploi de la roche dure de la Croix Huyart Banc H4, dont les données pétrophysiques se rapprochent des pierres d’origine, a été retenu selon les préconisations du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et de l’architecte des bâtiments de France, conservateur de la cathédrale. » L’ancien réseau de pierres est celui qui a été exposé à l’abbaye Saint-Léger dans le cadre de l’exposition « La Rose et la Tempête ».

Les vitraux confiés à l’Atelier Berthelot de Saint-Pierre-Aigle

La reconstitution des vitraux a quant à elle été confiée à l’Atelier Berthelot de Saint-Pierre-Aigle, accompagné par quatre autres entreprises spécialisées dans le vitrail et une ferronnerie d’art. La maître-verrier Elodie Lemaître qui a repris l’Atelier Berthelot en 2010 se rappelle avoir été appelée dès le lendemain de la tempête,
en même temps que l’entreprise Charpentier PM, spécialisée pour sa part dans la taille de pierre sur les monuments prestigieux : « Notre mission première était de récupérer tous les vitraux tombés et éparpillés, puis les photographier et les répertorier, explique-t-elle. S’en est suivi tout un travail d’inventaire, d’identification, de diagnostic et de conservation. » Sur la rose de la cathédrale de Soissons, il s’agit en l’occurrence des vitraux de style Art Déco réalisés par Jean Gaudin en 1931. Si 90 % des panneaux ont pu être récupérés, « beaucoup de pièces étaient manquantes, précise Elodie Lemaître, il a fallu recréer des zones disparues, les redessiner et les repeindre. » Là-aussi, son travail de maître-verrier prend une tout autre dimension sur ce chantier : « C’est exceptionnel de recréer une rose à neuf pendant presque deux années. Restituer des vitraux à cette échelle est de plus très atypique car la destruction d’une rose est provoquée par des faits rares, historiquement les guerres en France. »

Comme les anciens bâtisseurs de cathédrale, les sculpteurs ont signé leur œuvre, à l’image d’une tête personnalisée ici en bas à droite.

L’autre rareté pour une rose de vitraux modernes est la pose d’un grand verre thermoformé côté extérieur, il agit comme un double vitrage qui recouvre toute sa surface : « C’est une verrière de protection, confirme Laurent Pradoux, l’architecte des bâtiments de France. Il permettra aux vitraux et à toute la structure de vieillir moins vite, mais aussi de les protéger de la pluie, de la grêle, des oiseaux et de toutes autres tempêtes éventuelles à venir. »
La rose de la cathédrale de Soissons a donc retrouvé sa place pour plusieurs siècles peut-on espérer. Les cinq années d’attente sont finalement peu de chose, « d’autant plus que le chantier s’est enchaîné de façon quasi ininterrompue malgré les épisodes covid », ajoute Florence Dewrindt. Elle annonce même que la rose sera entièrement visible de l’intérieur de la cathédrale à la mi-mars, après le démontage complet des échafaudages et l’enlèvement de la cloison de protection. La bénédiction de la rose par une célébration spirituelle est quant à elle programmée fin avril, elle sera suivie par un concert d’une chorale soissonnaise. La chargée de mission du diocèse pour la cathédrale partage une dernière confidence : « La rose sera en fait totalement visible pendant deux ans puisque les tuyaux d’orgue ont été enlevés pour sa restauration. L’appel d’offres sera lancé cet été, le choix sera déterminé à l’hiver prochain, puis au moins deux ans de travaux seront nécessaires pour sa restauration. Sachant que les facteurs d’orgue sont très sollicités partout en France, nous espérons présenter un grand concert inaugural à Noël 2025. »

Le Plan de relance au chevet de la cathédrale

2,6 M€ ont été attribués par l’Etat pour la restauration de la rose en façade de la cathédrale de Soissons. Alors que ce chantier vient de se terminer, un autre a débuté de l’autre côté de l’édifice, il s’agit bien de cet autre gigantesque échafaudage au chevet de la cathédrale donnant sur la place Marquigny. La préfecture de l’Aisne a annoncé que 3,5 M€ de crédits de Plan de relance lui sont affectés et vont permettre d’engager la restauration des couvertures de la nef et de poursuivre la mise en sécurité de l’édifice, soit un total de 6,1 millions d’euros.
Cette première tranche de travaux est principalement localisée sur le chœur : mise en place d’un échafaudage, restauration de la charpente et des couvertures, remplacement des ardoises, reprises des évacuations des eaux pluviales, recoupement des combles, installation d’un système de sécurité incendie (SSI). Les travaux sont programmés pour une durée d’environ 18 mois. La préfecture ajoute : « Une seconde phase suivra ultérieurement, portant à terme à près de 10 millions d’euros l’effort de l’État en faveur de ce patrimoine dont il est propriétaire et qui fait rayonner la ville et le département de l’Aisne. Le programme Action cœur de ville prévoit parallèlement l’aménagement et la valorisation des abords de ce site historique. »

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