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Quand l’art répond à la guerre

L’association soissonnaise Pyssanka concrétise son projet fou de ramener un char russe en France pour le convertir en objet d’art qui voyagera d’école en école, en soutien à l’Ukraine. L’action prend même une ampleur nationale et internationale.

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L’invasion de l’Ukraine par la Russie a débuté en février 2022, une guerre qui perdure depuis plus de 2 ans. Vue d’ici, on peut l’oublier mais l’actualité rappelle ponctuellement les horreurs et les dangers de ce conflit. A Soissons, l’association Pyssanka Ukraine qui s’est créée peu après le début de l’invasion ne l’oublie pas. Ses co-fondateurs, Ulyana Vlasyuk et Thierry Birrer avaient déjà présenté fin 2022 plusieurs de leurs actions dans lesquelles ils placent l’art et la culture au cœur de leur message, comme une pédagogie douce à enseigner notamment aux jeunes soissonnais face à la dureté de cette actualité. « Contre la violence de la guerre, seul l’art est une réponse », affirme Thierry, lui qui s’est rendu à plusieurs reprises en Ukraine et sur le front pour réaliser des reportages.

Le photoreporter avait alors émis « l’idée folle » de ramener en France un char russe détruit sur le front et de le transformer en œuvre d’art qui voyagerait d’école en école. « Idée folle » ou « projet fou » comme l’ont bien souvent qualifié les autorités et les interlocuteurs à qui il en a parlé. Thierry en est bien conscient : « Un char c’est lourd, c’est encombrant surtout politiquement, et c’est difficile à rentrer dans des cours de lycées. Un char ça fait peur, beaucoup me disent qu’en France les enfants ne monteront pas sur un char. Mais c’est justement en voyant des enfants en Ukraine monter sur des blindés et faire des dessins dessus, en particulier des tournesols qui sont emblématiques de leur culture, que l’idée m’est venue. Ainsi ils surmontaient leur peur, ils montraient que le fait de s’approprier artistiquement un char, symbole de violence, est plus fort que l’horreur de la guerre. L’art devient ici la seule réponse à cette agression barbare car il permet de conjuguer l’indicible et il participe au devoir de mémoire. »

L’exemple d’un char russe qui sera ramené en France, ici détruit lors des combats d’Izium en septembre 2022. © Thierry Birrer

Convaincu du bien-fondé de l’action, Thierry Birrer n’a rien lâché, même quand un officier militaire de presse l’a à son tour pris pour un fou, ou quand les renseignements territoriaux tiquaient fortement sur la possibilité de faire rentrer un char russe sur le sol français. Il est aussi conforté dans son idée, du fait qu’un autre char a déjà quitté l’Ukraine pour Berlin puis les Pays-Bas, Arte y avait consacré un reportage en octobre dernier. Une initiative qui n’a pas cependant la finalité culturelle et scolaire du projet que Pissanka veut mener. Et voilà que ce projet nommé au départ « Un char dans ta cour d’école » avance à grands pas, plus précisément avec le soutien officiel de l’ambassade d’Ukraine en France reçu en février : « Ils trouvent cela géant », témoigne Ulyana avec grand plaisir. Une feuille de route est même programmée avec l’arrivée du char à Strasbourg en août avant d’entamer un parcours dans le Nord et l’Est de la France à la rentrée scolaire 2024 (voir l’encadré). A la fin du périple, l’association soissonnaise a la volonté de conserver le char dans un musée. Elle émet donc le souhait de le voir entrer à l’Arsenal de Soissons ou au Camp de Margival, mais il pourrait aussi aller au musée du Blindé à Fismes ou même à Grenoble où l’association Mriya Ukraine est partenaire du projet. Mais avant cela, Pissanka se donne jusqu’au mois de mai pour finaliser le financement (environ 60 000 € au total), les autorisations légales, les différentes étapes avec les autorités administratives et les établissements scolaires.

Des véhicules détruits et peints de tournesols, « Flowers for Hope ». © Thierry Birrer

Une chose est sûre, le projet soissonnais se concrétise et mieux, il prend de l’ampleur, d’autant plus depuis l’appel récent à davantage d’aide à l’Ukraine. D’intérêt local, il est passé à un intérêt national et désormais international avec l’implication croissante de villes, associations et organisations diverses. Pour l’international, « Un char dans ta cour d’école » est « Flowers for Hope » : un projet culturel, artistique et éducationnel en soutien au peuple ukrainien. Thierry Birrer confirme : « Ce char répondra à la violence et la destruction par l’art, en cela il montrera que l’art est supérieur à tout type de violence. »

Dans le sillage du char

L’association Pissanka Ukraine communique : « La présentation de ce char T72 détruit sera le support à diverses manifestations festives, historiques et informatives conjuguant l’art, la guerre et l’Ukraine. Le choix d’un char russe se veut d’abord un mémorial à l’histoire, char de la libération des pays de l’Est du joug hitlérien en 1945 mais également char de l’oppression vingt ans plus tard de ces mêmes pays de l’Est.

Afin d’informer et sensibiliser, diverses expositions publiques dans les villes traversées seront organisées mêlant reportages et peintures, particulièrement celles de l’artiste ukrainienne de Kyiv, Lesia Babliak, une artiste qui a déjà exposé en France en compagnie du photoreporter Thierry Birrer, notamment à Reims au printemps 2023. De même, un ballet de danseuses et danseurs ukrainiens est en train de se monter pour se produire dans les villes étapes. Simultanément, des interventions en milieu scolaire permettront d’éveiller les plus jeunes à l’information en zone de conflit. Sera également lancée une campagne d’appel aux dons dans le but d’acheter des véhicules de secours pour les acheminer en Ukraine afin d’aider une population victime d’une guerre sans merci. »

Le parcours du char

Il est prévu que le char arrive en France et fasse d’abord étape à Strasbourg pour un moment symbolique et chargé en émotions devant le Parlement Européen où en février 2024 les députés ont appelé à davantage d’aide à l’Ukraine.
Il fera ensuite étape à Reims, Laon, Cambrai, Arras, hauts lieux mémoriels de la Première Guerre mondiale, puis Lille, Dunkerque, Boulogne et Dieppe, lieux de combats acharnés durant la Seconde Guerre Mondiale. Il voyagera ensuite à Rouen, Amiens, Beauvais, Compiègne et Soissons. Le blindé partira ensuite à Grenoble puis Lyon et rejoindra Paris, pour divers moments de commémorations et artistiques dans ces trois villes. En fonction de l’avancée du projet, d’autres étapes sont programmables.

Le blindé, décoré des tournesols qui auront fleuri sur son blindage lors de toutes ces étapes, rejoindra ensuite un lieu de retraite dans un musée afin de rappeler que l’art est supérieur à toute forme de violence.

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