Connectez-vous avec le Vase

Exposition

Deux visions “de ce monde de fous” à l’Arsenal de Soissons

Publié

le

L'art de regarder la virulence

Damien Deroubaix (à g.) et Jan R. Faust

Les deux artistes qui exposent à l’Arsenal, Damien Deroubaix et Jan R. Faust, insistent sur l’amitié qui les réunit, l’interaction qu’ils entretiennent entre leurs deux esthétiques, l’échange constant qui a informé les œuvres produites pour la nouvelle exposition à l’Arsenal, Un juste reflet de ce monde de fous. Les informations affichées attirent l’attention sur leurs double démarche artistique, les correspondances et dialogues qui accompagnent leur travail, leurs objectifs artistiques et politiques.

Ils annoncent vouloir refléter la virulence des images qui inondent les média : c’est Damien Deroubaix qui a proposé à Jan R. Faust de réunir leurs visions et en faire une exposition.

Collage de Jan R. Faust

L’événement, sous les auspices du Fonds Régional pour l’Art Contemporain Picardie, est doublé d’une exposition parallèle à Amiens. Les commissaires sont Pascal Neveux, nouveau directeur du Frac Picardie, et Christophe Brouard, directeur des Musées de Soissons.

Parlant avant l’ouverture, Damien Deroubaix, qui avait proposé cette exposition partagée à Jan R. Faust, est enthousiaste et souriant, expliquant ses techniques, porte-parole des deux, lui plus lisse, l’autre plus rugueux. Jan R. Faust parle moins, mais revient sur sa carrière de photographe en Tasmanie, à laquelle il a mis fin abruptement en devenant peintre sous un nouveau nom. Il décrit ainsi sa démarche : « Je réfléchis beaucoup à chaque élément à l’avance, mais quand je commence je ne pense à rien, je laisse venir, j’agis. »

Il expose des collages où des têtes de mort (incorporant parfois des parties de visages vivants) sont auréolées de longs rayons multicolores et pointus, comme d’une couronne d’épines. Ce sont des images morbides éclairées par leurs couleurs vives.

Il a aussi fait de petits dessins au crayon dont les cadres sont alignés sur les murs, aux traits si fins, si peu appuyés qu’il faut les scruter de tout près. Des parties de corps humain s’y allient à des éléments animaliers. Ce sont des miniatures inquiétantes et exquises.

Ces dessins côtoient les grands tableaux de Damien Deroubaix, principalement des « frottages », créés en incisant des traits dans des panneaux de bois puis en transférant les images sur une feuille, posée sur le panneau et frottée avec un crayon. La technique produit des tableaux d’où toute netteté est absente, comme si le spectateur les voyait sous l’eau, ces personnages complexes, parfois mythiques. L’œuvre la plus spectaculaire reprend le Guernica de Picasso, dont elle abolit la couleur et la fermeté des traits, ce qui en fait l’ombre fidèle de l’original plus qu’une copie.

Frottage de Damien Deroubaix

La documentation de l’exposition décrit longuement la relation étroite entre les artistes et analyse leurs approches et sujets. L’intérêt documentaire est certain ; mais il peut encombrer le regard du spectateur, qui devrait s’approcher de l’exposition autant que possible « les mains vides », dégagé de toute préconception.

Entrer, regarder. Traverser les salles blanches, dont les hauts cloisons ne font qu’attirer le regard vers le toit encore plus haut ; se laisser atteindre par la mise en image de cette vision partagée ; réagir à son ambiance à la fois encombrante et généreuse ; écouter ses propres échos de « ce monde de fous ». Seulement ensuite, méditer sur le sens du mot « juste » dans le titre.

Un juste reflet de ce monde de fous, l’Arsenal jusqu’au 26 sept.

[Cet article paraît dans le Vase Communicant n° 317.]

Continuer la lecture
P U B L I C I T É

Inscription newsletter

Catégories

Facebook

LE VASE sur votre mobile ?

Installer
×