Une restauration de trois ans et de 9,5 M€ est en cours, et nous étions invités à venir voir « les parties hautes » à l’occasion des Journées Nationales de l’Architecture du 13 au 15 octobre. Mais comment ? Eh bien, mettre un casque de sécurité et attendre en bas de la forêt d’échafaudages. Une douzaine de curieux devait prendre le grand ascenseur de chantier pour chaque visite. Yann Hégo, ingénieur du patrimoine à la DRAC Hauts-de-France, accompagne le groupe. Il fera preuve d’une connaissance profonde et détaillée du projet, que ce soit la complexité des échafaudages ou le détail du traitement des vitraux et sculptures extérieures. Le projet fait appel à 20 métiers d’art, pratiqués par 60 à 120 personnes selon le déroulement des travaux.
L’ascenseur se met à monter lentement et bruyamment, comme un monte-charge, jusqu’au 3e niveau. C’est impressionnant : de chaque côté le paysage urbain s’éloigne et s’étend. Nous sortons avec précaution sur le palier, recouvert de tôles antidérapantes qui bougent sous les pieds. Il n’y a pas de danger, mais il est aventureux d’entrer sur un tel chantier. Il faut faire attention aux traverses basses signalées par des bandes noires et jaunes. Nous sommes au niveau de la large corniche des murs de la nef, décorée par de petites sculptures. Le haut de la tour sud-est visible juste au-dessus. Nous tutoyons les hauteurs de notre cathédrale.
Des gargouilles nous regardent avec les yeux de bêtes fantastiques. Ont-elles 800 ans ? « 100 » répond Yann Hégo « elles datent de la reconstruction après 1918. » Elles recevront seulement une goulotte en plomb pour l’écoulement, car le choix a été fait de préserver l’histoire qui a laissé ses traces sur la structure, même des impacts de balles sur la pierre. Les sculptures sont traitées par laser, sablage ou silicones, un millimètre à la fois.
Nous montons au 4e niveau par une dizaine de marches métalliques et un demi-palier, avec une légère sensation d’avancer vers le vide, pour atteindre les combles de la cathédrale. Les gros chevrons nus en enfilade sont soutenus par des arbalétriers comme d’immenses cadres de parapluie. A l’ouest, une charpente en béton, datant des années 20, a été testée et trouvée saine. Ailleurs, tout bois défectueux est remplacé, ou réparé par de savants assemblages et greffes. Un chevron défiguré par une longue déchirure superficielle, trace de l’impact d’un obus, sera préservé. La charpente sera recouverte d’ardoises importées d’Espagne, car il n’y plus que de petites ardoiseries en France, mais la plupart des matériaux de construction reste locale.
La visite est terminée, mais Yann Hégo considère que d’autres rendez-vous pourraient être pris à des tournants importants du chantier. Nous redescendons dans l’ascenseur grinçant et atterrissons, avec le sentiment d’avoir survolé à pied ce monument qui est au cœur de la ville, voire est son cœur.